L’artiste Marc Séguin propose son regard unique sur l’actualité et sur le monde

La COP28 a lieu présentement à Dubaï. Sur le territoire d’une importante énergie fossile ayant participé à la richesse et à l’économie d’un grand monde libre. C’est aussi l’histoire d’un petit oiseau aujourd’hui.

Les heures de lumière naturelle sont courtes. La chasse au chevreuil est terminée. Le fumier est étendu, la pépine est rangée et le tracteur s’est marié avec une souffleuse pour l’hiver. Les feuilles ont fini de tomber. On est là. Il y a de plus en plus de sapins de Noël sur les toits des voitures. Ho ! Ho ! Ho !, qu’on se dit. La magie va bientôt revenir et mes parents vont m’offrir un gâteau aux fruits du Club Optimiste. Tout ira mieux. Pour vrai.

Cette semaine, par inadvertance, j’ai pesé sur la mauvaise touche (à cause d’un nid-de-poule) et j’ai répondu à un appel en voiture au lieu de le renvoyer à la boîte vocale. Un gentil monsieur a demandé comment j’allais, en anglais. Il appelait d’une banque. On va jaser, je me suis dit, tant qu’à faire, et pour passer le temps dans la circulation immobile d’une ville.

« Notre institution a une offre spéciale pour vous sur nos produits financiers verts. Comme l’avenir et l’environnement sont au cœur de nos préoccupations chez Services financiers… on est soucieux de l’éthique dans nos placements et nos fonds… »

Il n’a pas terminé sa phrase.

« Ce n’est rien contre vous, j’ai dit (toujours en anglais et gentiment), mais je n’adhère pas au green preaching. »

Parce que parler vert, prêchi-prêcha, est à la mode. Ça et toutes les injustices de l’Histoire que l’on tente de réparer d’un claquement de doigts depuis quelques années. Mais on s’éloigne, restons dans l’écoblanchiment corporatiste. Ça fait tristement sourire (on résiste très fort au cynisme, ici). Et ça vient avec un lexique de vente adapté : durabilité, ressource renouvelable, végétal, environnemental, circulaire, équitable…

En bref, les efforts de terrain ont rejoint le discours économique.

On a appris la semaine dernière que les 12 hommes les plus riches de la planète ont la même empreinte carbone que 2,1 millions de foyers. Bin coudonc, on se dit. Tout est OK, suis sûr qu’ils ont à cœur l’avenir de la planète, surtout si c’est profitable. À l’abri, derrière les décors de leurs fondations.

On ne va pas rajouter une couche et faire semblant de s’indigner ici (l’indignation devrait devenir une discipline olympique). Mais peut-on dire aux stratèges en marketing que même la surconsommation verte n’est pas plus heureuse que l’autre ? Qui berne-t-on à la fin ? Sinon soi. Nous. Discours de marde.

Un jour, il n’y a pas si longtemps, on a dit qu’un arbre de Noël naturel était plus durable. Le lendemain, plus récemment, c’est au tour de l’artificiel d’être une meilleure solution. Fera-t-on vraiment un choix ? Que non, ce sera les deux ; au moins une des décisions sera durable et pérenne. Et on sera aligné avec les valeurs sur l’affiche du citoyen parfait. C’est important, des valeurs, surtout comme appât. Électricité et énergie renouvelables à n’importe quel prix, chars électriques, eau frette dans les lavabos des toilettes publiques vertueuses… Symboles, telle la couleur, de prospérité, d’écologie et de progrès.

Derrière la maison, au bord du fleuve, il y a des pluviers. Un bel oiseau (nommé ainsi, car souvent il annonce la pluie) qui crie et fait semblant d’avoir une aile brisée lorsqu’on s’approche de son nid. Un subterfuge pour attirer les menaces loin de la couvée. Une diversion. Et lorsqu’on s’approche trop du blessé, il s’envole. Job done.

On va entendre plusieurs promesses ces prochains jours sur le réchauffement climatique. Un pastiche d’accords arraché à la dernière seconde sûrement, pour « sauver la face ». Un peu d’autocongratulation, job done encore. Le salut du monde passe dorénavant par le verdissement de ses valeurs. Un placement vert pour être propre et éternel.

La conscience comme le pluvier qui aura sauvé l’instant. Jusqu’à la prochaine menace. Mais j’ai vu plusieurs couvées se faire dénicher par les marées, et aucune ruse n’y pouvait rien.

Dans l’intervalle. On se console en rêvant au gâteau aux fruits. Il y a des choses qui, loin des discours ambiants, peuvent aussi participer à améliorer un peu le bilan mondial en soi. Comme éviter les discours de ceux qui montent en chaire.

En raccrochant avec le vendeur financier, devant moi sur un pare-chocs, deux bumper stickers : Resist hate à gauche et l’autre, Shit happens.