Nous avons demandé à différentes personnalités ce qu’elles souhaitaient pour la nouvelle année. Aujourd’hui, les vœux de Xavier Watso.

Kwaï (Bonjour), lorsque vient le temps de souffler les bougies ou de faire un vœu à 11 h 11 je souhaite toujours la santé à ceux que j’aime et à mes proches, car sans la santé, peu de choses en valent la peine. Et c’est ce vœu que je vous souhaite à tous.

Par contre, s’il y avait un autre souhait que j’aimerais faire pour le Québec, ce serait que chaque personne prenne le temps d’apprendre un ou plusieurs mots dans une des 11 langues autochtones présentes sur le territoire du Québec.

Et si vous restez avec moi jusqu’à la fin de la chronique, je vais vous en apprendre quelques-uns.

Ce souhait vient du fait que j’ai moi-même reconnecté avec mes racines abénakises seulement au courant de ma vingtaine. J’ai grandi à Montréal, loin de ma culture et de mes traditions. Ce n’est qu’en prenant des cours de langue abénakise vers mes 27 ans que j’ai découvert que non seulement il me manquait une partie de moi-même, mais qu’un trou béant figurait en mon âme et qu’avec la langue comme point de départ, j’arriverais peut-être un jour à reconnecter, voire à retrouver ce qui m’avait été enlevé. L’apprentissage de ma langue fut un tournant dans ma démarche et j’ai découvert la puissance de la langue. Ce n’est pas pour rien que c’était la première chose que les religieux interdisaient aux enfants envoyés dans les pensionnats pour Autochtones. 

Je ne suis pas le seul à vanter l’importance des langues autochtones. En effet, l’UNESCO (l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) avait frappé un grand coup en 2019 en nommant cette année-là l’Année internationale des langues autochtones. Je me souviens que 2019 fut marquante pour la langue abénakise. Les efforts de revitalisation au sein même de notre communauté, mais également l’engouement du monde extérieur et des médias nous ont fait du bien. Enfin, nous avions une plateforme mondiale pour discuter des enjeux entourant la langue !

Eh bien, figurez-vous donc que ce fut un si grand succès pour l’UNESCO qu’ils ont décidé de faire de 2022 à 2032 la Décennie des langues autochtones ! Nous entrons donc dans la deuxième année de cette décennie. Tout cela peut sembler minime ou tristement symbolique, mais au bout du compte, si cela nous donne l’occasion d’en parler, de pratiquer nos langues et de sensibiliser les gens autour de nous, c’est une victoire et un pas de plus vers un monde où je pourrai dire que ma langue est toujours vivante.

Je me souviendrai toujours du changement que j’ai fait en 2010 sur la page Wikipédia de la langue abénakise, qui disait que notre langue avait disparu. Dans les faits, nous étions quatre ou cinq Abénakis à prendre des cours pour le réapprendre. J’ai donc inscrit que notre langue était plutôt « en voie d’extinction ». Un petit changement en réalité, mais énorme à mes yeux, qui démontrait notre résilience et notre force de caractère, car depuis, nous avons augmenté ce chiffre à plus de deux douzaines d’Abénakises et d’Abénakis qui travaillent fort pour apprendre la langue de nos ancêtres.

Mais c’est ici qu’entrent en jeu les allochtones, c’est-à-dire vous. Quelle est la dernière fois que vous avez consciemment essayé d’apprendre un seul mot dans l’une des 11 langues autochtones présentes au Québec ? Pas le temps ? Trop difficile ? Vous ne savez pas par où commencer ?

Pourtant, lorsque vous allez dans un tout-inclus à Cuba ou en road trip aux États-Unis, vous prenez la peine d’apprendre les mots et phrases d’usage tels que « Hola », « Una cerveza por favor », « Where is the bathroom? ». Alors pourquoi, une fois de retour au Québec, la langue de la Nation du territoire non cédé où vous vous situez vous est-elle complètement étrangère et qu’il ne vous viendrait même pas en tête l’idée de l’apprendre ?

En tant qu’Autochtone, de voir des Québécois prendre le temps d’apprendre des mots dans nos langues serait un premier pas vers la réconciliation qui nous remplirait d’espoir. Rien que ce petit bout de chemin nous permettrait d’établir un premier lien de confiance et de respect. La réconciliation passe par beaucoup de voies et celle-ci en est une que je trouve importante.

Alors puisque je suis Abénaki, voici quelques mots dans ma langue. Mais n’hésitez pas à chercher sur quel territoire vous vous trouvez et apprenez des mots dans cette langue !

  • Bonjour : Kwaï
  • Merci : Wliwni (prononcé olé-o-né)
  • Au revoir : Adio (prononcé adéo)
  • Oui : 8h8 (prononcé an-han)
  • Non : Nda
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