C’est une histoire impossible. Un scénario complètement fou. Tellement que s’il n’avait pas été inspiré d’un fait vécu, Louise Archambault n’aurait tout simplement pas embarqué dans le projet.

« Si ça avait été une fiction, j’aurais refusé ! », confirme sans hésiter la réalisatrice (Il pleuvait des oiseaux, Le temps d’un été), qui a finalement sauté à pieds joints dans cette incroyable histoire vraie, sorte de Schindler’s List au féminin (quoiqu’à plus petite échelle !). Irena’s Vow (La promesse d’Irena en version française) est une coproduction canado-polonaise, avec Sophie Nélisse dans le rôle principal, aux côtés de Dougray Scott et Andrzej Seweryn (sur la musique d’Alexandra Stréliski), tournée en Pologne. Un décor de rêve pour un scénario qui fait effectivement rêver.

Oser l’impensable

Le film, en salle le 19 avril, revient donc sur l’incroyable destin d’Irena Gut Opdyke (incarnée avec brio par une Sophie Nélisse en pleine possession de son personnage), infirmière polonaise de 19 ans, qui a osé l’impensable pendant la Seconde Guerre mondiale : sauver 12 Juifs, presque au nez des Allemands, en les cachant dans la cave d’un haut officier chez qui elle travaillait à titre de gouvernante.

C’est après avoir vu un soldat allemand piétiner un enfant sous les yeux de sa propre mère que la jeune femme, à la base infirmière, s’est juré de sauver coûte que coûte une vie, chaque fois qu’elle le pourrait. Cette fameuse « promesse » est à l’origine de cette histoire à vous décrocher la mâchoire, allant de surprise en surprise, du début jusqu’à la toute fin (générique inclus). « C’est trop gros ! confirme Louise Archambault. Ça n’a pas de bon sens ! »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

La promesse d’Irena, film historique de Louise Archambault, sur la musique d’Alexandra Stréliski, avec Sophie Nélisse dans le rôle principal, est inspiré d’une histoire vraie.

Et s’il fallait en rajouter une couche, sachez qu’en prime, à la première du film, à Toronto (TIFF) l’automne dernier, un très proche descendant d’un des fameux Juifs ici sauvés était présent. On devine l’émotion. Si certains doutaient qu’un seul geste puisse sauver des vies, « j’en suis la preuve vivante », a d’ailleurs dit l’homme de 80 ans, dans un discours chargé de reconnaissance, relate la réalisatrice.

Si la fameuse vraie Irena est aujourd’hui disparue, il faut savoir que le scénariste du film, Dan Gordon, l’a quant à lui personnellement connue. Il a eu vent de son histoire, quand, après avoir gardé son passé secret presque toute sa vie, elle a décidé de se raconter, en entendant des négationnistes remettre en question l’Holocauste aux États-Unis. À 70 ans sonnés, la dame, qui a immigré après la guerre, s’est donc improvisée conférencière. Bouleversé par son témoignage, Dan Gordon en a d’abord fait une pièce de théâtre (montée à Broadway), puis écrit un film.

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Louise Archambault

Quand j’ai lu le scénario, je me suis dit : mais quelle histoire émouvante ! Quel sujet ! […] Il faut mettre en lumière cette femme, son ouverture, son courage, sa générosité !

Louise Archambault, réalisatrice

Il faut dire que cette Irena est inspirante, et elle le demeure à ce jour. « On dirait que c’est encore d’actualité : à travers l’horreur de la guerre, il y a cette ouverture vers l’autre, cette lueur d’espoir, ça me nourrissait ! Mon Dieu, quelle belle courroie de transmission, cette femme ! [...] Il y a une grande humanité qui me plaisait. »

S’imprégner du personnage

Même enthousiasme du côté de Sophie Nélisse, très convaincante en cette jeune femme courageuse, déterminée, mais aussi d’une infinie naïveté. « C’est une femme extraordinaire qui a tellement accompli de belles choses. C’était vraiment important pour moi d’être à la hauteur ! souligne-t-elle. Et puis de savoir que sa fille est encore vivante, ça rajoute une couche de stress ! »

Elle a donc lu ses mémoires, consulté la pièce de théâtre, rencontré le scénariste, et s’est imprégnée des rares photos qui existaient de sa jeunesse, en plus d’être accompagnée par une coach, pour s’approprier l’accent polonais (après avoir adopté l’accent allemand dans La voleuse de livres). Mission accomplie, faut-il le préciser. « Ce qui m’a frappée, ajoute la comédienne, c’est à quel point elle est lumineuse, malgré tout ce qu’elle a vécu, elle a le sourire aux lèvres, elle est tellement positive, c’est vraiment fascinant, et c’est vraiment ce que je tenais à montrer à travers le film : oui, il y a toutes les atrocités [...], mais aussi de l’espoir ! [...] Et c’est ça qu’elle porte comme message, Irena ! »

PHOTO FOURNIE PAR ENTRACT FILMS

Dougray Scott aux côtés de Sophie Nélisse

Si vous vous posez encore la question, oui, au risque de nous répéter, tous les faits sont donc véridiques : de la cachette dans une bouche d’aération ici jusqu’au tunnel là, et cette pièce cachée à la cave. Rien n’a été romancé. Ni édulcoré. Même le dilemme carrément cornélien, autour d’une potentielle grossesse en captivité, est vrai. Seules rares modifications : certains détails dans la « temporalité », on s’est permis quelques raccourcis, et le meurtre de l’enfant a été apparemment un peu adouci (imaginez !). Enfin, si Irena s’est fait violer par des Russes dans les faits, on y fait seulement et subtilement allusion dans le film. Pour le reste, « c’est très fidèle ! », confirme Louise Archambault. Tout comme le dénouement, dont on ne vous dira rien, mais qui, de nouveau, semble drôlement tiré par les cheveux. « C’est la vraie histoire ! »

Comme quoi, oui, la réalité dépasse effectivement la fiction, comme le veut la formule, qu’on aura rarement vue plus appropriée qu’ici.

En salle le 19 avril