La dernière semaine a été chargée émotivement. Nous avons été touchés par les évènements tragiques d’Amqui et de Montréal et sommes de tout cœur avec les personnes affectées par ces gestes inexcusables.

Devant la désolation, il est normal de chercher des solutions qui réduiraient les risques de tels drames. Plusieurs solutions évoquées ces derniers jours brimeraient les droits de toutes les personnes vivant un problème de santé mentale, comme s’il s’agissait d’un groupe homogène et présumé dangereux.

En réaction, un ministre a réfléchi à voix haute à l’idée de retirer le permis de conduire aux personnes vivant un problème de santé mentale. Le premier ministre a proposé à la population de surveiller et de signaler les gens de notre entourage qui « montrent des signes inquiétants ». Le directeur national des services en santé mentale et de psychiatrie légale au ministère de la Santé et des Services sociaux, le DPierre Bleau, a affirmé sur les ondes de Radio-Canada, avec une pointe de reproche, qu’« au Québec, on a privilégié les droits de la personne, au détriment de plein de choses ».

Peu importe la tribune choisie, on nous parle de santé mentale. On s’entretient avec des psychiatres qui répètent que leur travail serait plus facile s’ils pouvaient hospitaliser plus de citoyens vivant un problème de santé mentale, avec ou sans leur accord. Alors que la parole n’a été offerte ni aux principaux intéressés ni aux associations qui portent leur parole.

Nous dénonçons fermement les propos allant en ce sens qui ont été tenus ces derniers jours. Ce sensationnalisme simplifie abusivement des enjeux complexes, qui ont des origines aussi diverses que les individus qui sont en cause.

Ils ont pour effet d’alimenter les préjugés, ils contribuent à la stigmatisation de personnes qui vivent de la détresse et nourrissent le sentiment, malheureusement encore bien présent au sein de la population, que s’attaquer aux droits de la personne est la solution pour protéger la société.

Contrairement à ce qu’on semble penser, les mesures coercitives telles que les hospitalisations et les traitements forcés sont en assez forte augmentation. Bien que l’on entende qu’elles soient très difficiles à obtenir, rappelons que ces derniers sont acceptés dans plus de 95 % des cas.

Encore aujourd’hui, il existe peu d’alternatives à l’hospitalisation dans notre système de santé et le financement des services de la communauté est nettement insuffisant. C’était pourtant une condition nécessaire à la réussite de la désinstitutionnalisation (inachevée) qui avait été amorcée dans les années 1960. Certes, le ministre a mis en place certaines mesures dans le Plan d’action interministériel en santé mentale 2022-2026. Toutefois, l’investissement de 2 millions de dollars répartis dans les Services d’intervention de crise du Québec prend des allures de fonds de tiroir une fois distribués. Rappelons d’ailleurs que ce type de services ne couvre pas l’ensemble du territoire québécois.

Il est crucial, maintenant plus que jamais, que l’État investisse de façon sérieuse et importante dans les services offerts par la communauté.

Nous considérons également comme primordial que l’on s’assure qu’une personne en détresse puisse avoir accès à des services variés pouvant répondre à sa situation, tant en ville qu’en périphérie, qu’en milieu rural et éloigné des grands centres. Pour cela, il est important que le ministère de la Santé et des Services sociaux investisse dans des approches diversifiées en santé mentale, en particulier dans le milieu communautaire, mais aussi dans le système public.

Brimer les droits des personnes vivant un problème de santé mentale ne peut qu’accentuer les problèmes. Cessons de réclamer plus de coercition à leur endroit. Au contraire, offrons-leur la parole et surtout, écoutons-les. Offrons-leur les services respectueux de leurs droits et humains qui soient dignes du Québec et de ses citoyens et citoyennes.

* Cosignataires : François Winter, membre du conseil d’administration de l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ) et directeur de l’A-DROIT de Chaudière-Appalaches ; Carole Lévis, présidente du conseil d’administration du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ) et membre du Collectif des Laurentides en santé mentale ; Anne-Marie Boucher, co-coordinatrice du RRASMQ ; Myriam Lepage-Lamazzi, coordinatrice du Mouvement jeunes et santé mentale

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion