La firme Léger a publié mardi son palmarès annuel des commerces offrant la meilleure expérience de magasinage. Une occasion de saluer ceux qui se démarquent… et ceux qui déçoivent.

J’ai écrit quelques fois sur le service à la clientèle dans la dernière année, et ce n’était jamais pour en vanter une soudaine et remarquable amélioration.

Je trouve plutôt que les temps d’attente s’allongent partout, que les employés se font plus rares, que ceux en place manquent souvent de formation et d’expérience. Dans les magasins et les restaurants, je demeure néanmoins conciliante, car la gestion de personnel représente un défi plus titanesque que jamais. Et quand la jeune fille qui me sert un beigne chez Tim Hortons semble avoir 12 ou 13 ans, mes attentes sont réalistes.

Cela dit, malgré le contexte de pénurie de main-d’œuvre, des commerces arrivent encore à épater leurs clients, sinon à les satisfaire plus que convenablement. Ils méritent qu’on les nomme.

Léger vient justement de révéler les résultats de son vaste sondage annuel sur l’expérience client dans les magasins.

Son « Indice WOW » attribue une note à chaque entreprise, ce qui permet de déterminer les meilleurs élèves et les cancres. C’est intéressant, car on ne parle pas ici d’impressions générales de clients basées sur pas grand-chose. Une vingtaine de critères précis (courtoisie, compétence du personnel, ambiance, prix, promotions, affichage, efficacité aux caisses, etc.) ont été évalués par 12 000 clients récents du Québec.

Les meilleures expériences en magasin au Québec en 2022

  1. Tite Frette
  2. Yves Rocher
  3. Shop Santé
  4. Nespresso
  5. Claire France
  6. Mondou
  7. SAQ
  8. Doyle
  9. Bath & Body Works
  10. Lego
  11. Popeye’s Supplements
  12. Lush
  13. Pitou Minou & Compagnons
  14. Chocolats Favoris
  15. Cool & Simple

Source : étude WOW 2022, Léger

Les 42 boutiques Tite Frette occupent la première place avec un score de 97 %. C’est la preuve qu’il y a encore moyen de créer des concepts qui vont motiver les clients à se déplacer avec un peu d’imagination et des valeurs claires. Les employés y semblent aussi passionnés par les bières de microbrasserie que les clients, constate Christian Bourque, vice-président exécutif et associé chez Léger.

C’est exactement la recette derrière ce beau A+, m’ont expliqué deux dirigeants du réseau de franchises encore très jeune. Sa naissance remonte à 2018.

« On a du fun et c’est contagieux. Quand les gens rentrent et qu’ils voient que le produit est l’fun, que les employés sont souriants et qu’ils ont du plaisir, ça agrémente l’expérience client et ils ont le goût de revenir », résume le chef de l’expérience (CXO) et associé Steve Morency, que j’ai joint au zoo de Granby.

Toute la « famille » de Tite Frette s’y trouvait en congrès, mardi, quand la nouvelle de sa première place est sortie. Une pure coïncidence. Une surprise qui n’aurait pas pu mieux tomber. Tout le monde était aussi ravi qu’ému, et cela stimule toute l’équipe, qui prévoit ouvrir 15 succursales en 2023, relate le président Karl Magnone. « J’ai eu les larmes aux yeux. »

C’était la première fois que Tite Frette était évaluée par Léger. Personne ne savait donc à quoi s’attendre.

Quels sont leurs trucs pour se démarquer ?

En matière de service à la clientèle, le modèle d’affaires basé sur des franchises – qui peut jouer des tours – est « nettement plus avantageux » que celui de succursales détenues par le siège social, croit Steve Morency. « Tu as des propriétaires sur place, des gens qui investissent dans leur entreprise, qui sont commis financièrement. Ils veulent récupérer leur mise de fonds, ils veulent faire des profits, ils veulent réussir, et ça, ça passe par l’expérience client. »

Karl Magnone ajoute qu’il met beaucoup d’énergie sur la formation du personnel puisque des milliers de nouveaux produits sortent chaque année. Le plaisir et l’excellence du service font partie des valeurs de l’entreprise. La bière est classée par catégories, ce qui facilite le magasinage. Des dégustations et même des sacs-surprises sont offerts à la clientèle. L’idée est de créer un lien de confiance et une connaissance mutuelle pour que les suggestions d’achat soient acceptées sans crainte.

Bien sûr, ce ne sont pas tous les commerces qui peuvent rêver d’attirer des employés sincèrement passionnés par les produits sur les tablettes. Mais l’idée de travailler dans l’allégresse et l’enthousiasme peut assurément être une piste intéressante à suivre pour les détaillants qui se retrouvent à la fin du classement de Léger.

Il est tellement désagréable de tomber sur un air bête qui n’a pas envie d’être là…

Les commerces moins aimés 

Puisqu’il est publié chaque année, le palmarès WOW permet de suivre certaines tendances, parfois liées à l’actualité.

Cette année, tous les grands supermarchés – à l’exception d’Avril qui occupe la première place dans la catégorie et la 26e tous types d’entreprises confondus – ont perdu des plumes. Maxi (158e) et Metro (100e) affichent les plus fortes dégringolades.

