L’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) rapportait il y a quelques jours les résultats d’un projet-pilote du ministère de la Santé qui visait à comparer le coût de certaines procédures médicales au public et au privé. Le bilan est très clair : dans la grande majorité des cas étudiés, le recours au privé est beaucoup plus coûteux qu’au public.

Après avoir investi 80 millions de dollars en quatre ans (2016-2020) pour un projet-pilote qui devait coûter 4 millions de dollars par année, le gouvernement Legault, qui a choisi de le renouveler en 2019, en conteste maintenant les résultats, affirmant que les coûts au public et au privé ne sont pas comparables. Qu’en est-il réellement ?

Essentiellement, on reproche au projet-pilote de ne pas avoir inclus les frais d’amortissement des équipements et les frais de rénovation des bâtiments dans les dépenses des établissements publics, et donc de sous-estimer le coût des interventions au public.

Ces sommes font partie de la catégorie beaucoup plus large des frais indirects, qui incluent également les frais administratifs et d’opération, les frais de soutien et les frais liés à la location des bâtiments et des équipements. Précisons que, contrairement à ce qui a été affirmé par certains, le projet-pilote tient compte de tous ces autres frais, au public comme au privé.

Les frais indirects ne comptent en moyenne que pour le tiers des dépenses des cliniques privées. Considérant que, selon les données du projet-pilote, les coûts des interventions au privé peuvent atteindre deux fois et demie ceux des interventions au public, il est difficile de croire que les frais d’amortissement et de rénovation pourraient à eux seuls expliquer des écarts d’une telle ampleur.

On reproche au projet-pilote de « comparer des pommes avec des oranges ». Afin de s’assurer de comparer des pommes avec des pommes, on peut écarter la catégorie litigieuse des frais indirects pour ne comparer que les frais directs (salaires, fournitures, etc.), qui représentent la part la plus importante des coûts totaux et qui sont calculés de la même manière au public et au privé.

Si on fait cet exercice, on arrive à la même conclusion : à l’exception de la chirurgie du doigt à ressaut, le coût reste significativement plus élevé au privé pour l’ensemble des interventions testées (entre 33 % et 105 % plus élevés).

Cela signifie que, si on émet l’hypothèse que les secteurs publics et privés ont des frais indirects équivalents (incluant les coûts d’amortissement des équipements et de rénovation des bâtiments), le coût total reste plus élevé au privé qu’au public.

Pour que le coût total des interventions au public égale celui du privé, il faudrait que l’ajout des frais d’amortissement des équipements et de rénovation des bâtiments fasse tripler, quadrupler ou multiplier par près de six les frais indirects du public (sauf, encore une fois, pour la chirurgie du doigt à ressaut, où il suffirait que l’ajout des frais d’amortissement et de rénovation fasse gonfler les frais indirects de 19 %).

De plus, lorsqu’on analyse l’évolution des coûts entre les deux années pour lesquelles les données sont disponibles – ce qui revient à comparer le privé avec le privé, et le public avec le public –, on constate encore une fois que pour la majorité des interventions, les coûts augmentent au privé pendant qu’ils diminuent au public.

On apprend maintenant que ce sont plus de 160 000 opérations qui ont été réalisées dans les centres médicaux spécialisés privés depuis le début de la pandémie, mais que le gouvernement refuse de rendre publiques les données financières concernant ces interventions.

Dans un contexte où le gouvernement prévoit poursuivre sur la voie d’une sous-traitance massive des chirurgies à des cliniques privées, il est préoccupant de voir le gouvernement balayer du revers de la main les résultats d’un projet-pilote qu’il a lui-même conduit, et dans lequel il a investi des fonds publics importants.

Qu’on se réjouisse ou qu’on se désole des résultats de l’exercice, ses conclusions sont très claires : le privé coûte plus cher que le public. Se mettre la tête dans le sable n’y change rien.

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