En 2044, tandis qu’elle purifie son ADN, une femme croise l’homme qu’elle a aimé dans ses vies antérieures.

Dixième long métrage de Bertrand Bonello (Le pornographe, L’Apollonide : souvenirs de la maison close), La bête, dont le scénario est très librement inspiré de La bête dans la jungle, nouvelle de Henry James, raconte une histoire d’amour tragique en trois époques.

Paris, 2044, plus de 60 % des Français sont au chômage à cause de l’intelligence artificielle. Afin de trouver un emploi, Gabrielle (Léa Seydoux) doit se libérer de ses affects en purifiant son ADN comme le lui explique une voix d’homme durant l’entretien (Xavier Dolan, coproducteur du film avec Nancy Grant). Au cours du processus, pendant lequel elle revit des pans de ses vies antérieures, elle croise Louis (George MacKay), qui a été plus d’une fois son grand amour.

Los Angeles, 2014, Gabrielle (Seydoux), actrice en quête d’un rôle, croise Louis (MacKay), célibataire involontaire, qui rôde autour de la résidence qu’elle est chargée de surveiller. Chaque fois qu’elle entend Evergreen, de Roy Orbison, elle fond en larmes.

Paris, 1910, peu avant l’inondation, Gabrielle (Seydoux), célèbre pianiste mariée à un riche fabricant de poupées, croise Louis (MacKay), gentleman qu’elle a rencontré à Naples quelques années auparavant. Elle lui confie être hantée par un mauvais pressentiment, il lui suggère de consulter une voyante (Elina Löwensohn).

Outre la présence récurrente des amoureux, qui demeurent froids et distants grâce au jeu des acteurs, les époques sont reliées entre elles par différents motifs, lesquels ajoutent au mystère et au charme de cet hypnotique film d’anticipation. D’un récit à l’autre, on trouve ainsi une poupée, dont la poupée Kelly de 2044 (Guslagie Malanda), sorte de double de Gabrielle, un pigeon annonciateur d’un évènement funeste, et une voyante, dont les paroles sibyllines demeurent obscures pour l’héroïne.

Pour chaque époque, le réalisateur, qui offre avec Anna Bonello une bande sonore glaçante, compose des univers bien distincts où la force des émotions va en diminuant avec le temps, où l’esthétique passe de la chaude opulence au plus strict minimalisme. À la direction photo, la Québécoise Josée Deshaies met parfaitement en valeur la plastique des lieux et des acteurs, notamment dans le tableau de 1910, tourné en 35 mm, où Léa Seydoux apparaît, telle une héroïne proustienne en robe Fortuny, dans toute sa splendeur. La fidèle collaboratrice de Bertrand Bonello y signe également une séquence aquatique d’une grande beauté.

Ayant voulu livrer « un plaidoyer pour rester vivant », le cinéaste propose une réflexion sur l’incidence de l’intelligence artificielle dans les rapports humains où, pour mieux convaincre, le cérébral l’emporte audacieusement sur le sentimental. À la toute fin, Bertrand Bonello ose même priver le spectateur du générique, seulement disponible en code QR. À ce dernier de choisir de le lire ou pas (et y découvrir une courte scène percutante).

En salle

La bête

Science-fiction

La bête

Bertrand Bonello

Léa Seydoux, George MacKay, Elina Löwensohn

2 h 26

7,5/10