Au Québec, les gens ont depuis longtemps tendance à tenir pour acquise notre richesse énergétique collective qu’est l’électricité renouvelable, et ça se comprend. Après tout, nous pouvons être fiers de ce qui a été accompli par l’équipe d’Hydro-Québec. Malgré certains couacs au fil des décennies, le bilan est largement positif.

Repenser notre rapport à l’énergie

Plusieurs ont été choqués d’entendre le ministre Pierre Fitzgibbon évoquer le terme de « sobriété énergétique » en expliquant que les Québécois devront en venir à revoir les habitudes de consommation d’électricité. Pourtant, si le terme peut sembler nouveau pour nous, il n’a rien de neuf dans de nombreux pays, et ce, depuis des décennies. La tarification modulée en fonction de l’heure de la journée est déjà appliquée un peu partout sur la planète, et pas seulement dans des pays en développement.

Même ici au Québec, il a été souvent question de sobriété énergétique dans le passé.

– En 1995, le débat public sur l’énergie lancé par le gouvernement de Jacques Parizeau et présidé par Alban d’Amours a été un moment de discussion marquant de l’histoire de l’énergie au Québec où il fut alors question d’économie d’énergie (sobriété énergétique), d’efficacité énergétique, d’énergies renouvelables et de transition hors des énergies fossiles. C’est d’ailleurs dans la foulée de ce large débat qu’a été créée la Régie de l’énergie⁠1, le tribunal de régulation économique dont la juridiction se déployait dans les secteurs de l’électricité, du gaz naturel, des produits pétroliers et de la vapeur.

– En 2013, la commission sur les enjeux énergétiques du Québec⁠2, lancée par le gouvernement de Pauline Marois et coprésidée par Normand Mousseau et Roger Lanoue, a permis l’organisation de séances de consultation publique dans 16 villes réparties dans 15 régions du Québec où 460 mémoires ont été présentés. Au terme de ses travaux, il en est ressorti clairement « que le principal défi énergétique du Québec n’est plus d’assurer la sécurité d’approvisionnement. Notre société doit plutôt résolument mettre le cap sur la réduction de la consommation d’hydrocarbures fossiles et sur une utilisation optimale des différentes formes d’énergie afin d’en maximiser les avantages économiques pour la population, les entreprises et les régions, dans le respect des principes du développement durable ».

– En 2016, le gouvernement Couillard a lancé sa « politique énergétique 2030 »3 où il était clairement énoncé que « l’efficacité énergétique, la substitution énergétique et les changements comportementaux sont les trois piliers d’une transition énergétique réussie ». C’est ainsi que fut fixé l’objectif de réduction de 40 % de la quantité de produits pétroliers consommés entre 2013 et 2030.

Or, entre 2013 et 2019 (dernière année pré-COVID-19), la quantité de produits pétroliers consommés a plutôt augmenté de 5 %4. Durant cette période, les ventes nettes d’essence ont augmenté de 6 % et celles de diésel, de 12 %.5

Or, si le présent gouvernement parle ces jours-ci de sobriété énergétique électrique, il ne fait nulle part mention de sobriété énergétique vis-à-vis des hydrocarbures. Il est d’ailleurs révélateur que le comité sur l’économie et la transition énergétique ne comprenne pas la ministre des Transports, alors qu’une partie importante du problème québécois en matière de consommation et de gaspillage d’énergie provient justement des transports.

Si le gaspillage d’énergie électrique est certes un problème, le gaspillage d’hydrocarbures s’avère un problème encore plus critique !

En 2019, 54 % de l’énergie consommée au Québec provenait des hydrocarbures. Or, cette importation coûtait au Québec environ 465 millions de dollars par mois et représentait 48 % de notre déficit commercial… tout en ayant un impact néfaste en termes d’émissions polluantes atmosphériques, d’émissions de GES et de santé.

Encourager le covoiturage, l’autopartage, le transport collectif, le transport actif, l’électrification des transports et décourager l’acquisition de véhicules énergivores, l’auto solo et l’étalement urbain seront autant de mesures incontournables pour un gouvernement qui veut vraiment faire avancer la sobriété énergétique.

Si le gouvernement veut réellement adopter un plan de sobriété énergétique, il serait essentiel que celui-ci inclue toutes les sources d’énergie.

1. Consultez l’historique de la Régie de l’énergie 2. Consultez le rapport de la commission sur les enjeux énergétiques du Québec (2013) 3. Consultez la politique énergétique 2030 (2016) 4. Consultez le rapport sur l’état de l’énergie au Québec de HEC Montréal (2021) 5. Consultez le tableau des ventes de carburants destinés aux véhicules automobiles de Statistique Canada (2022) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion