En réponse au texte d’André Pratte sur le serment au roi, « Le sabotage de la Constitution⁠1 », publié le 10 décembre

Le 10 décembre dernier, André Pratte a signé un texte dans La Presse intitulé « Le sabotage de la Constitution ». Il y pourfendait certaines provinces, dont le Québec. La raison ? Elles ont recours au pouvoir unilatéral de modifier des parties de la Constitution qui ne concernent qu’elles, comme l’Assemblée nationale a fait pour l’abolition du serment au roi. Les arguments du chercheur de l’Université d’Ottawa visent en fait à saboter notre autonomie.

M. Pratte affirme que ces modifications unilatérales vont se retourner contre le Québec. Ottawa fera pareil et nous perdrons au change. Ce que l’ancien sénateur ne dit pas toutefois, c’est que le fédéral a modifié unilatéralement la Constitution à une dizaine de reprises depuis le début de la Confédération.

Un amendement anti-Québec

L’épisode le plus fameux est certainement l’amendement de 1943. Pour la seule fois de notre histoire, le recensement indiquait que le poids démographique du Québec avait augmenté dans le Canada, à cause de notre natalité nombreuse. Les fédéraux étaient tenus par la Constitution de réviser la carte électorale pour augmenter le nombre de circonscriptions québécoises. Malgré notre opposition, Ottawa a alors demandé à Londres de voter un amendement constitutionnel pour ne pas augmenter le nombre de circonscriptions chez nous.

Malgré ces gestes d’Ottawa, l’ancien sénateur soutient que ce sont les provinces qui affaiblissent le contrat constitutionnel. En fait, elles ne font que répondre à Ottawa.

Les fédéraux refusent d’une part de rouvrir la Constitution pour satisfaire les demandent provinciales, surtout les nôtres, tout en bulldozant les provinces d’autre part.

On peut voir ce phénomène dans le dossier des chaires de recherche du Canada. Ottawa finance des postes de professeurs-chercheurs dans les universités alors que l’éducation est une compétence exclusive des provinces. Au nom du principe d’Équité, diversité et inclusion, Justin Trudeau en a même profité pour imposer des quotas d’embauche anti-blancs. Cet empiètement dans notre juridiction a été dénoncé unanimement par l’Assemblée nationale le 7 décembre dernier.

Les fédéraux agissent ici au nom de leur soi-disant pouvoir de dépenser dans des domaines de compétences provinciales. Cette pratique n’a aucun fondement textuel ou jurisprudentiel. Son utilisation permet de plus à Ottawa de contourner l’obligation constitutionnelle du gouvernement central d’assurer des paiements de péréquation aux provinces.

En bref, c’est le fédéral qui viole la Constitution. Le Québec, et parfois certaines autres provinces, tente de réagir. Cette situation n’empêche pas André Pratte de travestir davantage la réalité quand il parle de l’utilisation de la clause dérogatoire. En certaines circonstances, celle-ci permet au Parlement ou aux assemblées législatives de maintenir une loi même si celle-ci a été invalidée par des juges nommés par Ottawa. Pour l’ancien sénateur, cette situation est terrible, car elle affaiblit la charte canadienne.

Or c’est le Québec qui utilise le plus la clause dérogatoire depuis 40 ans, et de très loin. La Saskatchewan l’a utilisée une fois en 1986, l’Ontario une fois en 2021 et le Québec plus de 40 fois.

Trois non aux demandes québécoises

Dans cette perspective, il est ahurissant que M. Pratte ne mentionne aucunement le fait que la charte canadienne nous a été enfoncée dans la gorge par le Canada anglais, la Cour suprême et les fédéraux lors du rapatriement constitutionnel. Cette charte n’a aucune légitimité chez nous. Suivant le raisonnement de M. Pratte toutefois, le Québec serait coupable d’utiliser une disposition d’une Constitution imposée, la clause dérogatoire, pour protéger son autonomie.

On notera à ce sujet que le gouvernement fédéral a annoncé son intention de contester devant la Cour suprême notre droit d’utiliser la disposition de dérogation (clause nonobstant), invoquée récemment par le Québec pour protéger les lois 21 et 96. Comme son père, Justin Trudeau est déterminé à nous imposer le bilinguisme, pour nous angliciser, et le multiculturalisme, pour nier notre statut de peuple fondateur. Rappelons-nous à ce sujet sa réaction en 2017 quand Philippe Couillard avait formulé de timides demandes constitutionnelles, rappelant que les Québécois vivaient un exil intérieur dans le Canada. Tel Pierre reniant Jésus trois fois lors de son arrestation, à trois reprises en une semaine Trudeau avait dit non à nos demandes.

Cela m’amène à la pire affirmation de l’ancien sénateur, qui écrit que notre premier ministre est trop accommodant pour le Québec et les provinces. L’ancien éditorialiste nous a habitués dans le passé à ses positions qui font le jeu des fédéraux contre sa propre nation. Or, Justin Trudeau est l’un des pires ennemis politiques du Québec de notre histoire. En le décrivant comme un mou, M. Pratte s’est vraiment surpassé.

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