Clayton Christensen, professeur à la Harvard Business School et consultant en affaires, a introduit en 1995 le concept d’innovation dérangeante (disruptive innovation), que l’usage a convenu d’appeler innovation de rupture. Elle se distingue de l’innovation de continuité en ce sens qu’elle part d’un modèle existant pour lui donner une nouvelle orientation. À titre de consultant, Christensen a souvent présenté son concept à des gens d’affaires en utilisant comme exemple une activité qui relève de la médecine spécialisée.

Au début des années 1970, les chirurgiens venaient de découvrir le Saint-Graal avec l’arrivée du pontage coronarien pour rétablir le flot sanguin dans les artères du cœur au-delà d’un site d’obstruction. Alors que peu de gens y croyaient, un cardiologue suisse-allemand a décidé de s’attaquer directement au site du blocage en introduisant un petit cathéter affublé d’un ballon gonflable pour dilater l’obstruction (angioplastie). Ainsi, les chirurgiens avaient innové en construisant des ponts et les cardiologues ont innové à leur tour en aménageant des tunnels, une approche tout à fait différente de la même maladie.

Le système de santé est en sérieuse difficulté et le ministre Christian Dubé a entrepris la tâche colossale d’une refondation. Comme le CH en reconstruction, il y aura des hauts et des bas en espérant que l’enthousiasme généré par les hauts moins fréquents saura compenser la déception des bas plus fréquents.

Ce qui sera le plus difficile sera de créer un climat de travail stimulant où tout le monde contribue dans un esprit de partage et de collaboration, ce qui nous oblige à faire les choses autrement.

L’entreprise Toyota s’est implantée aux États-Unis avec une philosophie de gestion diamétralement opposée au taylorisme rigide qui prévalait chez les trois grands de l’automobile : Ford, Chrysler et GM. Contre toute attente, Toyota les a dépassés à bien des égards et demeure un modèle de gestion qui s’appuie sur deux concepts : l’amélioration continue (kaizen : kai-changement ; zen-bon) et la contribution de tous les intervenants.

Dans la démarche en cours de refondation du système de santé, il faudra s’assurer que l’amélioration continue s’intègre comme un processus normal de fonctionnement en lien avec l’évolution constante de la science médicale et de la technologie et des supports organisationnels. Par ailleurs, il faudra s’assurer que la décentralisation déjà amorcée s’adresse à tous les niveaux hiérarchiques, y compris les employés qui sont partie prenante et doivent avoir la possibilité de contribuer. Tous les espoirs sont permis, mais l’ampleur de la tâche nous contraint à l’innovation, en rupture avec un passé qui a trop duré.

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