(Sakura) La chienne d’Atsuko Sato est devenue mondialement célèbre avec une photo qui a inspiré une vague de blagues décalées en ligne et l’emblème du dogecoin, une cryptomonnaie créée à l’origine pour plaisanter, mais dont Elon Musk s’est entichée.

Mais pour Mme Sato, 62 ans, Kabosu est toujours le même fidèle compagnon qui l’accompagne chaque jour à son travail dans un jardin d’enfants.

PHOTO PHILIP FONG, AGENCE FRANCE-PRESSE

Atsuko Sato et la chienne Kabosu

« C’était si bizarre » de découvrir que Kabosu était une star sur l’internet, raconte sa propriétaire chez elle à Sakura, dans le département de Chiba.

Tout a commencé en 2010 quand elle a posté sur son blogue une photo de sa chienne, de la race japonaise shiba inu, assise sur un sofa, l’air espiègle et les pattes avant croisées.

Ce cliché innocent a engendré un phénomène internet massif : le « mème » du « Doge », où d’innombrables internautes utilisaient son image ou celles d’autres shiba inu pour des blagues décalées sur des forums en ligne comme Reddit.

Ses admirateurs les plus passionnés ont même fait de la photo d’origine un « NFT », une œuvre d’art numérique protégée, qu’ils ont ensuite achetée pour 4,2 millions de dollars en 2021 en formant une communauté en ligne, « Own the Doge ».

« La Mona Lisa de l’internet »

« Le Doge est le chien le plus populaire de l’ère moderne », c’est « la Mona Lisa de l’internet », estime un membre de cette communauté d’ultras rencontré par l’AFP à Los Angeles et qui se fait appeler « Tridog ».

Le collectif a aussi mené une campagne de financement participatif pour une statue en plein air de Kabosu, inaugurée fin 2023 à Sakura, et prépare un documentaire sur le phénomène du Doge.

En pleine « Dogemania » en 2013, une cryptomonnaie est née dans le même esprit potache : le dogecoin, qui a brutalement pris de la valeur à partir de 2021 après que le fantasque et richissime multientrepreneur Elon Musk a médiatisé sa passion pour elle.

Elon Musk a annoncé un projet spatial censé être entièrement financé en dogecoin : DOGE-1, un petit satellite que doit lancer sa firme SpaceX. Puis il a déclaré que cette cryptomonnaie pourrait servir à acheter certains produits Tesla, et en 2023 il a brièvement utilisé une icône du Doge comme logo de Twitter, le réseau social qu’il a racheté (et finalement rebaptisé X).

Billy Markus, l’un des deux co-fondateurs du dogecoin, avoue à l’AFP avoir été lui-même surpris par l’engouement pour cette cryptomonnaie, dont le concept a été ensuite imité par une ribambelle de « meme coins », avec d’autres mascottes pour emblèmes.

Ce sont des investissements ultra-spéculatifs, car extrêmement volatils, leur valeur dépendant de tendances éphémères, de rumeurs et de coups de pub de personnalités.

Un seul dogecoin ne vaut actuellement que 15 cents, mais comme cette cryptomonnaie est très abondante, sa capitalisation totale pèse plus de 23 milliards de dollars.

Une icône fatiguée

Atsuko Sato, elle, est loin de tout ça. Si elle a gagné beaucoup d’argent grâce au NFT du Doge, elle en a reversé une grande partie à des organisations caritatives et a payé aussi avec des traitements médicaux pour sa chienne, tombée gravement malade fin 2022.

Kabosu passe désormais la plupart de son temps à se reposer sur un grand coussin à la maison, où des portraits d’elle et des messages d’admirateurs envoyés par des admirateurs du monde entier ornent les murs.

Et quand Mme Sato travaille au jardin d’enfants, Kabosu est à ses côtés dans une poussette pour chien, où elle se laisse docilement caresser par les bambins.

Comme Kabosu a été adoptée dans un refuge, son âge précis est un mystère, mais sa maîtresse pense qu’elle a environ 18 ans, soit au-delà de l’espérance de vie moyenne des shiba inus.

Quand Kabosu mourra, « le monde sera en deuil », mais « une légende perdure », affirme Tridog.

Il espère que les gens se souviendront des « valeurs plus profondes » du mème du Doge, qui sont selon lui « la bonté, l’absurde et le fait de ne pas se prendre trop au sérieux ».