La construction de logements est en chute libre cette année alors que le manque d’offre a rendu l’immobilier inabordable. Publiquement, les villes cherchent une solution ; mais au quotidien, elles bloquent de nombreux projets, au point que des promoteurs ont entamé des poursuites. Dans l’île de Montréal, La Presse a recensé des milliers de mises en chantier bloquées par ces litiges. Une réalité qui accentue la pénurie de logements.

La construction de plusieurs milliers de logements a été bloquée ou retardée dans l’île de Montréal ces dernières années en raison de décisions des administrations municipales, au moment où sévit pourtant une importante pénurie de logements qui nourrit la hausse des prix de l’immobilier.

La Presse a recensé 4400 logements à Montréal et dans les villes voisines qui n’ont jamais pu être mis en chantier ou dont la construction a été retardée à la suite de décisions des autorités municipales.

Dans la plupart des cas, ces refus ont débouché sur des poursuites devant les tribunaux dans le cadre desquelles les villes ont rarement bien paru quand le juge a eu à trancher.

À deux reprises, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a même été poursuivie personnellement par des promoteurs, la première fois en 2019 et la seconde en 2022. Les deux dossiers sont en instance.

« Est-ce que les villes contribuent au problème de la pénurie de logements ? C’est une bonne question à se poser », reconnaît Christian Savard, DG de Vivre en ville, organisme-conseil en matière d’aménagement urbain.

Les exemples suivants témoignent de la multitude de raisons freinant des projets domiciliaires.

Le Plateau dit non à des logements étudiants

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Le terrain vague situé au 3470, avenue du Parc, à Montréal

Au 3470, avenue du Parc, on proposait de construire 30 logements de petite taille destinés aux étudiants des établissements d’enseignement situés à proximité. L’arrondissement du Plateau-Mont-Royal a refusé d’accorder le permis de construction malgré les compromis proposés par le promoteur Bill Abboud, de la société Roxor, tout au long des négociations qui se sont étirées de l’automne 2019 à mars 2021.

« De manière déraisonnable, l’arrondissement a tranché que l’immeuble proposé ne s’intègre pas de façon harmonieuse aux bâtiments adjacents et ne s’inspire pas de leur rythme », a tranché le juge Mark Phillips dans sa décision rendue le 17 octobre dernier. Il casse ainsi la décision du conseil d’arrondissement de refuser le permis et demande à l’administration de reprendre l’analyse du dossier.

L’avocat de la Ville ne nous a pas rappelé. MEric Oliver, qui représente M. Abboud, a refusé de parler à La Presse.

Des logements familiaux retardés inutilement

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Le chantier du Blue Stone, chemin Bates, dans Côte-des-Neiges

L’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce a suspendu le permis qui avait été accordé à Blue Stone pour la construction de 90 logements, dont 23 appartements de 3 chambres — une rareté dans le marché — au 2845-2875, chemin Bates, parce que les travaux n’avaient pas été exécutés à temps.

« Ce n’était pas la faute de mon client. Il y avait une ordonnance de la Cour [obtenue par un voisin mécontent] qui disait qu’il n’avait pas le droit de faire des travaux. La Ville rétorquait que ce n’était pas son problème », explique le procureur de Blue Stone, MKarim Renno, du cabinet Renno Vathilakis.

Déposer une nouvelle demande de permis, comme l’exigeait l’arrondissement, aurait entraîné des dépenses additionnelles de 800 000 $, précise MRenno, puisque le projet aurait alors été assujetti au règlement sur la mixité, entré en vigueur en avril 2021, qui impose des redevances au sujet du logement social.

« L’impossibilité d’agir est un moyen de défense en droit pénal », a écrit le juge Michel Déziel en avril 2022. Il a ordonné à l’arrondissement de reconnaître le permis et prolongé sa validité jusqu’au 6 août 2024.

L’arrondissement n’a pas interjeté appel de la décision. La construction a pu finalement reprendre.

Il n’y en aura pas, de tours de logements !

