En réponse à la lettre de la présidente de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ), « Artistes de la littérature : les syndicats, en a-t-on vraiment besoin ?1 », publiée le 23 décembre

Madame, dans une lettre ouverte publiée le 23 décembre 2022 dans La Presse, sous le titre « Les syndicats, en a-t-on vraiment besoin ? », vous déclarez : « Nous voulons rassembler celles et ceux qui croient en la nécessité de travailler ensemble, en union, dans la solidarité, pour bâtir un milieu plus juste et équitable. »

Ces mots m’ont bouleversée parce qu’ils sont en contradiction directe avec les gestes faits par le conseil d’administration depuis l’adoption de la loi S-32, Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, du cinéma, du disque, de la littérature, des métiers d’art et de la scène, le 3 juin dernier.

Il y a eu d’abord cet oubli lors de la convocation à l’assemblée générale du 20 juin, qui a fait que personne, à part vous et vos proches collaborateurs, n’était au courant qu’il se tiendrait ce jour-là un vote concernant le prélèvement d’une cotisation syndicale sur les redevances des auteurs. Jamais tant de gens n’ont été aussi soulagés de voir un vice de procédure annuler un vote. Il y a eu ensuite cette décision du conseil d’administration de vendre la Maison des écrivains sans consultation des membres.

Mais le plus troublant, je trouve, c’est votre silence sur ces deux questions. Un silence compromettant.

Vous prétendez, dans la même lettre, que « c’est un défi de rejoindre les non-membres, par exemple parce qu’ils n’ont pas le droit de vote ». Puis-je vous rappeler que dans les mois qui ont suivi le vote sur la cotisation syndicale, vous avez publié sur le site de l’UNEQ trois Mots de la présidente qui ont été envoyés aux membres par courriel. Le 22 juin (deux jours seulement après le vote !), le 11 août et le 9 novembre. Aucun de ces textes ne mentionne la proposition présentée à l’assemblée générale ni le résultat du vote. Ces informations, ce sont les circonstances qui vous ont obligée à les révéler dans un autre Mot de la présidente, du 14 décembre, celui-là. Six mois après le vote !

Contrôle abusif de l’information

Au lieu de vous plaindre qu’il est difficile de rejoindre les non-membres, commencez donc par informer les membres ! Les nouvelles feront bien leur chemin, comme souvent, quand il est question d’argent. À moins que le but ait été, justement, de ne pas ébruiter l’affaire, puisque tout ce temps, vous et vos proches collaborateurs avez exercé un contrôle abusif de l’information. Et ça continue ! Vous vous comportez comme si les membres de l’UNEQ étaient des enfants que vous devez enfirouaper pour leur propre bien. Est-ce digne d’un syndicat ?

Parlant de syndicat, vous n’avez de cesse, depuis quelques semaines, de brandir la nouvelle loi sur le statut de l’artiste pour faire valoir vos droits auprès des auteurs. Il est vrai que l’UNEQ a obtenu en 1991 une reconnaissance du Tribunal administratif du travail pour représenter tous les artistes professionnels œuvrant dans le domaine de la littérature au Québec. Cette reconnaissance s’obtient d’habitude après qu’une association eut sondé tous ses membres et obtenu un vote de 50 % + 1 en faveur de la syndicalisation. Or, dans le cas de l’UNEQ, ce vote, qui a eu lieu il y a 32 ans, n’a jamais été mis en application ! L’auteur qui a rejoint vos rangs au début de 2022 n’a jamais même imaginé qu’il se joignait à un syndicat, l’UNEQ ayant depuis toujours eu davantage l’allure de club social.

Où est la crédibilité d’une association qui doit brandir la loi afin d’imposer ses décisions ? D’une association qui dissimule au maximum l’information qu’elle devrait plutôt transmettre en priorité à ses membres ?

Est-ce qu’un vote obtenu il y a plus de 30 ans, et jamais mis en application, peut réellement lier les écrivains d’aujourd’hui ?

Madame la Présidente, au lieu de brandir la loi pour exiger de nous un chèque en blanc, travaillez plutôt à nous convaincre de votre bonne foi. On ne peut exiger la solidarité de ceux qui ont le sentiment de subir une injustice.

1. Lisez la lettre de Suzanne Aubry Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion