L’artiste Marc Séguin propose son regard unique sur l’actualité et sur le monde

Début d’année. Plus ou moins tranquille, à lire et à rattraper les livres de l’automne. On adore l’hiver et le temps qui ralentit. Retour sur soi. Deux, trois histoires pêle-mêle cette semaine.

À travers les échos d’une année maniacodépressive, j’ai commencé un livre : Cariacou, d’Olivier Lussier. Je ne connais pas le gars. Ça parle de chasse au chevreuil. Un peu dans la forme de Pierre Perrault (et sa Bête lumineuse), mêlant récits du quotidien, souvenirs et poésie. C’est très « gars » (avis à mes amies qui ne lisent plus que des autrices, n’y allez pas, vous pourriez aimer ça. Le livre m’a été offert deux fois par des femmes…). Et ça change du manque d’intelligence de la tragédie grecque des cerfs de Longueuil.

Dans une autre vie, justement un peu aussi à la chasse, il y a toujours un pouding chômeur quelque part dans la semaine. Et j’en rêve lorsque je le sens dans le four ou que je le vois sur le comptoir. Parfois je marche une dizaine de kilomètres dans le vent et la pluie et c’est ce qui tient heureux : cette pensée que tout ira mieux lorsque j’arriverai au dessert. Le pouding chômeur, contrairement à mille autres choses du quotidien, tient ses promesses.

Il y a aussi la tarte aux pacanes qui faisait la job. Jusqu’à cette fois où, dans une soirée de lecture-performance, je lisais un texte dans lequel mon personnage disait : « Je vais me marier et refaire ma vie avec la première personne qui m’offrira une tarte aux pacanes. » On finit par s’écœurer d’en recevoir et d’en manger. Les gens sont fuckés. Mais c’est OK, on a appris à faire avec. Je souris ici.

Toujours est-il que c’est une nouvelle année et ça ressemble un peu – théoriquement – à des promesses que tout ira mieux. C’est une théorie, on s’entend. On se souhaite quoi pour vrai ? Pour éviter d’être déçu ? Du succès dans vos études. Un amour infini. De la santé.

Bonne année, gros nez, pareillement, grandes dents. Mais non, c’est probablement interdit à cause d’une minorité qui n’ose pas sourire parce que complexée ou d’une diversité quelconque, ou encore d’une association pour la défense des nez hors normes, ou est-ce parce que ça vient d’un passé colonialiste patriarcal ? On change en mieux, croit-on, ailleurs dans nos revendications et les changements que l’on espère (environnement, droits de la personne…). Y croire ne suffit malheureusement pas.

Il y a quelques semaines, j’étais à Fermont. Une visite de mine de fer plus tard, impressionné par l’exploitation de la ressource et des milliers d’hommes (en majorité) qui y travaillent, j’ai demandé à une personne de la haute direction si la rétention de la main-d’œuvre était un enjeu. Non, les salaires sont hallucinants, et on a surtout compris trois choses fondamentales, m’a-t-on expliqué : les chambres des travailleurs sont chaleureuses, privées et personnelles (l’horaire prévoit 14 jours sur place et 14 jours chez eux ailleurs partout au Québec, fly-in fly-out). Ensuite la qualité de la nourriture est top (on comprend ça, et j’espère qu’il y a du pouding chômeur de temps en temps). Enfin, le troisième facteur, c’est la bande passante pour la connexion internet (because 1000 gars sur Pornhub en même temps). Ça, c’est la réalité.

On a beau se souhaiter et rêver à des milliards de meilleures versions de soi, seul, et collectivement, au final il y a un énorme déficit de matière entre les idéaux et ce qu’on est. J’ai beau rêver d’un monde meilleur (surtout quand je rentre trempé et transi par le froid), la preuve est dans le pouding, dit l’adage.

Bonne année, et le paradis à la fin de vos jours. Je retourne aux lectures et à l’hiver.

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