Léger suppose que le recul de cette catégorie s’explique par l’inflation qui lui nuit lorsque les clients évaluent les prix. Les fréquentes ruptures de stock, surtout pour les aliments en solde, ne doivent pas aider non plus. Il a aussi été question dans la dernière année de la baisse de fraîcheur des fruits et légumes en raison des ratés dans la chaîne d’approvisionnement, un phénomène mis en lumière par l’Université Dalhousie.

« Costco a dépassé Metro et IGA pour la première fois », note par ailleurs Christian Bourque, de Léger.

Depuis le début de la pandémie, les chats et les chiens ont gagné en popularité. Les animaleries semblent aussi bien accueillir ces compagnons que leurs parents ! Deux enseignes (Mondou et Pitou Minou & Compagnons) font partie du top 15 (sur 203). Deux boutiques spécialisées dans les suppléments alimentaires figurent aussi dans le groupe restreint des champions. Leurs clients aiment la possibilité de faire des découvertes et jugent leur site web efficace.

Comme c’est le cas depuis le début de l’Indice WOW en 2010, la SAQ se démarque encore cette année (7rang). Les Québécois apprécient au plus haut point le programme Inspire qui leur concocte des offres personnalisées, constate Léger. De petits détails, comme le fait de pouvoir retrouver facilement le nom des vins précédemment achetés, jouent un rôle décisif. À noter que dans le classement ontarien, son équivalent, la LCBO, occupe le 141rang. Tout un écart ! Ce ne sont pas les mêmes personnes qui ont comparé les deux sociétés d’État, ce qui demande une certaine prudence dans l’analyse, mais on est loin d’être dans les mêmes eaux.

Et maintenant, qui se trouve en bas de la liste ?

De petites épiceries locales ainsi que la chaîne de dépanneurs 7 jours, propriété de Couche-Tard, essentiellement. Et, ce qui est beaucoup plus étonnant, le géant espagnol Zara. Le détaillant de vêtements obtient du succès un peu partout dans le monde, mais les Québécois n’y apprécient pas du tout leur visite. Cela dit, bon nombre de commerces très courus obtiennent de piètres notes.

Les quinze derniers du palmarès WOW 2022

189. Boni-Soir
190. H&M
191. Walmart
192. Rossy
193. Euromarché
194. Intermarché
195. Economax
195. Dollarama
197. Réno-Dépôt
198. Dépanneur du Coin
199. Marché Express
200. Le Marché Esposito
201. Zara
202. Mourelatos
203. Dépanneur 7 jours

Source : étude WOW 2022, Léger

C’est le cas des géants Réno-Dépôt, Dollarama, Economax, Walmart et H&M, qui se retrouvent en queue de peloton. À l’exception de Réno-Dépôt, ils misent tous sur leurs bas prix relatifs et non pas sur l’expérience client pour se démarquer.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Uniqlo a ouvert sa première boutique à Montréal en décembre 2020.

Au 186rang, Uniqlo ne fait guère mieux, alors que l’enseigne japonaise jouit pourtant d’une bonne réputation. C’est assez étonnant ça aussi.

Dans le secteur de la pharmacie, Pharmaprix se démarque par sa 124position. On est loin de Familiprix (22e), Proxim (23e) et Brunet (26e), le peloton de tête qui largue aussi Jean Coutu. De toute évidence, le concept de grande surface qui vend autant des médicaments que du jambon et des imprimantes plaît moins. En matière de santé, on aime la chaleur ou du moins l’ambiance des petites surfaces, semble-t-il.

Aucune personne de la région de Québec ne sera surprise d’apprendre que Simons, Tanguay et Canac arrivent au premier rang dans leur catégorie. Ces trois chaînes de magasins de la Vieille Capitale ont toujours été aimées par les clients. Et dans toutes les catégories de vêtements (à l’exception de la lingerie), ce sont des entreprises québécoises qui dominent : Tristan, Ernest, Claire France.

Impacts de la pénurie de main-d’œuvre

Je vous parlais plus haut de pénurie de main-d’œuvre. Léger a interrogé les Québécois sur la question et les résultats sont assez surprenants. Seulement 14 % ont « observé, vécu ou ressenti l’impact de la pénurie de main-d’œuvre sur leur expérience de magasinage ». C’est peu. Et pour 2 % de ce groupe, l’impact a été positif.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Les succursales Dollarama sont équipées de caisses libre-service.

Oui, oui, positif ! Quand il y a moins d’employés, il y a moins de magasinage sous pression et parfois la possibilité de prendre rendez-vous pour faire ses achats, ce qui est apprécié. Pour d’autres, la rareté de la main-d’œuvre a occasionné la multiplication des caisses libre-service. C’est une façon intéressante de voir les choses. Ces caisses, comme je l’ai déjà écrit, sont loin de faire l’unanimité. Certains les adorent, d’autres les détestent.

Le sondage révèle par ailleurs que l’impact négatif s’est surtout fait ressentir dans cinq secteurs, soit (dans l’ordre) la quincaillerie, les magasins de vêtements pour les deux sexes, l’épicerie, les télécommunications et la boulangerie-pâtisserie.

Difficile de dire si les Québécois sont plus conciliants envers les commerces qui manquent de monde, ou s’ils ont réduit leurs attentes, mais le principal irritant des consommateurs est… la fameuse hausse des prix. Doit-on s’en étonner ?