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Stationnement du centre commercial Fairview, à Pointe-Claire, avec, au loin, la station du Réseau express métropolitain

Une station du Réseau express métropolitain, un bord d’autoroute, un stationnement de centre commercial sous-utilisé, le décor semblait planté pour accueillir un projet de 880 logements d’une bonne densité à Pointe-Claire. Le maire et la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) en ont pourtant décidé autrement.

Le premier a imposé un moratoire sur les tours résidentielles sur son territoire, à cause du trafic automobile qui nuit à la qualité de vie des citoyens de cette banlieue, jusqu’à l’élaboration d’un nouveau plan d’urbanisme. La seconde veut faire du terrain vague voisin — en bordure d’autoroute — un espace vert à perpétuité. Le promoteur, Cadillac Fairview (CF), veut plutôt y construire un lotissement à densité élevée pour tirer profit de la proximité du transport collectif (TOD – transit-oriented development). À la place, CF fait face à deux règlements de contrôle intérimaire qui gèlent le tout.

« Je suis très fier de notre projet, dit Brian Salpeter, vice-président principal au développement de Cadillac Fairview. Les raisons pour lesquelles on bloque notre projet n’ont aucun sens. » Cadillac Fairview s’est adressé au tribunal pour faire annuler la décision du conseil de Pointe-Claire et l’inclusion de son lot dans le règlement de la CMM sur les milieux naturels. Ni la CMM ni Pointe-Claire n’ont voulu faire de commentaires.

Verdun : une annonce préélectorale, puis… rien

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Le site du projet Hickson-Dupuis, angle Hickson et Bannantyne, à Verdun

Alexandre Forgues veut transformer une frange industrielle de Verdun dévitalisée en un quartier de 2000 appartements, dont des logements sociaux et abordables.

De 2019 à 2021, M. Forgues a discuté régulièrement avec les acteurs du milieu pour faire avancer le projet Hickson-Dupuis, tout en procédant à l’assemblage des terrains.

Puis, le 14 juin 2021, la Ville de Montréal annonce qu’elle exerce son droit de préemption sur l’un des 10 lots convoités par M. Forgues, bloquant l’ensemble de son projet (le droit de préemption ou de premier refus est la possibilité d’acquérir une propriété aux conditions stipulées dans l’offre d’achat acceptée formulée par un tiers). La Ville promet d’y bâtir 250 logements sociaux. Or, fin 2022, elle n’a toujours pas acheté le terrain.

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Alexandre Forgues devant l'un de ses précédents projets, le complexe Origine Habitation durable, à Verdun

M. Forgues demande à la Cour supérieure de déclarer que la Ville a renoncé à son droit de préemption à la suite de l’expiration du délai de 60 jours prévu dans le règlement.

En entrevue, Benoit Dorais, responsable du dossier de l’habitation au comité exécutif, explique que la Ville respecte en tous points la promesse d’achat. « En 2023, on va acheter le terrain », assure-t-il.

« La Ville ne construit pas de logement social tout en empêchant un projet de logements privés, on ne s’en va pas du tout dans la bonne direction », lance Christian Savard, DG de Vivre en ville.

Le propriétaire de Jacob poursuit Saint-Laurent pour 42 millions

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Joey Basmaji voulait aménager un quartier résidentiel sur ce terrain situé au sud du parc Philippe-Laheurte, à Saint-Laurent, mais le projet a dû être abandonné.

Le détaillant Jacob voulait construire un siège social sur un immense quadrilatère dans le Nouveau Saint-Laurent qu’il a acquis au début des années 2000. En 2015, Joey Basmaji, actionnaire principal de Jacob, envisage avec l’arrondissement la possibilité d’aménager un quartier résidentiel sur ce terrain situé tout juste au sud du parc Philippe-Laheurte.

Le maire Alan DeSousa veut plutôt en faire un parc, mais l’arrondissement n’a pas les fonds nécessaires. À la place, il modifie son zonage pour limiter les usages permis et obliger le stationnement souterrain, ce qui a fait diminuer la valeur de la propriété, dénonce M. Basmaji. Ce dernier poursuit l’arrondissement pour 42 millions pour expropriation déguisée. Le terrain est aussi visé par un règlement de contrôle intérimaire de la CMM en vue de protéger les milieux humides depuis la mi-2022.

