En réponse à la lettre ouverte de Ginette Lapierre, « La guerre à la voiture »1, publiée le 25 février

Si une guerre se joue dans les rues de Montréal, ce n’est certainement pas aux dépens de la voiture. Au contraire, force est de constater que ce sont les humains qui pâtissent de la place prépondérante qu’occupe la voiture dans nos villes.

Le territoire monopolisé, mais jamais suffisant

La voiture est encore largement reine dans nos rues. Une analyse effectuée en 2021 par Polytechnique Montréal révèle que près de 74 % de l’espace de voirie est encore dédié à l’auto sur l’île de Montréal. Des autos qui transportent essentiellement du vide, puisque leur taux d’occupation moyen dépasse à peine 1,2 passager, et qui restent stationnées 95 % du temps.

Des autos qui continuent pourtant de se multiplier : en 30 ans, alors que la population du Québec a crû de 22 %, le nombre de véhicules personnels a, lui, augmenté de 61 %. S’il faut trouver un coupable à la congestion et à la frustration des automobilistes, c’est bien cette compétition pour l’espace entre automobilistes qu’il faut nommer, plutôt que de blâmer les efforts d’apaisement de la circulation ou la timide réallocation de l’espace consentie pour aménager des voies cyclables ou des voies réservées au transport collectif.

Un bilan routier qui ne trompe pas sur les véritables victimes

Mais puisqu’il est soi-disant question d’une guerre à l’auto, attardons-nous plutôt à qui en sont les victimes. Malheureusement, à cet égard, les chiffres ne trompent pas : alors que le bilan routier ne cesse globalement de s’améliorer, les piétons représentent, eux, une part toujours croissante des victimes. En l’espace d’une décennie, leur proportion dans les décès de la route est passée de 13,2 % à 19,3 %.

En cause, notamment, la prolifération des véhicules utilitaires sport et camions légers, qui augmentent les risques : un piéton est 3,4 fois plus susceptible de décéder en cas de collision avec un tel véhicule que s’il était frappé par une auto régulière.

Autre statistique effarante : les aînés comptent désormais pour près de la moitié des piétons tués, alors qu’ils ne représentent que 21 % de la population. Face à ce constat alarmant, il est plutôt cynique de vouloir présenter l’auto comme la panacée de la mobilité des personnes âgées !

Agir sur les comportements ne suffit plus

Pour inverser ces tendances, les spécialistes en sécurité routière s’entendent tous sur un point : tenter d’agir sur les comportements a ses limites. Selon un sondage de la Société de l’assurance automobile du Québec, 97 % des Québécois reconnaissent l’importance de respecter les limites de vitesse. Selon des observations réalisées par CAA-Québec autour d’une école montréalaise, ils sont pourtant aussi 96 % à ne pas respecter les limites de vitesse dans une zone scolaire.

La conclusion s’impose : c’est en multipliant les mesures d’apaisement de la circulation et les infrastructures piétonnes et cyclables que l’on peut espérer améliorer notre bilan routier ; il ne faut pas ralentir, mais bien accélérer la cadence. Cela bénéficiera à l’ensemble des usagers de la route, y compris les automobilistes. Pour preuve, un palmarès Waze plaçait récemment les Pays-Bas, paradis du vélo, en tête des pays où il fait bon conduire !

Au Québec, il n’y a pas de « lobby puissant des cyclistes », juste des acteurs qui se mobilisent pour offrir aux ménages québécois plus de choix de mobilité, tout en réduisant le fardeau financier que représente l’auto solo.

Pouvoir choisir de se déplacer parfois à pied, parfois à vélo, parfois en transport en commun, en auto, personnelle ou partagée, sans craindre pour sa sécurité, c’est jouir d’une meilleure qualité de vie, mais aussi d’une autonomie accrue, particulièrement pour nos enfants et nos aînés.

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