De grandes chaînes d'alimentation comme Metro continuent de verser des bonis à leurs dirigeants comme si de rien n’était. Une grave bévue, surtout dans le contexte inflationniste actuel.

En ce début d’année, l’heure des bilans a sonné et, bien sûr, l’annonce des bonis aussi. Metro annonçait récemment qu’elle offrait 3,7 millions de dollars en bonis à ses cinq hauts dirigeants. Cela représente une augmentation de 4 % par rapport à l’année précédente, tandis que les ventes de Metro ont progressé de 3,3 % au cours du dernier exercice. Sans surprise, Eric La Flèche, son PDG, a vu sa rémunération totale atteindre 5,4 millions, en hausse de 7 % par rapport à 2021. Sa prime annuelle s’élève à environ 1,5 million, une augmentation de 14 % par rapport à l’année dernière. La circulaire de direction de Metro ne disait rien sur les compensations versées aux autres employés de l’entreprise.

Lisez « Rémunération des dirigeants de Metro : des primes de 3,7 millions et des ventes stimulées par l’inflation »

Metro n’agit pas en solo. Les autres enseignes du secteur alimentaire font la même chose.

En 2021, selon les données du Globe and Mail, José Cil, de Restaurant Brands International, Brian Hannasch, d’Alimentation Couche-Tard, Galen Weston, de Loblaw et George Weston, Neil Rossy, de Dollarama, et Michael Medline, d’Empire/Sobeys, œuvrant tous dans le domaine de l’alimentation, ont sans exception reçu des bonis plus importants que ceux annoncés par Metro.

Il n’y a rien de mal à verser des bonis à des cadres qui permettent à une entreprise de progresser et de créer de la valeur pour ses actionnaires et ses clients. En fait, outre José Cil, de Restaurant Brands International, qui se retrouve en 13e position, toujours selon le Globe and Mail, il n’y a aucun PDG dans le domaine de l’alimentation dont la rémunération se classe parmi le top 20 au pays. Galen Weston, de Loblaw, se retrouve au 42e rang, Michael Medline, au 61e et Eric La Flèche, en 78e position. Rien pour titiller qui que ce soit. En alimentation, les marges sont minces, les salaires aussi.

Motiver les dirigeants et attirer le talent nécessaire pour faire avancer les choses demeurent un atout, surtout ces temps-ci. Mais en alimentation, on a une perception bien différente des bonis, car c’est surtout une question d’optique et d’acceptabilité sociale.

Très souvent, l’évaluation des dirigeants se voit lourdement influencée par les ventes de l’entreprise. Comme partout ailleurs, l’inflation a fait gonfler les chiffres dans les états financiers. D’ailleurs, l’inflation alimentaire au pays dépasse les 10 % depuis quelques mois et surpasse grandement le taux d’inflation générale.

Pour cette raison, les grandes enseignes en alimentation subissent continuellement la critique des politiciens, des analystes et même des journalistes pour leurs profits record. Les grands de l’alimentation affichent de très bons résultats depuis quelque temps, cela va de soi. Mais l’inflation alimentaire au Canada demeure l’une des plus basses du monde au sein des pays industrialisés. Seuls le Japon, la Chine et l’Inde affichent des taux plus bas que le Canada. Puisque le secteur alimentaire gère un phénomène planétaire, il est imprudent de montrer du doigt les supermarchés, puisque leurs marges bénéficiaires n’ont jamais vraiment dépassé les seuils de profitabilité que l’on voit ailleurs, incluant aux États-Unis.

Alors pour Metro et les autres, l’annonce de bonis nécessite du tact, mais surtout de l’empathie. Pourquoi ne pas augmenter les salaires des dirigeants pour éviter les bonis, et soulever annuellement un tollé ? Ce n’est pas possible, mais il y a d’autres façons de s’y prendre.

Avec une telle annonce, les enseignes devraient surtout faire connaître les démarches entreprises pour aussi indemniser les employés de la chaîne. Tout le personnel, pas seulement les cadres. Les gens connaissent peu Eric La Flèche, mais ils connaissent Nicole, Vincent et Simone qui travaillent au magasin durant de longues heures. Plus que jamais, il devient important d’humaniser la distribution et de démontrer que les employés occupent une place importante lors de l’évaluation de la performance d’une entreprise. De plus, ces entreprises donnent abondamment aux banques alimentaires et soutiennent des causes diverses au cours de l’année. En annonçant les bonis, il serait opportun d’afficher les dons de bienfaisance et de faire la lumière sur la contribution socioéconomique de l’entreprise.

Les chaînes du secteur alimentaire doivent accepter le fait qu’elles vivent une véritable crise de confiance à travers le Canada. Leur image dépend de chaque mot écrit dans des communiqués de presse et dans chaque phrase prononcée devant un micro ou une caméra. Leur relation avec le public a changé en 2022, et il faut s’attendre sensiblement à la même chose en 2023.