« J’ai toujours cru que la Ville de Montréal et moi-même aurions pu en venir à une entente », écrit M. Basmaji dans une déclaration.

La Ville conteste les prétentions de M. Basmaji. Le dossier étant judiciarisé, l’arrondissement n’a pas voulu faire de commentaires. Le projet a, depuis, été abandonné.

Dix projets paralysés

Tour d’horizon de dix projets immobiliers dans l’île de Montréal retardés en raison de litiges juridiques

Blue Stone (2485, chemin Bates)

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  • Arrondissement : Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce
  • Nombre de logements : 89
  • État de la situation : décision de la Cour le 4 mars 2022 donnant raison au promoteur
  • Impact : projet retardé pendant 14 mois

3470, avenue du Parc

  • Arrondissement : Le Plateau-Mont-Royal
  • Nombre de logements : 30 logements étudiants
  • État de la situation : décision de la Cour le 17 octobre 2022 donnant raison au promoteur
  • Impact : projet suspendu à notre connaissance

5025, boul. des Sources

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  • Arrondissement : Pierrefonds-Roxboro
  • Nombre de logements : 2 immeubles de 200 logements
  • Budget : 70 millions
  • État de la situation : décision de la Cour le 1er février 2022 donnant raison au promoteur
  • Impact : projet menacé d’être suspendu pendant 4 mois car la Ville avait annulé le permis de construction

Quadrilatère « Jacob »

  • Arrondissement : Saint-Laurent
  • Nombre de logements : non précisé
  • État de la situation : poursuite pour expropriation déguisée en cours d’instance

Quartier Pointe-Nord

  • Arrondissement : Verdun (L’Île-des-Sœurs)
  • Nombre de logements : environ 500
  • État de la situation : dossier réglé à l’amiable
  • Impact : projet retardé de deux ans et demi

Quartier de l’Ouest (Développements Pierrefonds et autres)

  • Arrondissement : Pierrefonds-Roxboro
  • Nombre de logements : potentiel de 5000
  • État de la situation : poursuite de 160 millions. La mairesse Valérie Plante est visée personnellement par la poursuite.
  • Impact : dossier reporté en juin 2023

Hickson-Dupuis

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  • Arrondissement : Verdun
  • Nombre de logements : potentiel de 2000
  • État de la situation : requête en cours d’instance, les parties négocient.
  • Impact : la Ville promet de l’action en 2023.

Cadillac Fairview

  • Ville : Pointe-Claire
  • Nombre de logements : 900 dans la phase 1
  • État de la situation : pourvoi en contrôle judiciaire en cours d’instance
  • Impact : projet bloqué deux fois plutôt qu’une

275, boulevard Hymus (Apollo)

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  • Ville : Pointe-Claire
  • Nombre de logements : 354
  • État de la situation : pourvoi en contrôle judiciaire en cours d’instance
  • Impact : projet bloqué, aux dernières nouvelles

Tour 6 du Square Children

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  • Arrondissement : Ville-Marie
  • Nombre de logements : 180
  • État de la situation : poursuite pour expropriation déguisée en cours d’instance. La mairesse Valérie Plante est visée personnellement par la poursuite. Abaissement du zonage de 20 à 4 étages contre l’avis de l’Office de consultation publique de Montréal.
  • Impact : la Ville renonce à une pénalité de 6,2 millions payable par le promoteur.

Des obstacles malgré l’urgence

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Le centre-ville de Montréal

Les villes réclament plus de pouvoirs pour régler la crise du logement, mais les nouvelles mesures réglementaires entraînent délais, reports et surcoûts.

Résultat : des logements neufs moins nombreux et plus chers.

« Il faut tenter d’accélérer le processus [de délivrance de permis], soutient Christian Savard, DG de Vivre en ville, tout en insistant sur l’importance de ne pas construire n’importe quoi. Des logements retardés pendant un an ou trois ans deviennent des logements qui coûtent plus cher et qui deviennent moins abordables. »

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Il faut devenir un peu obsédé par l’idée de construire plus, sinon on n’en sortira jamais, de la crise de l’habitation.

