Trois évènements liés à l’utilisation de gaz irritants survenus en deux jours seulement ont perturbé le service dans le métro de Montréal la semaine dernière. La Société de transport de Montréal (STM) se dit préoccupée par la multiplication des incidents, mais souligne toutefois que celle-ci est « difficile » à contrôler.

« Dans la mesure où ces produits sont en vente libre, c’est difficile pour nous de les contrôler. C’est l’usage qui en est fait qui est punissable. La vigilance et la sensibilisation restent nos meilleures alliées », explique à ce sujet la porte-parole de la société montréalaise, Amélie Régis, en réponse à nos questions.

Depuis le début de 2024, le transporteur montréalais a enregistré 11 incidents durant lesquels du gaz irritant a été utilisé dans son réseau par des usagers.

Jeudi, deux évènements distincts ont forcé l’interruption du service, une première fois en fin d’après-midi et l’autre en soirée. La veille, la station Berri-UQAM avait également dû être évacuée. Chaque fois, le motif était le même : du gaz irritant avait été aspergé par un usager, forçant la STM à évacuer plusieurs stations et à interrompre son service, afin de ventiler l’ensemble des installations par mesure de sécurité.

Pour chaque interruption, « il s’agit de groupes et d’individus différents à ce qu’on sache », précise Mme Régis. « Une altercation entre deux individus à Berri-UQAM, un groupe de jeunes à Villa-Maria, et un groupe de personnes à la place Alexis-Nihon, qui a eu un impact sur le service du métro, en raison de la proximité de la station Atwater. Des enquêtes sont en cours », dit-elle.

Outre une « présence accrue » de ses constables spéciaux et de ses ambassadeurs de sûreté ainsi que des efforts de sensibilisation « en faisant connaître les conséquences sur la clientèle et le service », le transporteur avoue qu’il ne dispose que de peu de leviers d’action.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Un ambassadeur de sûreté pour la STM aide une dame dans la station Place-des-Arts.

« Nous ne sommes pas équipés adéquatement pour intervenir face à du gaz irritant », juge quant à lui le président de la Fraternité des constables et des agents de la paix STM-CSN, Kevin Grenier. Il affirme que « selon le tableau national d’emploi de la force, on devrait avoir une arme supérieure afin de maîtriser et contrôler la situation ».

Mercredi, à Berri-UQAM, c’est nous qui avons trouvé le suspect. On a fait un face-à-face avec lui et heureusement, il n’avait pas une autre bonbonne ou une arme », illustre M. Grenier.

Kevin Grenier, président de la Fraternité des constables et des agents de la paix STM-CSN

Chez Trajectoire Québec, la directrice générale Sarah V. Doyon estime que la difficulté d’intervenir avec le gaz irritant est multiple. « C’est discret comme outil, ça se glisse bien dans une poche, il n’y a pas nécessairement des comportements qui sont faciles à détecter d’avance, et surtout, ça se passe en peu de temps, donc c’est difficile de réagir rapidement à part si on avait du personnel sur tous les quais, ce qui n’est pas le cas », explique-t-elle.

« Il faut trouver des solutions, mais c’est complexe. Peut-être que la solution, si l’usage est prohibé, c’est que la vente devrait l’être aussi dans certaines circonstances. Ça me semble logique », ajoute Mme Doyon.

Pas nouveau, mais…

Le phénomène en soi n’est pas nouveau, mais il suit une tendance à la hausse claire. En 2021, la STM avait enregistré seulement 7 incidents du genre, puis 23 en 2022 et 20 en 2023. Avec 11 incidents en seulement 3 mois en 2024, tout indique que l’augmentation se poursuivra.

Sur une décennie entière, le phénomène est dix fois plus élevé : il y a dix ans, en 2013, seulement deux évènements semblables avaient été répertoriés.

D’après les informations de la STM, la station la plus touchée par ce type de méfait public demeure Berri-UQAM, qui est aussi l’une des plus achalandées. Comme elle est connectée à l’essentiel du réseau de métro, c’est aussi là où les impacts sont les plus forts lorsqu’un gaz irritant est aspergé. Il faut alors fermer plusieurs lignes par mesure préventive, pour éviter que du gaz se répande sur le reste du réseau.

Les autres stations les plus souvent touchées sont Atwater, Honoré-Beaugrand, Guy-Concordia, sur la ligne verte, ainsi que Bonaventure et Plamondon, sur la ligne orange.

Ce sont les pompiers montréalais qui interviennent en premier pour détecter et confirmer la substance irritante. C’est d’ailleurs le chef pompier qui décide de la reprise du service dans le métro, et non la STM. Ses constables sociaux sont tout de même responsables de sécuriser le périmètre et d’identifier les suspects avec la police de Montréal, en visionnant les bandes vidéo des 2000 caméras de surveillance du métro.

« Nos constables spéciaux sont munis de poivre de cayenne en gel et ne sont pas responsables des récents incidents. À ce jour, aucune utilisation n’en a été faite », confirme également la société de transport, qui a pris cette mesure depuis décembre pour « dissuader » toute personne qui voudrait s’en prendre à ses agents.

Avec Lila Dussault, La Presse