Pourquoi ne semble-t-il jamais y avoir assez de services pour les personnes de la rue ? Bon nombre de Montréalaises et de Montréalais se posent cette question, souvent découragés face à ce qui semble être une crise perpétuelle et qui empire. Pourtant, l’itinérance n’a jamais suscité autant d’attention, de débats et d’actions pour y trouver des solutions.

L’itinérance affecte l’ensemble des Montréalais qui assistent, impuissants, à une crise qui touche les plus défavorisés de notre société. Plus que jamais, les villes sont amenées à agir pour mettre en place différents services et pour répondre aux enjeux dans l’espace public, où la cohabitation sociale devient de plus en plus difficile. La Ville de Montréal, de son côté, a prêté main-forte aux organismes venant en aide aux plus vulnérables en doublant le budget qui leur est dédié. La Ville a aussi redoublé d’efforts pour mieux accompagner les citoyens, en favorisant la cohabitation par la mise en place d’équipes de médiation comme l’Équipe mobile en intervention et médiation sociale (EMMIS), une première pour une municipalité du Québec.

Ces efforts doivent aller de pair avec du soutien communautaire et une aide à la stabilisation des personnes. Par le biais de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), les villes se tournent vers Québec et Ottawa pour de l’aide en santé et en services sociaux, en hébergement avec des services adaptés en santé mentale et en dépendance et en logement avec soutien communautaire. C’est la clé pour briser le cycle de l’itinérance. Mais les villes ne pourront pas y arriver seules, c’est l’affaire de tous les ordres de gouvernement, qui doivent travailler de concert, chacun dans leurs champs de compétence, et de façon coordonnée.

Quand cela arrive, des résultats concrets suivent. C’est ainsi que nous avons assisté récemment à l’ouverture du nouveau centre d’hébergement permanent pour personnes autochtones en situation d’itinérance de l’organisme Projets Autochtones du Québec et à l’inauguration des logements pour femmes en situation d’itinérance du projet Les voisines de Lartigue, de l’organisme Mission Old Brewery, en février.

Le réseau d’hébergement d’urgence

La fin de semaine dernière, pour la deuxième fois en un mois, l’agglomération de Montréal a agi afin de s’assurer de protéger les personnes les plus vulnérables pendant une période de froid intense. Des mesures ont été prises, des sites temporaires ont été ouverts en un temps record. La situation du débordement des refuges est entrée dans les critères de sinistres, au même titre qu’une inondation ou un incendie majeur. Si des dizaines de personnes ont été hébergées à cette occasion, en plein hiver, cette mesure d’urgence nous rappelle aussi l’importance d’assurer un réseau d’hébergement à l’année, qui correspond aux besoins de l’itinérance dans la métropole.

Des efforts sans précédent ont été accomplis au cours des dernières années avec le réseau de la santé et le milieu communautaire pour renforcer le réseau d’hébergement d’urgence. Le nombre de places est passé de 900, en 2019, à 1600, en 2022. Nous sommes plus près que jamais d’un réseau suffisant à la demande, mais il reste encore un travail important à effectuer.

À l’instar de Toronto et d’Ottawa, Montréal a besoin de refuges adaptés à une clientèle qui a des besoins spécifiques en santé mentale ou en dépendance, mais aussi pour les personnes âgées ou jeunes, LGBTQ2+, femmes en situation d’itinérance cachée ou encore autochtones très vulnérables. Une réelle planification des besoins et des services d’hébergement, en lien avec la santé mentale et la dépendance, doit être faite par le réseau de la santé et des services sociaux ainsi que les partenaires communautaires en itinérance et la Ville.

Augmenter l’accès au logement pour réduire l’urgence

Un réseau d’hébergement conforme aux besoins doit aller de pair avec des mécanismes fonctionnels favorisant la sortie des refuges. Sans accès à des logements adaptés et sécuritaires, avec du soutien communautaire, le recours aux refuges est condamné à augmenter sans cesse. Ce phénomène est d’ailleurs observé dans d’autres villes, telles que Toronto, qui compte, à l’hiver 2022-2023, plus de 9000 places d’urgence. À Montréal, des centaines de personnes sont stabilisées dans des refuges, mais elles attendent souvent plus d’un an avant d’être admissibles aux programmes et d’accéder à un logement disponible, où des services adaptés visant la réinsertion sont offerts. Les listes d’attente peuvent être longues.

Au Québec, la création de logements sociaux tourne encore au ralenti. Les programmes du gouvernement du Québec pour la construction et la viabilité des projets par le soutien communautaire et l’accompagnement des personnes demeurent sous-financés et d’une complexité qui décourage un grand nombre d’organismes, qui ne tentent plus de mettre sur pied des projets de construction. Une simplification des processus administratifs et un financement suffisant sont plus que jamais nécessaires.

Il ne s’agit pas d’une mission impossible que de réduire l’itinérance et l’urgence qui y est associée. Mais pour y arriver, il faut planifier et coordonner les services d’hébergement et de logement, en lien avec des services sociaux et des soins de santé. Il s’agit là d’un impératif.

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