La découverte cette semaine que certains jeunes étudiants font leurs prières à leur école a créé une grande tempête médiatique et politique. Cette tempête a nécessité l’intervention du ministère de l’Éducation, de l’Assemblée nationale et bien sûr de plusieurs tribunes médiatiques. Essayons d’analyser objectivement la situation pour bien comprendre ce qui se passe et juger si toute cette tempête avait sa raison d’être.

Quelques étudiants de confession musulmane ont demandé d’avoir une salle pour faire leurs prières. Bien sûr, la nouvelle a été portée à l’attention des médias qui ont interrogé le ministre de l’Éducation sur ce sujet. Le ministre a émis des directives pour interdire cette activité. Le Parti québécois a présenté à l’Assemblée nationale une motion en appui à la laïcité et l’interdiction de la prière à l’école. La motion a été adoptée à l’unanimité.

Plusieurs voix dans le domaine public répétaient comme un concert que la prière ne doit pas avoir sa place dans l’école. Une députée libérale à l’Assemblée nationale de confession musulmane, ou pour le moins d’origine musulmane, a déclaré que l’école est pour apprendre et pas pour faire la prière.

Avec tout mon respect à toutes les personnes impliquées dans cette controverse, je ne peux pas m’empêcher de constater qu’il s’agit d’une tempête dans un verre d’eau. Je m’explique. Il y a en Islam cinq prières obligatoires par jour à cinq intervalles déterminés, mais pas à des heures précises. Ces prières ne devront pas être faites à une place en particulier non plus.

Un musulman peut faire sa prière à la maison, à la mosquée, au travail, dans un parc ou bien sûr à l’école. Donc le jeune qui ne peut pas faire sa prière à l’école peut la faire à la maison. Cela dit, un étudiant qui passe une bonne partie de la journée à l’école peut craindre de rater l’intervalle d’une des cinq prières quotidiennes et sera tenté de faire sa prière à temps plutôt que d’attendre son retour à la maison.

Un agenda caché, vraiment ?

Certaines personnes dans le domaine public et médiatique se demandaient pourquoi ces demandes de faire la prière à l’école surgissaient maintenant et y voyaient un agenda caché. On posait la question : pourquoi des élèves de territoires différents et disparates, à Montréal, sur la Rive-Sud, dans la couronne nord, d’est en ouest, ont-ils commencé cette année à prier dans les aires communes de leurs écoles, suivant le même modus operandi ? La théorie de conspiration commençait à se montrer la face en s’imaginant qu’il se passe quelque chose « comme si un mot d’ordre avait été lancé depuis la relâche : soyez plus visibles, prenez plus de place, testez le système. »

Soyons raisonnables et pragmatiques. Il ne s’agit ni d’un agenda caché, ni d’un mot d’ordre, ni d’un test face au système. Il s’agit tout simplement de jeunes gens qui veulent vivre leur vie sans déranger la vie de personne.

Nous sommes maintenant en plein mois du ramadan. Durant ce mois sacré pour les musulmans, ces derniers sont appelés à multiplier les actes de bienfaisance, de charité, de solidarité, à se ressourcer spirituellement et bien sûr à prier.

Pendant le mois du ramadan, les musulmans ne mangent pas et ne boivent pas durant toute la journée, de l’aube jusqu’au coucher du soleil. Les étudiants qui respectent le jeûne et ne mangent pas durant la journée jugent qu’ils ont, pendant que leurs amis mangent, le temps de faire leurs prières plutôt que de les regarder manger ou flâner dans les corridors. D’ailleurs, ces étudiants commençaient par faire leurs prières dans les corridors et les stationnements, ce qui a amené l’école, pour des raisons de sécurité, à offrir une salle de recueillement.

Il ne s’agit pas de mettre en doute la laïcité et la neutralité de l’État face aux différentes religions qui existent au Québec. Mais même si l’État est laïque, les individus ne le sont pas nécessairement et chacun a le droit de pratiquer la religion qu’il choisit ou même de ne pas avoir une religion si c’est son choix.

Il ne s’agit pas non plus de mettre en doute le fait que l’école est une place pour apprendre. Mais comme un étudiant peut faire d’autres activités pendant son temps libre à l’école comme clavarder sur son téléphone, jouer avec des amis ou faire du yoga, il doit aussi avoir le droit de prier, de méditer ou de se recueillir s’il choisit de le faire, bien sûr toujours dans le respect des autres.

Il ne faut pas ériger la laïcité comme une nouvelle religion qui a comme mission d’éradiquer toutes les autres. La règle d’or doit être de vivre et laisser vivre… et les droits des uns s’arrêtent là où les droits des autres commencent.