Christian Savard, DG de Vivre en ville

En juin dernier, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a fait paraître une étude qui a fait grand bruit. Pour que le logement retrouve un niveau d’abordabilité souhaitable, l’organisme fédéral en matière d’habitation soutenait qu’il fallait doubler le rythme annuel des mises en chantier de 45 000 à 90 000 logements dans la province.

« Il faut davantage d’investissements du secteur privé afin d’accroître le nombre de logements du marché, particulièrement dans le segment locatif », a renchéri Aled ab Iorwerth, son économiste en chef adjoint, dans une mise à jour publiée le 28 novembre.

Actuellement, la hausse des taux d’intérêt agit comme un puissant vent de face. Après neuf mois, les mises en chantier sont en recul de 30 % sur le territoire de la Ville de Montréal en 2022 et de 20 % dans la région montréalaise.

Dans ce contexte, rééquilibrer le marché du logement, comme le suggère la SCHL, paraît hors d’atteinte, d’autant que les embûches réglementaires se multiplient pour les promoteurs qui veulent bâtir.

Par exemple, la loi 37 adoptée en juin dernier a étendu le droit de préemption à l’ensemble des municipalités du Québec. Il s’agit d’un droit selon lequel la Ville peut égaler l’offre d’achat d’un tiers dans le but d’acquérir la propriété aux mêmes conditions et d’y faire bâtir du logement social.

« C’est l’UMQ qui a fait ces demandes depuis le début et on a été entendus », se réjouit Guillaume Tremblay, maire de Mascouche, deuxième vice-président de l’Union des municipalités du Québec et président de son comité sur l’habitation.

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Guillaume Tremblay, maire de Mascouche et président du comité sur l’habitation de l’UMQ

Le 24 novembre, les villes membres de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) se sont dotées d’une première politique en habitation dans laquelle elles réclament plus d’argent et de pouvoirs auprès de Québec, dont celle de réformer la loi sur les expropriations afin de les rendre moins coûteuses pour les municipalités.

« Ça pourrait nous permettre d’exproprier pour faire du logement abordable et communautaire », explique M. Tremblay.

Des cibles contraignantes

Opposant à une réforme de la Loi sur l’expropriation, l’Institut de développement urbain du Québec (IDU), lobby des promoteurs, souhaite voir cette volonté municipale de stimuler l’offre de logements prendre racine sur le terrain.

« Les villes devraient définir un objectif engageant, d’avoir des cibles régionales et locales de construction de nouvelles unités, ce qui inclut des unités abordables et sociales et en faire une reddition de comptes périodiquement », dit son PDG Jean-Marc Fournier, dans un entretien.

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Jean-Marc Fournier, PDG de l’Institut de développement urbain du Québec

C’est la voie privilégiée par le gouvernement de la province voisine, qui a déposé récemment un plan d’action robuste pour stimuler l’offre. « L’Ontario va trop loin, mais son idée des cibles de mises en chantier annuelles m’apparaît une avenue à explorer », indique M. Savard, de Vivre en ville.

Le milieu municipal ne paraît pas chaud à l’idée. « Je suis de ceux qui croient à l’autonomie des villes », dit Guillaume Tremblay, maire de Mascouche.

D’ailleurs, dans sa politique métropolitaine d’habitation, la CMM évite de proposer que les villes et les arrondissements se dotent de cibles contraignantes. Elle évoque un objectif global pour l’ensemble de la CMM de 35 000 mises en chantier par année (par rapport à une moyenne annuelle de 25 000 depuis 5 ans), tout en reconnaissant que les leviers à la disposition de la CMM pour l’atteindre sont limités.

