L’auteure réplique à l’ex-sous-ministre de l’Emploi Yvon Boudreau quant à la règle de l’ancienneté des infirmières.

Monsieur Boudreau, je suis une infirmière retraitée après 35 années de loyaux services auprès du même hôpital. J’ai également été déléguée syndicale et présidente pendant cinq ans. Comment peut-on parler du métier d’infirmière sans traiter de l’enjeu de la « sacro-sainte règle syndicale » qu’est l’ancienneté ?

Ce principe névralgique fait partie de notre convention collective regroupant près de 80 000 membres infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes. Pour un aussi grand nombre de travailleuses, ce principe est NÉCESSAIRE pour éviter le favoritisme et les litiges lors de l’octroi de postes et de congés annuels. Oui, il faut de la patience pour avoir les meilleurs avantages. Les patients sont malades 365 jours par année. Jour et nuit. Ça fait partie de la profession choisie.

Les employées de la santé ne sont payées à taux et demi les jours fériés (Noël, jour de l’An et autres) que depuis une quinzaine d’années seulement. La profession infirmière est pourtant un service essentiel au même titre que celle de pompier ou de policier, qui sont payés à taux double et plus pour les mêmes fêtes depuis longtemps.

Il faut croire que le « service essentiel » des postes majoritairement féminins n’est pas régi par les mêmes règles. D’ailleurs, en temps de grève, nous devons être plus nombreuses en poste qu’en temps régulier.

Ce n’est qu’un des éléments ayant mené au désistement de la profession. La surcharge de travail en a rajouté une couche majeure. Les primes ridicules sur les quarts d’inconvénient et le minable salaire à l’embauche en sont d’autres exemples.

Il y a 20 ans, je voyais déjà la catastrophe du manque de personnel qui se dessinait et je dénonçais le laisser-aller. On me répondait qu’il y aurait toujours quelqu’un pour remplacer les départs, sans se questionner sur le pourquoi de ces départs.

La voix des médecins

Jamais les médecins n’ont appuyé les demandes des infirmières. Maintenant que le manque affecte leurs revenus, ils se font un peu plus entendre.

Aujourd’hui, vous, vos pairs et le gouvernement Legault êtes encore à trouver des solutions faciles et rapides pour « régler vite » la pénurie de personnel.

Les infirmières se sont aussi spécialisées. Les solutions faciles les obligeant à changer de département contre leur gré pour combler des manques n’est pas une solution, à moins d’accepter de mettre la vie des patients encore plus en danger.

Vous cherchez les responsables en faisant fi de regarder la vraie histoire des négociations des conventions collectives trop souvent bâclées par des décrets et des lois matraques sans écoute des vrais besoins exprimés par le personnel.

Éliminer le principe d’ancienneté serait encore un pas vers le découragement de celles qui sont restées fidèles au système. Comment allez-vous les récompenser ?

Oui, ce sera long et ardu de régler la pénurie. Les gouvernements ont laissé les agences abuser du système plutôt que de stabiliser les équipes en créant des postes à temps complet.

Il y a un prix à payer.

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