En réponse à l’éditorial de Stéphanie Grammond « Pharmacie : des honoraires de 100 000 $… pour un seul patient», publié le 1er avril.

Le 1er avril dernier, Stéphanie Grammond signait un éditorial dénonçant les honoraires facturés par certains pharmaciens en présentant deux exemples hors normes sur plus de 300 millions d’ordonnances servies en pharmacie au Québec. L’enjeu, à notre sens, est ailleurs et relève plutôt du coût des médicaments ultra-dispendieux, servis pour traiter des maladies rares : un sujet de société important qui mérite de générer des discussions entre toutes les parties concernées.

En effet, ces médicaments dits de spécialité seront de plus en plus nombreux sur le marché et nous devons, collectivement, trouver des solutions pour en gérer les coûts.

Soulignons d’abord que le pharmacien ne prend aucun profit sur le prix coûtant du médicament. Dans le cadre de thérapies complexes, certains pharmaciens propriétaires peuvent investir plus de 1 million de dollars pour faire l’achat d’un médicament hyper spécialisé auprès d’une société pharmaceutique avant même d’avoir généré quelque revenu que ce soit. Ils facturent alors des honoraires professionnels en fonction du niveau d’implication et de services rendus au patient aux prises avec une maladie rare.

Travail colossal

Assurer le suivi de ces thérapies exige parfois un travail colossal de la part du pharmacien, tant en raison de la complexité du suivi que du temps passé auprès du patient. Par exemple, le suivi de l’efficacité et de la sécurité de la thérapie nécessite souvent de nombreuses rencontres avec le patient et avec l’équipe traitante, sans compter la prescription et l’analyse des tests de laboratoire, essentiels aux traitements, qui se poursuit souvent pendant des mois.

C’est un travail invisible aux yeux du public, et vraisemblablement aux yeux des assureurs privés, mais qui est incontournable pour le succès d’une thérapie. Difficile d’imaginer un tel travail rémunéré selon ce que la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) consent au pharmacien, soit 9 $, sans compter que ces honoraires doivent couvrir les frais d’opération de la pharmacie, incluant ceux liés au personnel, au loyer, aux systèmes informatiques, à l’électricité, aux assurances commerciales, aux livraisons de médicaments, aux fournitures, etc.

De plus, le pharmacien assume la totalité du risque financier dans l’achat de ces médicaments et, de surcroît, il est le seul à le faire. Les grandes sociétés pharmaceutiques et les assureurs n’assument pour ainsi dire aucun risque financier dans la chaîne de soins.

La manipulation de ces médicaments de même que les ajustements ou abandons de thérapies provoquent souvent des pertes financières majeures, toutes épongées par les pharmacies, mettant en péril la survie de ces entreprises communautaires de proximité. Prenons l’exemple du Soliris dont le coût annuel seulement pour le médicament s’élève à près de 700 000 $ par patient.

Il faut également considérer que l’enjeu de dirigisme qui prévaut actuellement dans la dispensation des médicaments de spécialité fait en sorte que ce genre de médicaments se retrouvent dans un tout petit nombre des pharmacies dites de spécialité et demeurent hors de la portée des pharmacies traditionnelles, au détriment des patients. Ayant un accès restreint au marché, les pharmaciens communautaires ont une capacité limitée à prendre seuls le risque financier associé à ces médicaments dispendieux.

Revoir le mode de fonctionnement

Depuis plusieurs années, l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) demande au gouvernement d’encadrer la gestion des médicaments de spécialité. Avec l’augmentation du nombre de traitements pour des maladies rares et l’arrivée sur le marché de médicaments très dispendieux, il est peut-être temps de revoir le mode de fonctionnement et le partage de risques financiers de ce type de thérapies, mais aussi toute la dynamique de marché entourant la distribution, la dispensation et le remboursement de ces médicaments.

À cet égard, les assureurs eux-mêmes ont un bout de chemin à faire. Comme l’évoque Mme Grammond dans son texte, ils n’ont pas été très actifs pour réduire les coûts liés aux thérapies dispendieuses, puisque plus les frais liés à ces thérapies sont élevés, plus les profits de l’assureur augmentent.

La révision du mode de fonctionnement entourant les médicaments de spécialité est donc à notre avis la seule voie de passage pour rendre le système juste et équitable pour les patients et pour les pharmaciens communautaires. L’AQPP invite toutes les parties prenantes dans ce dossier à travailler ensemble pour trouver une solution pérenne au défi que présente l’arrivée grandissante de ces thérapies onéreuses pour le traitement des maladies rares.

1. Lisez l’éditorial de Stéphanie Grammond Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion