Montréal pourrait dégager plus de 500 millions par année, en moyenne, en tarifant toutes ses cases de stationnement sur rue, selon le Conseil régional de l’environnement de Montréal (CRE-MTL). Dans son « livre blanc » sur l’occupation du domaine public, qui paraîtra mardi, l’organisme propose de « changer la culture » du stationnement dans la métropole.

« On veut surtout mettre en lumière de façon concrète à quel point le stationnement occupe un espace et des ressources considérables à Montréal. C’est un fait reconnu par tout le monde dans le milieu de l’aménagement et des transports, mais ça prend aujourd’hui une discussion publique », affirme le responsable du transport de l’organisme, Blaise Rémillard.

Son groupe calcule, en se basant sur une méthodologie proposée par le Victoria Transport Policy Institute qui prend en compte le coût du terrain et les frais de construction, que le coût annuel moyen d’une case de stationnement est d’environ 1275 $ par année pour la Ville de Montréal. En multipliant ce nombre par le nombre de cases de stationnement gratuites, soit environ 450 000, on arrive à 573,7 millions de dollars.

« C’est l’équivalent d’un SRB », lance M. Rémillard à la blague, en référence à la facture totale d’environ 653 millions du service rapide par bus sur l’axe Pie-IX.

Pour récupérer ces fonds, l’organisme suggère à la Ville de « tarifer progressivement », jusqu’en 2035, toutes les cases de stationnement sur rue, « afin d’éliminer leur gratuité » à terme. Dans l’intervalle, on propose aussi de « retirer les espaces de stationnement qui ne sont pas rentables faute d’avoir suffisamment d’automobilistes prêts à payer le juste prix pour leur usage », pour ensuite « attribuer à ces espaces une nouvelle fonction au bénéfice de la collectivité ».

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Blaise Rémillard, responsable du transport au Conseil régional de l’environnement de Montréal

Mieux gérer l’espace

Des listes d’attente pourraient aussi être mises en place pour les vignettes de stationnement sur rue réservées aux résidants (SRRR), afin de « prioriser certains ménages en fonction de l’absence d’accès à un stationnement hors rue et des critères établis de dépendance à l’automobile », suggère le Conseil régional.

Parce que « tout le monde doit faire sa part », M. Rémillard affirme que l’ajout de cases de stationnement dans les immeubles résidentiels existants devrait également être interdit. Ses équipes appellent également à « réduire les superficies autorisées de stationnement de surface dans les nouvelles constructions, pour privilégier le stationnement en structure ou souterrain », et de « graduellement tendre vers l’interdiction du stationnement de surface ».

Le « livre blanc » du CRE-MTL propose aussi d’implanter un « système de bonus-malus » pour les propriétaires qui souhaitent « innover » en verdissant leur stationnement ou en y installant des bornes électriques, par exemple. Ces propriétaires verraient alors leur taux de taxe sur le stationnement diminuer.

« On ne veut pas enlever la voiture de la ville. C’est simplement de mieux choisir où on la veut et quand on la veut. Plus la ville va aller en se développant, plus la rareté de l’espace, on va devoir la gérer », persiste le responsable, qui suggère de réinvestir les centaines de millions qui seraient récupérés dans les transports collectifs, le verdissement et la construction de logements abordables.

Une tarification modulaire dès cette année ?

Au comité exécutif de Montréal, la responsable de la mobilité, Sophie Mauzerolle, affirme que la Ville « n’en est pas à court terme à se doter d’une vision unilatérale de la tarification du stationnement ». « Ceci dit, la tarification reste pour nous un levier de la mobilité durable », soutient-elle.

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Sophie Mauzerolle, responsable de la mobilité au comité exécutif de Montréal

L’Agence de la mobilité durable (AMD) compte d’ailleurs lancer une application mobile d’ici deux à cinq ans pour rendre plus de données disponibles en temps réel pour les Montréalais, notamment sur le stationnement, afin de « raffiner » les débats sur la question. « Où sont les places ? Quelle est la réglementation sur chacune d’entre elles ? Est-ce qu’il y a des places dans tel secteur ? C’est ce genre de question à laquelle on pourra répondre. Et on pense que ça aura un impact très fort sur le comportement des gens », disait en août dernier le directeur général de l’AMD, Laurent Chevrot.

Montréal compte aussi mettre en place un projet de tarification modulaire dès cette année, ce qui permettrait de changer le prix du stationnement sur certaines artères en fonction du moment de la journée. « Ça induirait un taux de roulement plus important, et pour les commerçants, plus de clients. Il faut mettre le bon outil au bon endroit », résume Mme Mauzerolle.

La Ville envisage aussi de rendre permanent un autre projet pilote : la lecture automatisée des plaques, qui permet de collecter des données sur la provenance des véhicules et leur circulation sur le territoire.

« On ne peut pas non plus demander aux gens de délaisser leur voiture s’il n’y a pas d’alternatives. Tout passe aussi par des réseaux de transport collectif plus forts, une offre d’autopartage plus intéressante et un réseau cyclable structurant », conclut l’élue, qui souligne que l’arrivée du Réseau express métropolitain (REM) sera aussi l’occasion de « réfléchir à la gestion du stationnement en bordure des nouvelles stations ».