Le débat sur l’ingérence étrangère dans les dernières élections fédérales a été alimenté cette semaine par le dépôt d’un rapport1, 17 mois après l’élection de 2021.

Or, ce rapport nous laisse sur notre faim. Il ne semble pas aller à l’essentiel. Et à bien y regarder de plus près, cela s’explique.

C’est que le mandat du rapport porte uniquement sur le Protocole public en cas d’incident électoral majeur. L’objectif de ce Protocole ? Informer le public en cas d’incident électoral majeur pouvant menacer la tenue d’élections libres et justes au pays. 

Bref, le rapport porte sur un sujet restreint, soit le fonctionnement du Protocole, qui a lui-même une portée limitée : l’information au public – si jugé nécessaire.

Pourtant, il faut plusieurs outils pour lutter activement contre l’ingérence. Le rapport y fait d’ailleurs brièvement référence.

La question que les Canadiens se posent aujourd’hui est non seulement : quelle information avait le gouvernement ? C’est surtout : qu’a fait le gouvernement pour lutter contre l’ingérence étrangère ? Et que fera-t-il à l’avenir ? 

Ainsi, une fois informés des faits rapportés par les agences de renseignement, le gouvernement et les autorités concernées ont-ils pris action ? A-t-on confronté tant les gouvernements étrangers que les individus impliqués ? A-t-on déployé des moyens utiles en temps réel pour neutraliser leurs actions ?

Ces questions fondamentales vont au-delà du rapport qui a été soumis cette semaine. Et c’est pourquoi une enquête indépendante doit couvrir un éventail plus large de sujets :

  • Quelles ont été les activités d’ingérence étrangère ?
  • De quels renseignements disposaient le gouvernement ainsi que ses différents organismes, et à quel moment ?
  • Et surtout, quelles actions ont pris le gouvernement et l’ensemble des acteurs pertinents pour contrer, en pratique, cette ingérence ?

Nous ne pouvons demeurer passifs quant à ce qui s’est déroulé lors des élections de 2019 et 2021. Sinon, c’est l’impunité et un encouragement à continuer.

Par conséquent, il faut :

  • Sanctionner les gestes inacceptables et possiblement illégaux qu’auraient commis des gouvernements étrangers, éventuellement en expulsant des diplomates malgré les risques de représailles ;
  • Sanctionner les individus qui auraient été impliqués, par exemple en engageant des poursuites pénales contre ceux qui auraient commis des infractions en matière de financement électoral ;
  • Et enfin, revoir certaines pratiques. Par exemple, les partis politiques peuvent-ils permettre à des non-citoyens canadiens de participer et de voter aux assemblées d’investiture des candidats ?

Il faut également préparer l’avenir. On nous répondra qu’il existe déjà un Plan pour protéger la démocratie canadienne. À la lumière de ce qu’on apprend, il est loin d’être évident qu’il soit adéquat et utilisé à bon escient. Il faut se donner les outils nécessaires. Et surtout, nos dirigeants politiques doivent avoir le courage de prendre les décisions et actions qui s’imposent au moment opportun.

Ainsi, va-t-on établir un registre des agents étrangers ? Va-t-on convoquer les missions diplomatiques suspectes lors les prochaines élections ? Va-t-on se doter d’outils additionnels pour empêcher des pratiques inacceptables et les sanctionner ?

Loin de nous l’idée que tout cela est simple. Des arbitrages et garde-fous s’imposent. Alors que nous souhaitons renforcer notre démocratie, nous ne voulons pas tomber dans la paranoïa, museler la liberté d’expression, alimenter les stéréotypes, ou confier un rôle indu aux agences de renseignement et corps policiers.

Mais l’heure de la complaisance tranquille est révolue. Il est temps d’agir.

1. Consultez le « Rapport sur l’évaluation du Protocole public en cas d’incident électoral majeur pour 2021 » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion