En approchant de la retraite, on a toujours tendance à se demander si on a accumulé suffisamment d’économies pour vivre ses vieux jours comme on le souhaite. Si les montants sont importants, la stratégie de décaissement l’est souvent tout autant, parce qu’elle peut vraiment venir changer la donne.

La situation

Brian*, 61 ans, travaille à temps partiel et prévoit continuer ainsi jusque vers 65 ou 68 ans, moment où il prendra sa retraite. Son projet : vivre environ cinq mois par année au soleil de 65 ans à 75 ans. Il prévoit aller en Asie du Sud-Est, où le coût de la vie est beaucoup plus faible qu’au Québec.

Alors qu’il recevrait à 65 ans 532 $ par mois du Régime de rentes du Québec (RRQ), il pense en faire la demande seulement à 70 ans afin de profiter de la bonification. Il compte demander sa pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) au même âge. Il a l’intention de dépenser plus d’argent jusqu’à 75 ans et moins après. Pour le moment, il évalue son coût de vie à 45 000 $ en additionnant son salaire brut de 30 000 $ et 15 000 $ d’intérêts sur ses placements environ chaque année. Il se demande si son plan est réaliste.

« Avec combien d’argent par année pourrais-je vivre entre 65 et 75 ans pour être correct les années suivantes ? Considérez quand même que la majorité de mes avoirs, soit ce qui se trouve dans mon régime enregistré d’épargne-retraite [REER], dans mon compte d’épargne libre d’impôt [CELI] et dans mon épargne non enregistrée, est constituée d’actions. Donc, ces économies sont constamment menacées par la conjoncture économique. Pour le moment, ce n’est pas très inquiétant parce que je n’ai pas besoin de les décaisser, mais ce sera le cas plus tard. »

Les chiffres

  • Revenus de travailleur autonome : 30 000 $
  • Revenus d’intérêts : 15 000 $
  • Condo : payé, valeur de 445 000 $
  • REER : 203 313 $, 80 % actions
  • CELI : 94 628 $, 80 % actions
  • Épargne non enregistrée : 223 883 $, actions
  • Épargne non enregistrée : 43 414 $, obligations
  • Comptes bancaires : 23 500 $
  • Droits de cotisation au CELI inutilisés : 18 000 $

Bien évaluer son coût de vie

La première chose que Marie-Ève Mc Lean, planificatrice financière indépendante et représentante en épargne collective rattachée à Mérici Services Financiers, veut préciser dans le cas de Brian, c’est son coût de vie.

« Il n’est pas de 45 000 $, affirme-t-elle. Il a plusieurs choses à payer à partir de son salaire brut qu’il n’aura pas à payer une fois à la retraite, indique-t-elle. Par exemple, parce qu’il est travailleur autonome, il doit payer la part de l’employé et celle de l’employeur du RRQ et du Régime québécois d’assurance parentale. Puis, il y a l’impôt. J’évalue que son coût de vie réel est plutôt d’environ 30 000 $. »

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Marie-Ève Mc Lean, planificatrice financière indépendante et représentante en épargne collective rattachée à Mérici Services Financiers

Après avoir fait une projection à la retraite avec les informations qu’elle a en main en suivant les normes de l’Institut de planification financière, elle évalue qu’il pourrait vivre avec au moins 50 000 $ net pour ses 10 premières années à la retraite. Ensuite, il conserverait son niveau de vie actuel de 30 000 $ net jusqu’à 94 ans. Pour y arriver toutefois, il devrait mettre quelques stratégies en place.

