Jeudi dernier, le premier ministre François Legault ne s’est pas gêné pour lancer à une députée, croyant sans doute son micro fermé : « Mère Teresa ». Assise de l’autre côté de l’Assemblée, la députée de Québec solidaire, Mme Christine Labrie, questionnait simplement, et très pertinemment, le « gouvernement sur le sort économique des femmes qui n’ont [toujours] pas de place pour leur enfant en garderie ».⁠1

Mais que voulait dire notre premier ministre, au juste, par cette référence à la sainte femme de Calcutta ?

Mère Teresa, on le sait, consacra sa vie entière aux pauvres, aux malades, aux laissés-pour-compte de la société, aux plus démunis de son pays. D’origine albanaise, naturalisée indienne, la religieuse de Calcutta fut béatifiée en 2003 par l’Église catholique et canonisée en 2016.

Or, en utilisant cette appellation, que tente de dire, dans les faits, le premier ministre du Québec ? Qu’il méprise les plus démunis ? Les pauvres ? Les femmes qui prennent soin des plus vulnérables de la société, des enfants, des aînés, des malades et des autres ?

Car si tel est le cas, il faudrait alors rappeler au premier ministre que bien des secteurs occupés à très forte majorité par des femmes (qu’il cherchait lui-même à attirer à temps plein ou encore à retenir, durant la pandémie) impliquent précisément le soin des autres.

Qu’elles soient travailleuses de la santé, infirmières, éducatrices, enseignantes, gardiennes d’enfants, préposées aux bénéficiaires, nommons-les, ces femmes travaillent bien souvent dans des conditions encore précaires, voire inhumaines – soulignons ici le fameux temps supplémentaire obligatoire imposé aux infirmières et infirmiers.

Sans s’enrichir autant que les hommes, qui œuvrent bien souvent dans des secteurs favorisés par le gouvernement caquiste, toutes ces femmes, de même que les places en garderie leur permettant justement d’aller travailler, sont pourtant essentielles à l’économie du Québec, le sujet préféré de M. Legault.

Alors que nous approchons à grands pas des élections au Québec, François Legault devrait pourtant rester prudent quant aux mots qu’il emploie pour parler des femmes.

Non seulement les femmes ont été plus fortement touchées par les pertes d’emploi et de revenus durant la pandémie, s’appauvrissant significativement par rapport aux hommes⁠2, mais encore son propre gouvernement n’est pas non plus à l’abri de sexisme.

Apparaissant pour plusieurs comme un véritable « boys club », le gouvernement de M. Legault s’est maintes fois montré complaisant envers ses collègues et ministres masculins qui ont eu droit, eux, contrairement aux ministres féminines, à des traitements de faveur.3

Le premier ministre François Legault a encore bien des croûtes à manger en matière de féminisme, d’égalité, de parité, d’équité et, surtout, de reconnaissance à sa juste valeur du travail accompli par les femmes. Et en réduisant ainsi les questions légitimes de l’opposition à une simple formule sexiste, ce sont toutes les Québécoises que le premier ministre du Québec insulte.

1. Lisez « Legault accusé de mépris en traitant une députée de Mère Teresa » 2. Lisez « Les femmes plus touchées par les pertes d’emplois » 3. Lisez « Le gouvernement Legault est un boys club, lance Melançon » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion