L’artiste Marc Séguin propose son regard unique sur l’actualité et sur le monde.

Sortie 228 de l’autoroute 20. Saint-Louis-de-Blandford. Un sapin dans la boîte de mon camion. Un Tim, un dépanneur et un A&W. Une halte comme plusieurs autres. À une différence près.

La neige a complètement fondu cette semaine. Les labours sont réapparus dans les champs. Un peu comme la Schtroumpfette Donald Trump (suis-je le seul à trouver qu’il lui ressemble) ? Si oui, c’est la faute au quatrième verre de vin ! Et c’est reparti pour une autre ronde de névroses sur la politique américaine. On va peut-être se faire casser les couilles par les médias chaque jour encore pendant cinq ans : conséquence d’un monde si croche qu’on aura réélu un gars vil et mesquin pour un deuxième mandat. Est-ce une révélation si Trump revient ? Est-ce que ça peut être pire ? Les guerres (une dizaine de conflits armés actifs, dont l’Ukraine, la Somalie, Gaza... en parlant de Bethléem et une histoire d’étoile), la montée du despotisme, de la droite. Plus près de chez nous les grèves, l’éducation, le réseau de la santé. On était presque bien durant la pandémie (hé, hé...).

Et les Rois mages des banques centrales, de la COP et des gouvernements savent que le meilleur est à venir. L’état d’une planète qui désespère et une nature humaine qui fait parfois (trop souvent) rouler des yeux. Ce texte se terminera bien, on se tient sur la main courante et on avance vers la sortie.

La saison est douce jusqu’ici. Ça aura été une semaine à rattraper ce qui a été oublié dans l’automne : débroussaillage, affûter les outils, ranger les boyaux, colmater les trous de mulots, rentrer du bois, entretenir des machines à gaz (les énergies fossiles sont là pour de bon, a-t-on appris d’un ministre canadien de l’Environnement récemment), finir de planter l’ail, même en décembre. Et faire ces tracas avant l’obsession des bilans. Parce qu’on va se faire rincer les yeux et les oreilles avec les bilans de fin d’année d’ici peu. Ça semble si important, ces cycles. Et pourtant.

C’était gris et neigeux sur la 20. Une journée de décembre sombre et triste. Des camions à perte de vue sur l’autoroute avec des hommes au volant ; tels des traîneaux du père Noël débordants de cadeaux. Aux infos de la radio, encore et toujours des actualités rabat-joie entre quelques chansons de saison. Ça ne peut pas toujours mal aller, on finit par se dire. Une bonne providence nous guidera assurément vers mieux.

On raconte que des rois ont un jour suivi une étoile dans le ciel. Pleine de promesses, disait-on. Il m’arrive aussi de la chercher. Ce serait le fun qu’elle ait une adresse ; on pourrait l’entrer dans le GPS et suivre les directions.

J’ai pris la sortie 228, attiré par une sorte de magie (je sens ces choses, et j’avais faim). En entrant dans cette halte, j’ai été exaucé : il y a un long panneau d’acier au mur, avec des phrases gravées, je ne l’avais jamais remarqué. J’ai lu.

Assis à une table, devant un burger et une Root Beer, j’ai souri. Étrangement traversé par des désirs et des envies amoureuses. On dit que pour envoyer chier le Destin et se sentir vivant, parfois on peut aimer. Au propre comme au figuré. Avec corps et âme. Idéalement les deux en même temps, mais on ne fera pas de discrimination ici, c’est votre « call ».

En sortant, je me suis encore planté devant la plaque d’acier où l’on retrouve des mots de Serge Bouchard : « Ils poursuivent une étoile qu’ils n’atteindront jamais » (extrait d’un de ses livres). C’est dans une halte routière presque au milieu de nulle part, je le rappelle. Comme quoi la lumière est possible. Merci aux architectes d’avoir fait une place à cette lueur. On en prendrait davantage, SVP. Parfois les métaphores racontent mieux la réalité que la réalité elle-même. On manque cruellement d’astres pour se guider depuis quelque temps. Les lumières artificielles ont des limites.

Et si, collectivement, on avait échoué en suivant la mauvaise étoile ? La question mérite d’être posée. Je regarde le flocon-étoile sur le top de mon sapin et je souris encore.

Ce jeudi, ce sera le solstice d’hiver. C’est donc dire que les journées recommenceront à allonger. On s’accroche à ce qui flotte.

Joyeuses Fêtes, je vous souhaite de recevoir et d’offrir des câlins, des bisous, des excès de bouffe et d’alcool, une trêve dans les griefs, le chialage et l’indignation, le temps de reprendre son souffle, et davantage d’instinct que de promesses. Un cadre de porte et une branche de gui pour des sentiments sans bullshit. On consent parfois à la magie par envie. On se retrouve en janvier.

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