Aller chercher du Supplément de revenu garanti

La planificatrice financière a calculé que Brian pourrait aller se chercher une part du Supplément de revenu garanti (SRG) s’il décaisse ses placements de façon optimale. « Pour que ce soit possible pour un célibataire, il faut avoir un revenu net, qui exclut la SV, inférieur à 21 624 $, précise-t-elle. Il doit donc prendre en considération sa rente du RRQ, ses retraits dans son REER et ses revenus de placements. »

Comme le décaissement du REER n’est pas obligatoire avant 72 ans, Marie-Ève Mc Lean attendrait à ce moment avant d’y toucher. Elle lui conseillerait plutôt de puiser dans son épargne non enregistrée qui, contrairement au REER, n’est pas imposée sur le capital décaissé. Ainsi, lors des retraits, seulement un gain ou une perte en capital sera calculé dans ses revenus, en plus de ses 15 000 $ en revenus de placement.

« Ainsi, il pourrait demander sa SV à 65 ans et obtenir aussi environ 3305 $ du SRG durant les premières années de sa retraite alors qu’il aurait un revenu très faible, explique-t-elle. Cette option lui permettrait également de continuer à travailler un peu à temps partiel jusqu’à 68 ans puisque le SRG prévoit une exemption sur les premiers 5000 $ de revenus de travail gagnés, en plus de considérer uniquement 50 % des 10 000 $ suivants. »

Pour sa rente du RRQ, elle lui conseillerait de la demander à 72 ans ; il obtiendrait ainsi la bonification maximale de 58,8 %, tout en ayant son SRG le plus longtemps possible.

Réduire ses revenus de placement

Le SRG de Brian pourrait être encore plus élevé si ses revenus de placement étaient moins importants. En 2024, le maximum qu’une personne célibataire peut recevoir est 12 785 $, et chaque dollar gagné réduit le SRG de 50 cents. Afin de bien le maximiser, Marie-Ève Mc Lean conseille à Brian d’adopter des stratégies pour réduire ses revenus de placement. L’une d’elles est de maximiser son CELI puisque les sommes y croissent à l’abri de l’impôt.

« Ainsi, il devrait sortir un maximum d’argent de ses placements non enregistrés pour les investir dans son CELI qui n’affecte pas son SRG », indique-t-elle.

La planificatrice financière suggère aussi à Brian de revoir son allocation d’actifs. « Tout ce qui est revenu fixe, comme les obligations, donne des intérêts imposés à 100 % alors que le gain en capital est imposé à 50 %, explique-t-elle. Il serait donc préférable de conserver les actions dans son compte non enregistré et de privilégier les titres à revenus fixes dans son CELI. »

Les fonds en catégorie de société pourraient aussi être envisagés. « Ces fonds convertissent les intérêts et les gains étrangers en gains en capital, indique Marie-Ève Mc Lean. De plus, ils font généralement moins de distributions, ce qui fait que l’investisseur a moins de revenus à déclarer chaque année. »

Enfin, elle souligne que s’il a un conseiller en placements, les honoraires payés pour la gestion de ses comptes non enregistrés peuvent être déduits de ses revenus.

Envisager une rente viagère

Alors qu’elle voit que Brian s’inquiète de la volatilité des marchés considérant qu’il a beaucoup d’actions dans son portefeuille, la planificatrice financière lui suggère d’acheter une rente viagère pour l’équivalent de 15 ou 20 % de son portefeuille.

« L’achat d’une rente reproduira en quelque sorte ce qu’aurait fait un régime de retraite, explique-t-elle. Elle lui offrira des paiements fixes qu’il recevra à vie. Cela lui donnera un peu plus de tranquillité d’esprit puisque le montant ne dépendra plus des marchés boursiers. Il peut aussi choisir une rente indexée. Cela s’ajoutera à ses pensions gouvernementales qui sont, elles aussi, indexées et garanties à vie. Il sera ainsi mieux protégé du risque de longévité. »

Bien sûr, plusieurs détails dans la situation de Brian pourraient changer la donne.

« Il aurait avantage à se faire faire une stratégie sur mesure et toujours aviser son conseiller si un changement advient dans sa situation, par exemple s’il n’est plus célibataire, indique Marie-Ève Mc Lean. Mais il peut quand même être rassuré. Il est dans une bonne situation. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.

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