Déposé en janvier dernier, le rapport intérimaire de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) sur le transport collectif dans l’Est de Montréal a suscité de grandes attentes. On s’est toutefois généralement peu inquiété du fait que la poursuite des travaux porterait exclusivement sur le REM de l’Est, ce que le document publié ces derniers jours a révélé, même s’il est coiffé du titre Projet structurant de l’est de Montréal (PSE).

On y apprend en effet que le mandat du groupe de travail, piloté par l’ARTM et regroupant le ministère des Transports, la Ville de Montréal et la Société de transport de Montréal, est de proposer au gouvernement une nouvelle version du projet. En d’autres termes il s’agissait de faire avancer la planification et la conception du meilleur projet de système léger sur rail automatisé.

Coincé par ce cadrage étroit, le groupe de travail a d’emblée procédé à une analyse rigoureuse du projet de CPDQ Infra. Celle-ci montre que le projet, bien que revu à la suite de nombreuses critiques, comporte toujours de très sérieuses lacunes et que certaines de ses caractéristiques, en particulier sa composante aérienne, auraient des impacts urbanistiques et environnementaux majeurs, qui ne peuvent au surplus être atténués de manière significative considérant la nature des milieux impactés et considérant ce que le REM de l’Ouest nous enseigne. On donne ainsi raison, et ce deux fois plutôt qu’une, aux opposants de la première heure.

Une fois ce travail complété, il restait au comité à en tirer les conclusions logiques. Pour le groupe de travail, il n’y a pas d’hésitation possible, le REM de l’Est doit être entièrement souterrain. La facture du scénario de base et de la variante privilégiée s’élèverait au bas mot à 35,9 milliards de dollars. La surprise – plutôt désagréable − est générale.

Pour François Legault, c’est inacceptable. Pour le premier ministre, le groupe de travail n’aurait pas respecté son mandat : « Ce n’est pas ce qu’on avait demandé au comité, soutient-il. On avait demandé qu’il y ait peut-être une petite partie qui soit souterraine. » Cette réaction était prévisible, puisqu’on s’était assuré que le mandat du comité ne coïncide pas avec la mission de l’ARTM, qui est de planifier et de coordonner l’offre du transport collectif à l’échelle métropolitaine. On croyait donc avoir cadré le mandat de manière suffisamment étroite pour en connaître à l’avance le résultat.

En d’autres termes, le gouvernement de la CAQ souhaitait et pensait obtenir un bricolage du projet de CPDQ Infra, même si celui-ci comporte manifestement, on le sait maintenant, des lacunes importantes, y compris en ce qui concerne l’évaluation de son coût, estimé à 10 milliards de dollars.

Le gouvernement entendait donc d’entrée de jeu, et encore une fois, court-circuiter le processus normal de planification d’une infrastructure de transport pour imposer un mode − un train léger automatisé – qu’aucune analyse sérieuse ne cautionne.

Mal lui en a pris. Car, contrairement à ce que soutient le premier ministre, le comité a bel et bien répondu à la commande, dans les limites étroites qui lui ont été imposées. La rigueur n’autorisait tout simplement pas le bricolage attendu. Mais ce qui étonne, en revanche, c’est que le rapport écarte la nécessité de revoir, à la lumière de l’analyse des besoins et de la demande anticipée et des réflexions sur le rôle que devrait jouer le transport collectif au regard de l’avenir de l’Est montréalais, le mode retenu.

Rien, en effet, ne justifie de faire d’emblée abstraction d’un autre mode ou d’une combinaison de modes, ne serait-ce que pour pouvoir comparer les projets, tant du point de vue financier qu’en ce qui concerne la satisfaction des besoins et le potentiel de transferts modaux.

Mais, considérant le statut précaire de l’ARTM, qui n’est manifestement pas dans les bonnes grâces du gouvernement Legault, peut-être a-t-on fait le pari que le coût estimé du REM de l’Est obligera les décideurs politiques à reconnaître le bien-fondé de l’examen d’une alternative qui répondrait mieux aux besoins de l’Est de Montréal et à notre capacité financière. La réaction du premier ministre – une condamnation à l’emporte-pièce − suggère que ce pari, si pari il y a, est loin d’être gagné.

Relisez le premier volet « À la manière de CDPQ Infra »