L’appel que l’on n’attendait plus a eu lieu. Plus d’un an après l’invasion russe en Ukraine, les présidents Xi Jinping et Volodymyr Zelensky se sont enfin entretenus au téléphone.

Mais pour le président Xi, pas question de parler de « guerre » ou même de mentionner la Russie par son nom. Après tout, il faut demeurer au-dessus de la mêlée et éviter de se compromettre aux dépens de son ami russe. Ainsi, la souveraineté et l’intégrité du territoire sont au cœur des relations bilatérales entre… l’Ukraine et la Chine.

En réitérant de beaux grands principes, tel que « la Chine a toujours été du côté de la paix », Xi laisse entendre sans trop s’avancer que son pays est prêt à jouer un rôle dans la résolution du conflit. Il ne précise toutefois pas que le tout devrait être un dénouement fondé sur la Charte des Nations unies et le respect du droit international.

Si la Chine est en mesure de jouer un rôle utile menant à la fois à la paix et à un règlement juste de ce conflit, tant mieux. Mais il y a peu de chances que son éventuelle initiative soit couronnée de succès.

Pour qu’une facilitation ou médiation puisse avoir lieu, que ce soit par la Chine ou n’importe quel autre pays ou organisation, il y a deux conditions préalables. D’une part, il faut que les parties au conflit soient prêtes à négocier. Or, à ce jour, ni la Russie ni l’Ukraine ne semblent disposées en ce sens. De plus, il faut que les parties s’entendent sur le choix d’un facilitateur ou médiateur. Or rien n’indique que la Russie ou l’Ukraine ne soient prêtes à confier un tel rôle à la Chine.

La Chine jouit certes d’une crédibilité auprès de la Russie. Mais il y a fort à parier que le président Poutine sera réfractaire à l’idée de céder la moindre parcelle de pouvoir à quiconque pour régler le conflit, à moins d’être certain que ce sera fait selon ses propres termes. Il ne fera pas confiance même à son plus proche partenaire de circonstance avec lequel, faut-il le rappeler, les relations ont été tumultueuses au fil de l’histoire contemporaine. La réaction tiède, voire inquiète, du Kremlin à l’appel entre Xi et Zelensky en dit beaucoup.

Partenariats et contradictions

La crédibilité de la Chine auprès de l’Ukraine est bien sûr ténue. Bien que les relations entre les deux pays aient été très fructueuses jusqu’à l’invasion russe, les Ukrainiens auront noté à grand regret que leur amitié avec la Chine ne faisait pas le poids face au choix de celle-ci d’établir une « amitié sans limite » avec la Russie. D’ailleurs, la conversation entre les deux présidents aurait eu lieu à l’initiative de l’Ukraine. Ce n’est pas la Chine qui a tendu la main.

Qui plus est, la Chine compte dépêcher en Ukraine un envoyé spécial, en la personne de Li Hui, ancien ambassadeur de Chine en Russie. Ironie du sort, ce dernier a reçu une Médaille de l’amitié décernée par nul autre que le président Poutine, en 2019. En matière de neutralité, on repassera.

La Chine tente ici d’affirmer son rôle de puissance mondiale disposant d’un pouvoir d’influence et de se démarquer en projetant une image de neutralité bienveillante et de paix. Elle devra d’abord résoudre ses propres contradictions et démontrer sa capacité à manœuvrer face aux dures réalités du conflit.

Un défi additionnel pour la Chine sera de se démarquer de l’approche de la terre brûlée de la Russie, cette dernière ayant radicalement rompu avec les États-Unis et l’Europe. La Chine, consciente de ses propres intérêts parfois convergents et parfois distincts de ceux de la Russie, cherchera tant bien que mal à conserver un minimum de relations utiles avec les États-Unis et surtout à courtiser l’Europe.

Du côté russe, on continuera de miser sur le partenariat avec la Chine, sans pour autant laisser cette dernière jouer un rôle trop influent et risqué eu égard aux intérêts du Kremlin. L’Ukraine, de son côté, continuera à déployer une approche visant à ne pas offenser la Chine et même à tenter de l’amener à considérer plus activement son point de vue et ses intérêts.

S’il y a une chose certainement positive à souligner quant aux positions de la Chine, c’est son opposition à l’utilisation de l’arme nucléaire, maintes fois répétée. Ce qui n’empêche pourtant pas Poutine de souffler le chaud et le froid en la matière et qui en dit long quant à une relation basée sur les intérêts, pouvoir et influence relatifs de chacun.

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