Québec aux abonnés absents

Le leadership doit venir de Québec, rétorque Jean-Marc Fournier, de l’IDU. « Même si on n’est pas obligé de suivre les méthodes que l’Ontario avance, il faut se donner notre propre recette pour arriver aux mêmes fins. »

« Il n’y a presque pas de leadership en habitation par le gouvernement du Québec, observe Danielle Pilette, professeure à l’UQAM. Et c’est conforme, à mon avis, à ce qui s’est toujours passé de la part des gouvernements qui se sont succédé à Québec, sauf certaines initiatives ciblées dans le logement social. »

Message aux promoteurs : « C’est nous qui planifions le territoire »

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Benoit Dorais, vice-président du comité exécutif et responsable de l’habitation de la Ville de Montréal

Le message de Benoit Dorais, responsable de l’habitation au comité exécutif de la Ville, est clair : c’est Montréal qui est le patron en matière de planification du territoire. Mais s’il se déclare satisfait des résultats obtenus en matière de logements sociaux, il reconnaît qu’on peut faire mieux. Entrevue.

Que répondez-vous aux critiques qui disent que certaines de vos décisions contribuent à accentuer la pénurie de logements et à rendre ceux-ci inabordables ?

Benoit Dorais : Chaque cas est particulier. Dans les 5 dernières années, on dénombre plus de 9900 mises en chantier. Il s’en construit énormément, des unités d’habitation à Montréal. Parfois, des projets vont vivre certains écueils. Certains vont réussir à passer, mais c’est un peu plus long. Pour d’autres, ils sont judiciarisés pour différentes raisons. […]

Notre administration tient vraiment, lorsqu’il y a un contrat social qui existe dans un secteur de développement, qu’on le respecte. Ce contrat social est en place depuis 2017. On veut redévelopper un secteur du centre-ville dans le district Peter-McGill, mais il faut qu’il y ait du logement social. Le litige est là. […]

Quelle est la position de la Ville par rapport à la densification ?

Notre administration est prodensité. Mais la densité n’est pas synonyme de hauteur. Elle peut l’être, mais elle doit être modulée. On ne doit pas arriver avec du dix étages partout. On peut arriver dans certains secteurs à 6, dans d’autres à 8, à 10. C’est ce qu’on fait en ce moment dans Bridge-Bonaventure, où on est en dialogue ouvert avec les promoteurs. Ils veulent de la prévisibilité, c’est ce qu’on essaie de leur donner. On veut travailler avec eux pour qu’ils comprennent que c’est nous qui planifions le territoire.

Quel bilan faites-vous de la première année d’application du règlement sur la mixité [qui oblige les promoteurs privés à inclure 20 % de logements sociaux abordables et familiaux dans leurs projets] ?

C’est un bon bilan. C’est un règlement qu’il nous fallait avoir. On se souvient, quand on l’a annoncé, les gens nous disaient que ce serait un cataclysme et que ça ne fonctionnerait pas. Ce n’est pas le cas. Ça s’est bien passé. On voit que d’autres villes emboîtent le pas et se dotent de règlements de la sorte. Ça fait ses petits.

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Benoit Dorais

Mais 160 logements sociaux en un an, est-ce satisfaisant ?

Le Règlement pour une métropole mixte met en place de l’équité pour tous les promoteurs. Avant, les règles étaient appliquées différemment d’un arrondissement à l’autre. Maintenant, c’est équitable et les outils sont là. Tout le monde contribue soit en argent, soit en terrain, soit en projet. On met la table pour des décennies où on va se construire un parc réel qui va être là de façon pérenne.

Vous disiez qu’au moment de l’adoption du règlement sur la mixité, les promoteurs menaçaient d’aller ailleurs, ce qui ne se serait pas produit, selon vous. N’empêche, les mises en chantier sont en baisse de 30 % sur le territoire de la Ville de Montréal en 2022, comparativement à 20 % dans la région de Montréal.

Je ne pense pas que le Règlement pour une métropole mixte joue un rôle là-dedans. On est dans un contexte de spirale inflationniste et dans une hausse des coûts de financement. Ce que les promoteurs nous disent actuellement, c’est qu’ils revoient leurs projets parce que les banques sont en train de fermer le robinet. C’est réel.

Le contenu de l’entrevue a été abrégé et condensé à des fins de concision.

Dans une version antérieure, nous avons mal identifié le promoteur du Quartier de l’Ouest. Ce sont Développements Pierrefonds, Immeubles L’Équerre et Quartier de l’Ouest de l’île qui poursuivent la Ville de Montréal et Valérie Plante et non pas Groupe Grilli. Nos excuses.