Pour une santé globale et durable au Québec

Il n’y a pas que Patrick Lagacé qui a le sens du titre. J’ai capté votre attention, n’est-ce pas ? Un milliard de dollars, c’est exactement la somme que nous souhaitons obtenir du gouvernement⁠1 à l’issue de ce premier Sommet de la santé durable, qui a eu lieu à Québec du 25 au 27 janvier 2023⁠2.

Nous étions 1000. Ce n’est pas banal, 1000. Avec de la chance et un bon référencement, on s’attendait à 150… 200 personnes, tout au plus. Mille ! C’est aussi le nombre de kilomètres qu’on pédale avec Pierre Lavoie, année après année, pour une meilleure santé individuelle et collective au Québec.

Bref, c’est le défi que j’avais lancé à Thomas Bastien de l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) lors du lancement du plan santé du ministre Christian Dubé en mars 2022 : « Thomas, c’est à nous de faire tourner le vent en santé au Québec ! Go ! Organise-nous ça ! »

Avec Pierre Lavoie, la Société canadienne du cancer, Cœur AVC, l’ASPQ, le Réseau francophone pour la promotion de la santé (REFIPS), Filles actives, les Médecins en santé publique du Québec et plusieurs autres, on a relevé le défi ! Nous étions cependant loin de nous douter que tant d’acteurs du changement en santé au Québec répondraient présents à cet appel.

À travers un panel diversifié d’organismes communautaires, d’intervenants, d’initiatives, de 0 à 120 ans, du Nunavik à Gatineau en passant par nos métropoles, nous avons pu constater, une fois de plus, qu’au Québec, ce ne sont pas les idées et les solutions innovantes en santé préventive et en promotion de la santé qui manquent, mais le cash, le maudit cash…

Un petit milliard de dollars, ce sont des peanuts sur 54 milliards, le budget du ministère de la Santé. C’est pourtant juste ça qu’il nous faut, minimalement et annuellement, pour espérer voir fondre l’iceberg (les 54 milliards) dans un avenir pas trop lointain, espérons-le.

Pourquoi revenir à la santé préventive, la promotion de la santé, me direz-vous ? C’est pourtant tellement simple. Quand les tuyaux pètent, je connais peu de plombiers qui colmatent le trou en aval… Quand l’hémorragie saigne, on coupe le sang en amont. C’est logique, non ? Il faut donc, en santé comme ailleurs, investir en amont. Désolée, mon cher Thomas, notre système de santé n’a pas atteint le point de rupture, il a d’ores et déjà littéralement collapsé. Pas juste ici. En France, au Danemark, en Angleterre, aux États-Unis, tout partout ! Alors qu’on émerge à peine de la pandémie de COVID-19, nos maladies chroniques explosent, nos aînés souffrent d’avoir été tant négligés, nos urgences explosent… De crise en crise, de gouvernement en gouvernement, de ministre en ministre… tous ont perdu de vue ma santé, ta santé, notre santé.

Produire des malades

Nous n’avons jamais été aussi bons pour détecter, diagnostiquer et traiter les pires maladies, avec des technologies parmi les plus performantes au monde, et qui relèvent parfois presque du futur. En contrepartie, on produit comme société des milliers de malades chaque année par notre mode vie moderne, par la négligence passée des environnements de vieillissement de nos aînés, par notre mondialisation effrénée qui rend notre planète et ses habitants de plus en plus malades.

Au-delà du milliard de dollars, nous devons également nous déposer et réfléchir aux valeurs de notre société en santé. En 2022, en compagnie de mon ami le DFabrice Brunet du Quartier de l’innovation en santé (QIS) et d’autres « visionnaires » du domaine la santé, nous sommes partis étudier le système de santé danois. Comme le Danemark est le pays le plus heureux du monde, je me suis donné un objectif personnel : celui d’étudier le bonheur danois, le hygge. C’est quoi, ça ? Tout le monde a d’abord ri et ensuite nous avons découvert ceci d’extraordinaire : le bonheur est un état de satisfaction complète caractérisé par sa stabilité et sa durabilité. Il ne suffit pas de ressentir un bref contentement pour être heureux. Une joie intense n’est pas le bonheur. Un plaisir éphémère non plus. Le bonheur est un état global. Et lorsqu’on est en santé, le bonheur, c’est aussi une sorte de finalité en soi.

Le hygge, ce bonheur danois, est formé de cinq composantes essentielles : la générosité de l’État, c’est-à-dire de s’assurer de donner de bons services ; la qualité des institutions ; des revenus les plus équitables possible ; la liberté de choix de vie ; la cohésion sociale et la confiance des uns envers les autres.

Et tout cela par l’éducation et la confiance, enseignées depuis la petite enfance. Avec ce milliard de dollars, permettons-nous d’aspirer au bonheur individuel et collectif.

En terminant, Monsieur le Ministre Dubé, merci d’avoir pris le temps de comprendre l’importance de cultiver notre santé au Québec. Défendez cette demande budgétaire avec ardeur et cœur comme nous vous en savons capable. Ce sera de loin le plus bel héritage que vous laisserez au Québec de demain. Plutôt prévenir que guérir. C’est vraiment ce que j’aimerais un jour que mes enfants et petits-enfants lisent à votre sujet dans l’histoire de notre beau Québec !

* Auteure de Redonner la santé à toute la famille (Édito, 2021)

1. Lisez l’article de Fanny Lévesque : « Demande d’investissements d’un milliard : le Québec doit rattraper le retard en santé publique » 2. Consultez le site du Sommet Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion