Dans son premier long métrage, Caitlin Cronenberg raconte l’histoire d’une famille qui doit choisir lequel de ses membres ne sortira pas vivant de la maison. Comme dans presque tous les films signés Cronenberg, il y a du sang, mais pas seulement.

Humane (Humain en version française) est une autre dystopie qui semble en voie de se concrétiser avec chaque jour qui passe.

« J’ai lu le scénario [de Michael Sparaga] avant la pandémie et tout ce qui est arrivé depuis me fait craindre davantage pour notre avenir, confie la réalisatrice canadienne Caitlin Cronenberg. Dans les cinq ans qui ont suivi, beaucoup de choses ont changé pour le pire, tant en ce qui a trait à l’environnement qu’en ce qui a trait à la politique. »

PHOTO GEORGE PIMENTEL, LA PRESSE CANADIENNE

Caitlin Cronenberg, au centre, avec les acteurs Jay Baruchel et Emily Hampshire sur le tapis rouge du film Humane à Toronto

Dans ce thriller d’anticipation, celle qui est aussi photographe réputée mondialement aborde avec subtilité l’environnement, le racisme, les disparités économiques, la mesure du succès et d’autres enjeux actuels. Malgré tout, la première réalisation de la plus jeune fille de David Cronenberg n’est pas déprimante. Son humour noir, sa violence maladroite et ses divertissants personnages font davantage sourire que pleurer.

Purger la planète

Dans un monde qui ressemble au nôtre, la crise climatique force les gouvernements à faire des gestes drastiques. Ainsi, depuis quelques mois, un programme d’euthanasie volontaire a été instauré. L’objectif est de supprimer 20 % de la population. Charles York (Peter Gallagher), chef d’antenne à la retraite, invite ses quatre enfants à la maison pour leur annoncer que lui et sa seconde femme (Uni Park) s’y sont inscrits. Lorsque cette dernière se sauve et que le département de la Stratégie civile (DOCS) cogne à la porte, la famille doit déterminer qui accompagnera le paternel à l’incinérateur.

Jay Baruchel (Blackberry, Goon), Emily Hampshire (Schitt’s Creek, Cosmopolis), Sebastian Chacon (Daisy Jones & The Six) et Alanna Bale (Cardinal) incarnent les enfants York aux nombreux défauts. Alors que les deux premiers, Jared et Rachel, sont suffisants et méprisants, Noah traîne un lourd passé et Ashley enchaîne les échecs professionnels.

PHOTO FOURNIE PAR ELEVATION PICTURES

Caitlin Cronenberg a tourné Humane à Hamilton, en Ontario.

Chacun des acteurs était enchanté à l’idée d’interpréter un personnage très différent de qui il est dans la vie. Ils sont merveilleux, gentils et ont des valeurs solides, alors ils se sont bien amusés à jouer des gens ignobles.

Caitlin Cronenberg, réalisatrice

Ignobles, mais pas complètement. Bien qu’ils soient pour la plupart détestables, leur sort nous importe. « Une fois que le public déteste un personnage, ce n’est pas facile pour un acteur de le faire revenir dans ses bonnes grâces. Tout le mérite revient à mes talentueux comédiens », dit la réalisatrice.

Étrangement, notre compassion se manifeste surtout lorsque le sang commence à gicler. Entre les attaques et les trahisons se glissent les hésitations et les remises en question. Cela donne lieu à des scènes fortes en émotions, mais aussi cocasses. « Je voulais que les combats soient maladroits, car ces gens ne savent pas se battre. Nous ne sommes pas dans John Wick, remarque Caitlin Cronenberg, un sourire dans la voix. Ils se retrouvent soudainement avec une arme dans la main et se disent : “OK, on poignarde notre frère !” C’est comique, car c’est improbable. Et quelqu’un qui reçoit un bâton de baseball miniature sur la tête, ce sera toujours drôle, même dans un contexte de vie ou de mort. »

Comme presque tout le film, les hostilités se déroulent dans la somptueuse demeure familiale des York. Le château Ravenscliffe à Hamilton, en Ontario, un personnage en soi, a été construit en 1881. Le bâtiment au style roman et gothique abrite 12 chambres et 8 foyers sur cinq étages. « C’était fantastique de filmer à cet endroit, indique la Canadienne. Le simple fait d’y entrer permet aux acteurs de se sentir dans une véritable maison. Les lieux venaient avec quelques défis, tels les planchers qui craquent, mais cela ajoute du caractère. »

Un père présent

Assez tôt dans l’histoire, on apprend que Charles York était souvent absent en raison de son travail et que ses enfants en ont souffert.

PHOTO GEORGE PIMENTEL, LA PRESSE CANADIENNE

Caitlin et David Cronenberg lors de la première de Humane à Toronto, le 17 avril

Caitlin Cronenberg s’est-elle inspirée de son vécu pour cette partie ? « Pas du tout ! Mon père travaillait beaucoup, mais espaçait ses films de quelques années. Il passait de longs moments à la maison à écrire et quand il tournait, ce n’était que quelques mois et nous étions toujours près de lui. Il était plus présent que la plupart des pères de mes amis qui avaient de hautes fonctions dans des entreprises », assure-t-elle.

Et quelle est la plus importante leçon cinématographique que lui ait transmise le créateur de The Fly, Crash et A History of Violence ? « Un plateau joyeux », lance-t-elle. « Il ne me l’a pas enseigné, mais je l’ai appris en l’observant. Si tu es gentil et respectueux, tout le monde sera plus heureux et sentira que sa contribution est essentielle. »

Humane prendra l’affiche le 26 avril.