On dit que l’histoire ne se répète pas, mais qu’il y a des analogies, comme le démontrent les réactions au projet de loi du ministre Jean Boulet pour encadrer le travail des enfants.

Rappelons que les thèses, les articles et les études sur l’histoire de l’éducation au Québec et ses liens avec le travail des enfants sont nombreux. Ils illustrent les batailles féroces qui ont eu lieu entre, d’un côté, l’Église catholique et les milieux conservateurs, et, de l’autre côté, les libéraux, les mouvements ouvriers et les mouvements de femmes. Un jésuite ira même jusqu’à écrire que si tout le monde est instruit, on manquera de vidangeurs et de manœuvres.

Qu’il suffise de rappeler que la Loi québécoise sur l’instruction obligatoire ne date que de 1943, alors que la province de Québec a été la dernière à se doter d’un tel instrument législatif. La loi s’appliquait aux enfants de 6 à 14 ans et l’instruction devait être gratuite.

Les combats sur l’instruction obligatoire ont toujours été liés au travail des enfants.

Le sénateur Raoul Dandurand, qui fut un défenseur acharné de l’éducation obligatoire, a été nommé en 1909 président d’une commission d’enquête sur le fonctionnement de la commission des écoles catholiques de Montréal. Son rapport n’ayant pas reçu beaucoup de soutien, et devant le refus obstiné du clergé qui craignait de voir diminuer son emprise sur l’organisation de l’éducation, le gouvernement de Lomer Gouin (1905-1920) fit adopter en 1919 une loi qui défendait à toute personne dirigeant une industrie, un commerce, ou exerçant un métier, une profession, d’employer les garçons et filles âgés de moins de 16 ans révolus à moins qu’ils ne puissent lire et écrire couramment.

Dandurand, marqué par la défaite de son beau-père Félix-Gabriel Marchand, premier ministre du Québec de 1897 à 1900, qui avait tenté sans succès d’établir un ministère de l’Instruction publique, affirmait dans une conférence en 1918 : « La question de l’éducation devrait primer toutes les autres dans notre pensée. C’est d’elle que dépend l’avenir de notre petit peuple comme de toutes les autres nations. Ne cherchons pas ailleurs notre salut : c’est à l’école qu’il faut le préparer. »

Il disait aussi que si les enfants ne demeuraient pas assez longtemps à l’école, ils risquaient de ne pas avoir les bases nécessaires pour y retourner devenus adultes.

Réfléchissons donc sérieusement avant de trop élargir l’accès des enfants au marché du travail.

* Michèle Stanton-Jean est auteure avec Marie Lavigne de Joséphine Marchand et Raoul Dandurand : Amour, politique et féminisme (Boréal, 2021)

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