Parmi les slogans électoraux du Parti québécois, il y a celui-ci: «Un Québec plus accueillant». On verra d'ici la fin de la campagne quelles mesures concrètes le PQ envisage dans ce domaine. Chose certaine, le débat sur la Charte des valeurs a occulté un problème bien plus grave sur lequel toutes les formations politiques devraient se pencher: le marché du travail de la province est tout sauf accueillant pour les immigrants et les membres des minorités dites visibles.

Selon Statistique Canada, en 2011, le taux de chômage des nouveaux arrivants dans la force de l'âge était sensiblement plus élevé au Québec (11,9%) que dans les autres régions du pays (en Ontario, 8,7%). De plus, ce taux était deux fois plus haut que parmi les Québécois nés au Canada (5,6%).

Une analyse de l'Institut de la statistique du Québec, à partir des données du recensement de 2006, révèle un fait encore plus troublant: de tous les membres de minorités visibles, il y a un groupe en particulier qui écope: les Arabes. La difficulté de se trouver un emploi chez les personnes appartenant à une minorité visible se pose même pour les détenteurs d'un diplôme universitaire: le taux de chômage frôle les 12%, contre 4,7% dans l'ensemble de la population. C'est pire pour les diplômés d'origine arabe: le chômage touche 16,7% d'entre eux.

Ce taux de chômage catastrophique chez les Arabo-Québécois surprend d'autant plus que 89% d'entre eux parlent le français. C'est d'ailleurs pour cette raison, notamment, que le gouvernement du Québec les a choisis.

Les problèmes des minorités visibles sur le marché du travail ont plusieurs sources: formation ne correspondant pas aux besoins des employeurs, reconnaissance inadéquate des diplômes, problèmes de langue, etc. Il y a une autre cause qu'on n'aime pas évoquer, mais qu'un sondage CROP (La Presse+, 16 mars) a fait éclater au grand jour: les préjugés. Selon cette enquête, 57% des Québécois ont une opinion négative des musulmans et 52% des Arabes. Une telle attitude ne peut qu'avoir un effet sur les décisions d'embauche. Et le débat sur la Charte n'a certainement pas atténué ces idées reçues.

On peut débattre longtemps des bienfaits économiques de l'immigration (voir le texte du professeur Gilles Grenier, Quel rôle pour l'immigration?) mais il est certainement néfaste, pour l'économie du Québec et pour l'harmonie sociale, de forcer au chômage des immigrants qui ont tout pour s'intégrer. Cela nous renvoie à l'une des principales conclusions du rapport Bouchard-Taylor, conclusion soigneusement ignorée parce qu'elle renvoyait la majorité à ses responsabilités: «Les immigrants qui se sentent rejetés économiquement peuvent être tentés de se replier en marge de la société. Ils deviennent alors plus vulnérables et susceptibles de cultiver des allégeances traditionalistes, en rupture avec la culture publique commune.» C'est ainsi que s'amorce un cercle vicieux dont la France goûte aujourd'hui les fruits empoisonnés.