À titre de PDG du géant de la gestion d’actifs BlackRock, Larry Fink a l’oreille des entreprises et des gouvernements. Dans le passé, il a donné de la crédibilité à des concepts comme l’entreprise socialement responsable et l’action des entreprises contre le changement climatique.

Dans un avis aux investisseurs publié mardi, M. Fink aborde un nouveau sujet : l’imminence d’une crise mondiale des retraites et les mesures nécessaires pour y remédier.

Le péril gris

La façon dont les retraites sont gérées dans le monde doit changer, écrit M. Fink. De nombreux pays atteindront un point de bascule démographique d’ici 20 ans et la plupart des gens n’épargnent pas assez pour leur retraite, écrit-il.

Aux États-Unis, en particulier, l’espérance de vie devrait continuer à augmenter avec les médicaments amaigrissants comme Wegovy, écrit M. Fink. Or, quatre Américains sur dix n’ont pas 400 $ en banque en cas d’urgence et encore moins l’argent pour une retraite correcte.

« Il nous faut une démarche structurée de haut niveau pour assurer aux générations futures une vieillesse digne », écrit-il, appelant à une collaboration État-entreprise privée comme celle qui a mené à la relance de la fabrication de semi-conducteurs aux États-Unis.

M. Fink rappelle sa perspective unique sur le problème : plus de la moitié des 10 000 milliards US gérés par BlackRock sont destinés à la retraite.

Questions difficiles, décisions cruciales

Il formule quelques suggestions pour lancer un débat qui sera difficile, prévient-il :

– fonder des caisses de retraite couvrant tous les travailleurs (même ceux à temps partiel), comme l’ont déjà fait 20 États américains ;

– encourager les employeurs à égaler la contribution des salariés et faciliter le transfert des cotisations si un employé change d’employeur ;

– créer des régimes d’épargne d’entreprises à revenu prévisible s’approchant de celui d’une véritable caisse de retraite, afin d’inverser la tendance négative récente, aux États-Unis, que M. Fink décrit comme un glissement « de la certitude financière à l’incertitude financière ».

M. Fink évoque aussi une idée politiquement délicate : le relèvement de l’âge de la retraite. Il rappelle que la Sécurité sociale américaine calcule que, d’ici 2034, elle ne sera plus en mesure de verser l’intégralité des prestations.

Personne ne devrait être forcé de travailler plus longtemps que nécessaire, écrit-il, « mais je trouve un peu fou que notre idée maîtresse de l’âge de la retraite – 65 ans – remonte à la même époque que l’Empire ottoman ».

M. Fink en profite pour défendre l’investissement écoresponsable. Son entreprise est devenue la cible de la droite américaine depuis qu’elle prône l’approche ESG (environnementale, sociale et de gouvernance). Selon lui, la transition vers l’énergie verte est inévitable.

« C’est une mégaforce, une tendance économique majeure dans des pays représentant 90 % du PIB mondial », écrit-il. (Cela étant, il a cessé d’utiliser le terme « ESG » en raison de sa charge politique.)

Il prône un « pragmatisme énergétique » selon lequel la sécurité énergétique de nombreux pays impliquera de tabler sur les hydrocarbures pendant encore des années tout en leur substituant graduellement des sources d’énergie plus propres.

« Personne n’appuiera la décarbonation » si elle implique une maison froide durant l’hiver et une maison torride durant l’été, « ou si le coût de la décarbonation est prohibitif », écrit-il.

M. Fink ajoute que BlackRock n’a pas préconisé le désinvestissement des entreprises d’énergie fossile, parce que certaines d’entre elles investissent dans des technologies vertes comme le captage du carbone dans l’air.

Cet article a été publié dans le New York Times.

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