Nous sommes le personnel de soutien scolaire. Les invisibles qui ont reçu des offres patronales faméliques et dont les dirigeants veulent faire reculer les conditions de travail. Et si nous partions tous ?

Lundi matin, 7 h 15. Les premiers élèves arrivent. Il a neigé hier et Mme Sonia, la directrice, s’échine avec une pelle pour dégager la porte d’entrée. Depuis que José, le concierge, enseigne à l’université (il a enfin fait reconnaître son doctorat mexicain), le sous-traitant ne déneige que les stationnements. La porte s’ouvre enfin. L’odeur des poubelles de la veille lui lève le cœur, mais Mme Sonia n’a pas le temps de s’en occuper. Elle envoie les enfants dans le gymnase en leur demandant de rester tranquilles, car elle doit prendre les messages téléphoniques. Elle ne consulte plus ses courriels depuis que son ordinateur ne fonctionne plus. Elle repense au temps où elle composait quatre chiffres sur son téléphone et que Philippe lui réglait ses problèmes en quelques clics. Mme Sonia prend le premier message. L’enseignante de 5e année sera absente aujourd’hui.

On tire sur le chandail de la directrice. C’est Zeineb, une fillette qui vient de Syrie et ne parle pas encore français. Ses progrès ont ralenti depuis qu’elle n’est plus accompagnée par Natacha.

C’est le chaos au gymnase ! Si seulement Hassiba était encore là ! Avec son équipe du service de garde, les enfants commençaient toujours la journée du bon pied.

La petite Océane pleure. Ryan, qui n’a clairement pas pris sa médication ce matin, l’a poussée pour prendre un ballon. D’ailleurs, il grimpe justement au panier de basketball. Mme Sonia veut aller l’avertir, mais Océane hurle de douleur tandis que Jasmine vient se plaindre que Manuela l’a regardée.

Enfin la cloche sonne ! Les élèves entrent en classe. Mme Sonia s’assied à son bureau. Mme Lucie, l’enseignante de 2e, l’appelle. Alexis, l’enfant handicapé qui est intégré dans sa classe, vient de souiller sa culotte de protection. Depuis que Cynthia, la préposée, n’est plus là, elles changent l’élève à tour de rôle. En arrivant dans la classe, Mme Sonia constate que les élèves sont devant une vidéo éducative. Mme Lucie a pris quatre élèves en sous-groupe pour leur montrer des stratégies de lecture. Avant c’était Johanne, l’éducatrice spécialisée, qui le faisait. Les élèves regardent le tableau interactif avec la tête penchée. Une vis a lâché et celui-ci est de travers. Malheureusement, Patrick, l’ouvrier certifié, est retourné travailler dans la construction. Il va falloir qu’elle demande à son mari de venir réparer : ça va tenir trois jours !

Mme Sonia sort du local avec Alexis. Elle évite de justesse un soulier lancé par Antoine, un élève autiste qui est encore en crise. C’est devenu quotidien depuis que Julie, l’éducatrice spécialisée qui l’accompagnait, est partie pour devenir agente d’assurance. Alexis va devoir patienter dans sa culotte souillée.

Mme Sonia a juste le temps de calmer Antoine que M. François, le professeur d’anglais, vient la voir en gesticulant. Il manque près de 500 $ sur sa paye. C’est vrai que les erreurs se multiplient depuis que les cadres s’occupent seuls de l’administration du centre de services.

Il est 8 h 40, Mme Sonia s’enferme dans son bureau pour pleurer.

Rassurez-vous. Ce n’est qu’une petite histoire. Nous ne partirons pas tous ! Nous aimons trop nos élèves et nos collègues. Il ne faudrait quand même pas en abuser. Traitez-nous avec respect, nous sommes les anges gardiens de vos enfants !

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