La semaine dernière, le quotidien Globe and Mail révélait les conclusions de deux rapports confidentiels du Service canadien du renseignement de sécurité (SRCS) qui faisaient état de la stratégie d’interférence du gouvernement chinois dans les élections fédérales de 2021. Ces constats s’ajoutent aux allégations voulant que Pékin se soit également immiscé dans les élections fédérales de 2019 pour soutenir 11 candidats dans la grande région de Toronto. L’inaction actuelle du gouvernement est tout simplement ahurissante.

La menace que pose la Chine à la sécurité nationale du Canada a pourtant été anticipée depuis un certain temps par les experts. Plusieurs rapports annuels du SCRS mentionnent clairement l’intensité des tentatives d’espionnage et d’ingérence politique du Parti communiste chinois au Canada. Néanmoins, des décennies d’indifférence relativement aux enjeux de sécurité nationale – tous partis confondus à Ottawa – ont grandement vulnérabilisé le Canada, qui est aujourd’hui bien mal outillé pour se protéger contre ce type d’ingérence.

Pour remédier à la situation, Ottawa gagnerait à prendre exemple sur l’Australie. En 2018, à la suite des avertissements répétés de ses agences de renseignement, le gouvernement fédéral australien a adopté neuf nouvelles lois pour prévenir l’ingérence politique étrangère. Elles sont venues remplacer l’ancien cadre légal rédigé dans les années 1970 et qui était devenu complètement inadéquat.

Parmi les principales dispositions, l’Australie oblige dorénavant l’inscription des lobbyistes des gouvernements étrangers sur un registre public. Récemment, le premier ministre de l’époque, Malcolm Turnbull, a déclaré en commission parlementaire⁠1 que le principal objectif de ce registre était de mettre en lumière les liens établis par le Front uni du Parti communiste chinois en Australie.

Aussi, les lois qu’a sanctionnées l’Australie criminalisent l’adoption d’un comportement secret, trompeur ou menaçant au nom d’un gouvernement ou d’une entité étrangère dans le but d’influencer ses processus politiques ou démocratiques, de soutenir une agence de renseignement étrangère et de porter atteinte à sa sécurité nationale.

Surtout, elles donnent aux organismes chargés de leur application et du renseignement le pouvoir d’intervenir en amont d’une éventuelle ingérence étrangère et de poursuivre les responsables.

Ces derniers sont passibles de peines pouvant aller de 10 à 20 ans d’emprisonnement. Ce sera au Canada de trouver son propre équilibre entre ces mesures contraignantes et préventives.

À la lumière de l’actualité canadienne, suivre l’exemple australien en adoptant un cadre législatif plus robuste contre l’ingérence politique étrangère apparaît fondamental. Cela nécessitera néanmoins d’y allouer les ressources en conséquence. Le SCRS et la Gendarmerie royale canadienne (GRC) doivent disposer d’outils législatifs et réglementaires adéquats, mais aussi avoir les moyens nécessaires pour remplir adéquatement leur mission et faire face à la menace pesant sur le pays.

En raison de l’ampleur de cette dernière, il est important que le SCRS et la GRC ne soient pas les seules entités à se préoccuper de cet enjeu. Les politiciens ont aussi un rôle déterminant à jouer et un défi de cet ordre ne peut être laissé aux aléas de la joute partisane. L’ensemble des partis doit faire front commun. Il en va de l’intégrité de nos processus électoraux et du maintien de la confiance du public envers nos institutions démocratiques. Rien de moins.

1. Lisez l’article de Reuters (en anglais) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion