Malgré les oiseaux et les enfants qui jouent dans les talus, les esquisses présentées cette semaine par CDPQ Infra ne réussissent pas à masquer le fait que le REM de l’Est va défigurer le centre-ville.

Et pendant qu’on débat à juste titre de l’intégration urbaine, il n’y a toujours rien qui se dessine à propos du montage financier de ce projet pharaonique que Québec a lancé complètement à l’envers.

Permettez une comparaison simple.

Disons que vous entreprenez un projet d’envergure, comme l’agrandissement de votre maison. Vous commencerez par déterminer votre budget. Ensuite, vous consulterez un architecte qui fera un plan en fonction de vos besoins. Enfin, vous demanderez des soumissions à trois ou quatre entrepreneurs pour choisir la plus avantageuse.

En matière de transport collectif, Québec a fait exactement l’inverse, en cognant directement à la porte d’un entrepreneur, CDPQ Infra, qui lui a répondu :

« Nous, on fait des REM.

— Parfait, on va vous en prendre un. Deux, même. »

Aujourd’hui, on est obligé de refaire les plans, sans avoir l’assurance qu’il s’agit du meilleur projet pour l’Est. Et on ne sait toujours pas encore combien ça va coûter aux contribuables et aux usagers qui verront leur tarif augmenter… même s’ils ne mettent jamais les pieds dans le REM.

Comment est-ce possible ? Montez à bord, on vous explique, en commençant par le commencement : le choix de CDPQ Infra.

François Legault lui-même dénonçait cette formule, en 2015, alors qu’il était sur les banquettes de l’opposition. C’est que Québec devra verser environ 8 % de rendement à la CDPQ pendant 99 ans, alors qu’en donnant le mandat au ministère des Transports, il aurait financé le projet sur 25 ans avec un coût d’emprunt « d’à peu près 3,5 % », expliquait le futur premier ministre.

Oui, cela évite à Québec d’inscrire la dette dans ses livres. Oui, cela fait en sorte que CDPQ assume le risque financier. Oui, cela permet d’aller plus vite. Mais au bout du compte, il en coûtera six fois plus cher d’avoir opté pour cette formule de type : Roulez maintenant, payez plus tard1.

Vous suivez ? Alors, station suivante !

Parlons des coûts de construction. Pour le REM de l’Ouest, la CDPQ Infra estime les coûts des infrastructures dont elle est propriétaire à 6,9 milliards, ce qui ne tient pas compte des frais payés par d’autres intervenants et des extras à venir.

La construction du REM de l’Est doit coûter encore plus cher, soit 10 milliards. Mais il est difficile de croire que cette facture restera coulée dans le béton, avec les récents changements comme l’ajout d’un tunnel au centre-ville et l’inflation à plus de 5 %.

Si on tient compte des dépassements de coûts généralement observés pour ce genre de projet, la facture pourrait grimper à 15 milliards2.

Et il faut souligner que la facture du REM de l’Est ne tient pas compte de l’aménagement urbain. CDPQ Infra a fait un beau plan intégré, mais n’a pas évalué les coûts qui seront à la charge des villes. À moins qu’elles laissent tomber.

Vous êtes toujours à bord ? Parfait, on avance par en arrière.

Attention : on arrive au passage le plus nébuleux : les coûts d’exploitation pour faire rouler le REM, année après année. Pour le REM de l’Ouest, on peut évaluer la note à 438 millions, à partir de chiffres officiels. Pour le REM de l’Est, on reste malheureusement dans le noir.

Mais au total, des experts estiment qu’on pourrait se retrouver avec une facture additionnelle de près d’un milliard de dollars par année pour faire rouler les deux REM. Un montant énorme qui sera refilé à la collectivité.

Qui paiera la note au juste ?

D’abord, les usagers qui sont censés payer le tiers de la facture globale du transport collectif à Montréal.

Bien sûr, les nouveaux utilisateurs du REM amèneront de l’eau au moulin. Mais pas tant que ça, car beaucoup sont déjà des utilisateurs des transports en commun, puisque le REM cannibalise certains autres réseaux existants.

C’est pourquoi l’ensemble des usagers risquent de voir leur tarif augmenter. Puisque le tarif est le même partout sur l’île de Montréal, peu importe le mode utilisé, l’étudiant qui va à l’école en autobus financera en quelque sorte l’utilisateur du REM qui se rend à Sainte-Anne-de-Bellevue.

Mais comme il y a des limites à hausser les tarifs sans décourager les utilisateurs, la facture excédentaire risque d’aboutir dans la cour des municipalités qui peinent déjà à entretenir les infrastructures existantes.

Pour éviter le choc financier, il faut avoir l’heure juste avant de mettre le REM de l’Est sur les rails.

On veut tous agir au plus vite pour munir l’est des transports en commun qui lui permettraient de développer son plein potentiel. Mais avant d’hypothéquer les générations futures, il faut s’assurer d’avoir le projet le plus avantageux, ce qui n’est pas clair en ce moment.

Le REM de l’Est a encore ses preuves à faire.

En attendant, terminus, tout le monde descend !

1. Lisez le texte d’opinion « Des conditions gagnantes pour réussir le REM de l’Est » 2. Lisez une chronique de Francis Vailles