La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) vient de se doter d’une première politique d’habitation1, qu’il faut saluer.

La politique est pleine de bonnes choses, notamment la promotion de la densification. Cependant, l’axe principal est le développement du logement social et communautaire, sous-financé depuis des années, et dont les conséquences (listes d’attente, projets bloqués, dégradation des stocks...) ne cessent d’être dénoncées avec raison par des groupes communautaires. Toutefois, ce sont Québec et Ottawa qui détiennent les cordons de la bourse, si bien que la politique se résume surtout à des démarches auprès de Québec pour bonifier des programmes existants comme AccèsLogis et le nouveau Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ). À la décharge de la CMM, elle ne peut guère faire plus, largement tributaire sur ce plan des gouvernements supérieurs.

En l’absence de financement public adéquat, la tentation est forte de se tourner vers la voie réglementaire pour imposer des obligations de logement social aux promoteurs. La CMM n’y échappe pas. La mesure phare est le Règlement pour une métropole mixte de la Ville (le 20/20/20), mise de l’avant comme modèle. Nonobstant ses qualités, il laisse de côté le déterminant principal de l’abordabilité : l’offre de logements. La construction de logements restera, à l’avenir comme par le passé, le déterminant premier de l’abordabilité. Mais allons voir à Toronto.

Le mauvais exemple torontois

Il en coûte le double et même plus pour se loger à Toronto qu’à Montréal. Le résultat : malgré des revenus plus élevés, 40 % des locataires y consacrent plus de 30 % de leurs revenus au logement. C’est 28 % à Montréal, proportion qu’on voudrait plus basse encore, mais qui fait néanmoins de Montréal l’une des métropoles les plus abordables du continent. L’inabordabilité du logement à Toronto n’est pas due à une absence de logement social ; la part (dans le locatif) y est plus élevée : 13 % contre 8 % à Montréal. Le hic se trouve dans un régime réglementaire qui impose de lourdes redevances aux promoteurs pour un ensemble de services (écoles, police...), qui se traduisent par des coûts plus élevés par logement et des délais d’approbation plus longs. Selon la SCHL, la Ville de Toronto impose les frais au pied carré les plus élevés des grandes villes canadiennes (86 $).

Toronto se trouve piégé dans un cercle vicieux. Sa réglementation plus onéreuse favorise les grands promoteurs qui ont la capacité de la supporter, d’où le manque de logements de type plex. Ainsi, la Ville Reine se retrouve avec une offre plus rigide et plus inégale avec le paradoxe qu’il lui faut plus de logements sociaux pour pallier le manque dont elle est d’abord responsable.

La leçon pour Montréal : le logement social, tout souhaitable qu’il soit, n’est pas le déterminant premier de l’abordabilité. Ce sont les politiques appliquées à l’autre tranche de 90 % qu’il faut regarder.

Dans la CMM, c’est Montréal qui impose les frais les plus élevés : 27 $ le pied carré pour les immeubles locatifs de faible hauteur, comparativement à 3 $ à Brossard (35 $ et 14 $ pour les tours d’habitation). Comme dans le Grand Toronto, les obstacles à l’offre viennent souvent des villes. André Dubuc, dans son excellente enquête2, fait état des nombreux chantiers toujours sur pause, faute d’ententes avec la municipalité. Le Grand Montréal n’échappe pas au syndrome « pas dans ma cour » et le recours aux redevances et autres taxes sur la construction se répand, s’il faut en croire un reportage récent3.

Faciliter la construction

Allons-nous reproduire les erreurs de Toronto ? Tout dépend de la volonté des municipalités de la CMM à stimuler activement la construction résidentielle. C’est l’autre pas en avant que la politique se garde de faire, peut-être en raison d’une espèce de pudeur qui l’empêche de trop regarder du côté privé. Pourtant, les logements financés par des fonds publics ne compteront jamais pour plus qu’une fraction de l’offre.

Il n’y a pas deux chemins pour assurer l’abordabilité : accroître l’offre en stimulant l’investissement dans l’immobilier, et cela, à tous les niveaux ; ce sont des vases communicants. Il était possible d’en faire abstraction lorsque la construction se faisait quasiment toute seule. Or, la belle époque est derrière nous. La hausse des taux d’intérêt et des coûts de construction, ajoutée aux pénuries de main-d’œuvre, annonce une conjoncture plus incertaine. Les mises en chantier descendent déjà à Montréal. Rien ne garantit que l’offre, demain, sera au rendez-vous.

L’énoncé de la CMM lance des bonnes pistes : requalification des terrains ; hausse des seuils de densité ; ajout d’unités accessoires aux résidences existantes... Cependant, une politique proactive de construction résidentielle demande plus, en commençant par des cibles quantifiées par municipalité. La CMM possède déjà un outil tout désigné pour faire le suivi, l’Observatoire du Grand Montréal, qui pourrait également être mandaté pour chiffrer d’autres données municipales utiles (redevances, délais d’approbation...).

Tout ça devra se faire, bien entendu, dans le respect des droits des locataires ; c’est la raison qui explique l’existence du Tribunal administratif du logement (TAL). Mais le TAL a un double mandat : protéger les locataires, en plus d’assurer que l’immobilier reste un bon investissement. Enfin, une nouvelle mouture de la politique ne devrait pas se gêner pour repenser les modèles de consultation publique dans une perspective désormais de « oui dans ma cour »4.

1. Lisez le communiqué de la CMM 2. Lisez l’enquête d’André Dubuc : « Crise de l’habitation : des chantiers sur pause malgré la pénurie » 3. Lisez le texte : « Ces villes qui taxent la densité urbaine » 4. Lisez la lettre de Jean-Marc Fournier : « De nouveaux quartiers durables, dans ma cour et tout autour » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion