De retour d’un séjour à Helsinki, Joël Boucher, ex-enseignant et directeur d’école, s’est intéressé au système d’éducation finlandais, qui propose une approche différente de l’école québécoise

J’arrive tout juste de Finlande, où j’ai eu la chance de visiter des écoles. On constate dans ce pays de très faibles disparités entre établissements et entre élèves, et ce, dans tous les milieux socio-économiques.

Pour mieux me faire comprendre le succès finlandais, l’enseignante Erja Schunk m’a expliqué : « Ce ne sont pas les heures passées en classe qui déterminent la réussite des élèves, mais plutôt nos efforts pour que les enfants et les adultes soient heureux d’y être ; ce doit être un milieu de vie où développer des passions, sans quoi il est impossible d’espérer que notre société soit heureuse. »

Or, selon le classement du Réseau de solutions pour le développement durable des Nations unies publié depuis maintenant neuf ans, la Finlande s’est classée au premier rang en 2021 des pays où il fait bon vivre. Comment expliquer pareil succès ?

L’enseignement au centre des valeurs sociétales finlandaises

Bien que le système finlandais soit imparfait à certains égards, l’école y est gratuite jusqu’au niveau universitaire. Un repas copieux et à volonté y est aussi offert gratuitement chaque jour, sans oublier les fournitures scolaires pour tous les élèves jusqu’à 16 ans. On convient aisément que c’est tout sauf anodin comme choix de société. Vision et audace étaient au rendez-vous dès 1970 en Finlande. Voilà trois facteurs majeurs qui expliquent de bien belles réalisations.

Au primaire, les élèves passent progressivement de 608 à 683 heures par année en classe en Finlande, comparativement à cinq heures par jour pour un total de 900 heures annuellement au Québec. Qui plus est, les élèves finlandais profitent d’un arrêt de 15 minutes après 45 minutes d’enseignement. Pendant cette récréation, les enfants vont à l’extérieur même les jours de pluie. Particulièrement au primaire, les enseignants ne surchargent pas les élèves de travail supplémentaire après les classes, conscients de la valeur du temps libre. Les élèves comme le personnel scolaire bénéficient de 10 semaines de vacances au cours de l’été ainsi que de cinq autres semaines au cours de l’année scolaire.

Le ratio élèves/enseignant oscille entre 15 et 20. Image forte s’il en est, le métier d’enseignant n’est ni un marathon ni un sprint, mais une marche en forêt, pour reprendre la métaphore de Jean-Philippe Payette, Québécois qui enseigne à Helsinki depuis huit ans.

Pas étonnant que, bon an, mal an, 6000 élèves postulent à l’université pour devenir enseignants même si seulement 10 % de ces derniers seront acceptés.

Conséquemment, cette approche à la fois humaniste et novatrice permet aux élèves de rester plus attentifs et plus productifs, tandis que le personnel des écoles est moins sujet à l’épuisement professionnel. Le peuple finlandais comprend cela depuis un demi-siècle. Après ces arrêts, ils font travailler leur matière grise.

Comment en sont-ils arrivés là, alors que toute société qui mise sur le savoir rêve d’atteindre un tel niveau de plénitude ?

La nocivité du bulletin chiffré de l’école québécoise

La batterie d’évaluations qui sévit au Québec conduit les enseignants à passer des heures interminables à légitimer la note dans le bulletin. Ici, dès la première année, soit à l’âge de 6 ans, la panique s’installe dès le premier bulletin en novembre lorsque l’enfant éprouve des difficultés d’apprentissage.

L’un des objectifs centraux du système éducatif finlandais, où l’élève commence pourtant son parcours scolaire à 7 ans, consiste à respecter le rythme d’apprentissage de l’élève, et non à lui imposer des évaluations à date fixe (et des bulletins chiffrés), comme c’est malheureusement le cas au Québec. Ici, durant son primaire, c’est plus de 200 notes que l’élève subira, chacune d’elle nécessitant en moyenne trois évaluations. Un éteignoir efficace !

Jusqu’à 9 ans, les élèves ne sont pas notés en Finlande, mais on suit rigoureusement la progression des apprentissages de chacun ; et de 9 à 13 ans, ils sont évalués sans bulletin chiffré. L’apprentissage peut donc se faire sans stress ni stigmatisation.

On épargne ainsi aux élèves ce sentiment d’incompétence qui rend l’école si rébarbative à leurs yeux d’enfants. L’objectif de l’évaluation perd ainsi son caractère compétitif, punitif et, par ricochet, anxiogène. On utilise plutôt ce temps pour enseigner, alors qu’ici on enseigne en vue d’une évaluation.

D’ailleurs, il n’est pas illusoire de croire que les résultats aux examens internationaux, dont celui du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), s’expliquent notamment par l’absence de bulletins chiffrés et d’évaluations qui sont contre-productifs parce que toxiques, tant pour l’élève que pour le personnel enseignant.

Notons que les élèves finlandais figurent parmi les meilleurs au monde selon cette enquête triennale qui touche trois matières (lecture, sciences et mathématiques), réalisée auprès des élèves de 15 ans dans 85 pays.

Près de 60 ans après avoir réussi à démocratiser l’école au Québec, ne pourrions-nous pas réfléchir à métamorphoser nos pratiques pour nous attaquer à cette dimension nocive qu’est le bulletin chiffré, afin de mieux cultiver le plaisir d’aller à l’école ? L’essentiel, quoi !

À quand une deuxième révolution tranquille en éducation pour le mieux-être des enfants et du personnel dans nos écoles québécoises ?

À lire demain : À l’instar de la Finlande en 1970, l’école québécoise a besoin d’une révolution.

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