En braquant sa caméra sur la faune sauvage, le réalisateur français Guillaume Maidatchevsky souhaite donner la parole « à ceux qui n’en ont pas ». « J’ai envie de montrer que si vous prenez le temps d’observer la nature, si vous prenez le temps de regarder les animaux, ils vous racontent beaucoup de choses », lance celui dont le plus récent film, Kina & Yuk : renards de la banquise, sort dans les cinémas québécois ce vendredi.

Pour sa troisième fiction animalière, narrée par Sarah-Jeanne Labrosse dans sa version québécoise, Guillaume Maidatchevsky met en scène un couple de renards polaires qui verra son quotidien tranquille être chamboulé par la fonte hâtive des glaces. L’histoire lui a été inspirée par le sauvetage d’un renardeau coincé sur un iceberg à la dérive, rapporté dans un journal canadien. « Je me suis dit, ce petit renard, d’où vient-il et où va-t-il ? C’est le point de départ du film », raconte le réalisateur.

Tournage au Yukon

L’équipe de tournage, composée de Français et de Canadiens, a passé deux séjours de six semaines dans la région de Dawson City, au Yukon. Sous des températures avoisinant parfois les -40 °C, les caméras ont capté la ville isolée, les montagnes enneigées, les déserts blancs où souffle un vent glacial, « ces décors forts et puissants qui racontent beaucoup de choses sur les animaux qui y vivent ».

Car au-delà des paysages, ce sont les animaux qui sont en vedette dans le long métrage. Des renards polaires, des loups, des chiens, une martre, une hermine font partie de cette distribution poilue très particulière.

Du plan A au plan D

Si les images saisissantes d’animaux, la voix hors champ et les informations dispersées dans le récit donnent au film des allures de documentaire, il s’agit bel et bien d’une fiction. « Contrairement à un documentaire, le scénario, je l’ai écrit en amont. Quatre-vingt-dix pages dialoguées. [...] Ça, c’est mon histoire idéale », explique Guillaume Maidatchevsky.

Ses comédiens étant des animaux, comment arrive-t-il ensuite à porter à l’écran son récit ? « Dans ce genre de film, il y a deux mots clés : la patience et l’adaptabilité », souligne le cinéaste, qui a aussi réalisé les fictions animalières Aïlo : une odyssée en Laponie et Mon chat et moi : la grande aventure de Rroû.

PHOTO JOËL SAGET, FOURNIE PAR GUILLAUME MAIDATCHEVSKY

Le réalisateur Guillaume Maidatchevsky

« Mon équipe – avec laquelle je travaille depuis un petit bout de temps – a toujours un plan A, B, C, D... Il le faut, parce qu’on ne va jamais contraindre un animal », explique-t-il.

Bien que la production ait recours à des pistes olfactives pour diriger les animaux, cela ne fonctionne pas toujours.

« Si le plan A est que le renard aille à droite mais que lorsqu’on dit “action”, il va à gauche, on le suit. L’équipe est préparée à ça », poursuit celui qui était auparavant biologiste.

Même si la scène n’est pas celle que le cinéaste avait imaginée, elle peut être utile à un autre moment de l’histoire. « Comme on filme souvent très serré, je peux bricoler plein de trucs au montage », fait valoir Guillaume Maidatchevsky.

Lien de confiance

Les personnages principaux du long métrage familial ne sont pas domestiqués, mais ils ne sont pas tout à fait sauvages non plus. Les deux renards polaires sont nés dans un sanctuaire pour animaux et ont été habitués à la présence des caméras très tôt dans leur vie.

Une forme de confiance s’est établie entre les renardeaux et l’équipe de tournage, souligne Guillaume Maidatchevsky. Pour illustrer son propos, il donne l’exemple d’une scène où Kina et Yuk s’endorment l’un contre l’autre dans leur terrier. « Cette scène est révélatrice de mon travail. Arriver à ce qu’un animal sauvage s’endorme devant des caméras, ça veut dire qu’on a réussi à créer un lien avec lui. Un animal sauvage ne s’endormirait jamais devant cinq personnes. »

Avec ses images qui mettent en valeur la beauté et la force de la faune arctique, Guillaume Maidatchevsky espère susciter des émotions chez les cinéphiles de tous âges.

« Souvent, on me dit : “Wow ! On a l’impression que l’animal nous parle.” C’est parce que je vous ai laissé du temps avec lui. Vous avez appris à le connaître. [...] Un animal, si on le filme en plan large, c’est un renard. Mais si on le filme en plan très serré, ça devient Kina, ça devient Yuk. C’est là que les émotions passent », croit le cinéaste.

Il est d’ailleurs convaincu que les émotions ont leur rôle à jouer dans la lutte contre les changements climatiques, dont les conséquences majeures en Arctique sont démontrées pendant toute la durée du long métrage.

« Si vous avez aimé l’histoire de Kina et Yuk, si vous êtes entré dans leurs émotions, j’espère que ça vous donnera envie de les protéger. Et pas qu’eux. Toute la faune arctique. [...] C’est mon petit combat », termine le réalisateur.

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