Avec son fidèle acolyte Olivier Nakache, avec qui il a signé le grand succès Intouchables, Éric Toledano propose une incursion du côté des militants écolos par l’intermédiaire de deux hommes surendettés plus intéressés par les bouchées et l’alcool gratuits que par l’idée de sauver la planète.

Flairant quelque profit à en tirer, Albert (Pio Marmaï) et Bruno (Jonathan Cohen), deux hommes surendettés, se joignent à un groupe écolo luttant contre la surconsommation. Les voilà bientôt aux côtés de Cactus (Noémie Merlant), qui tombe dans l’œil du premier, et de Quinoa (Grégoire Leprince-Ringuet), qui en pince pour cette dernière, à participer à des actions spectaculaires.

Pour les besoins d’Une année difficile, leur huitième long métrage, Éric Toledano et Olivier Nakache ont eux-mêmes grossi les rangs d’un groupe socioécologiste international, Extinction Rebellion, aussi connu sous l’appellation XR. Avant de révéler leur identité et leurs intentions, les deux scénaristes-réalisateurs ont été invités par des membres de XR à assister à des manifestations dans les rues de Paris.

« Il y avait quelque chose de l’ordre de la mise en scène dans leurs actions, donc c’était agréable pour nous parce qu’il y a une mise en abyme du fait de filmer des gens qui font de la mise en scène pour alerter les consciences. Puis on a sympathisé avec un groupe et on a dit aux membres qu’on allait faire un film et que ceux qui voulaient y être figurants ou silhouettes étaient les bienvenus. Une dizaine d’entre eux, ceux qu’on voit autour des acteurs, étaient là tout le temps du tournage », raconte Éric Toledano, rencontré en janvier aux Rendez-vous d’Unifrance à Paris.

Flirter avec la réalité et la fiction

Afin de gonfler les rangs pour les scènes de grande envergure, le tandem a alors fait appel à d’autres groupes écolos. Le cinéaste estime que 80 % des figurants d’Une année difficile sont de véritables militants. Les figurants non militants étaient d’ailleurs surpris de constater que ces derniers ne mangeaient pas avec eux et ne parlaient que du sujet du film.

« Ça nous a toujours intéressés de flirter avec la réalité et la fiction, dévoile Éric Toledano. On l’a fait dans Hors normes ; c’était spécial parce qu’on avait pris des enfants autistes et des éducateurs. »

Avec le temps, on s’est autorisé le fait que la frontière soit de plus en plus fine entre la réalité et la fiction. Si on était en psychanalyse, comme dans la série En thérapie qu’on a réalisée, je dirais qu’on s’est autorisé le mélange.

Éric Toledano, scénariste-réalisateur

Aux dires du réalisateur, les militants ayant pris part aux différentes scènes du film auraient vite développé de bonnes relations avec les acteurs du film, allant même jusqu’à convier ces derniers à des fêtes au cours du tournage.

PHOTO FOURNIE PAR SPHÈRE FILMS

Pio Marmaï dans Une année difficile

« Après, il y avait de vraies discussions de fond et ça, c’était intéressant. Avec Olivier, c’est aussi ça qu’on cherche. En rapprochant des personnages proches de ceux qu’on doit jouer, on crée des discussions. Et ces discussions-là nourrissent aussi le jeu parce que les acteurs voient les gens qu’ils ont à interpréter au déjeuner, entre les prises. Et ça, ça agit comme une espèce de petit liquide qui diffuse quelque chose. »

Ce procédé n’a toutefois pas empêché Éric Toledano et Olivier Nakache, qui souhaitaient livrer une photographie de notre époque à la manière d’une comédie italienne, d’être accusés par bon nombre de critiques d’avoir illustré avec cynisme les mouvements écologistes, d’avoir été cruels avec les personnages de militants.

« On n’a pas été tendres non plus avec les personnages qui sont dans le surendettement. Ce qu’on a décrit est une réalité, mais parfois la réalité est un peu over. C’est vrai qu’ils ont des surnoms, qu’ils viennent souvent d’un milieu bourgeois parce qu’effectivement, quand on a besoin d’arrondir ses fins de mois, on pense moins à la fin du monde. »

Avec Olivier, on a décrit plein de groupes, les sans-papiers, les personnes autistes, les handicapés, les personnes des banlieues, mais on ne s’est jamais permis de juger les groupes. On a toujours essayé d’être à la hauteur des gens.

Éric Toledano, scénariste-réalisateur

Justifier ses choix

Depuis ses débuts, en 1995, avec son premier court métrage Le jour et la nuit, le populaire tandem du cinéma français n’avait jamais eu autant à justifier ses choix. Cela ne semble toutefois pas inquiéter outre mesure Éric Toledano.

« La comédie, c’est tendre un miroir et non pas rire des gens, mais rire de nous-mêmes comme l’ont fait Molière et la commedia dell’arte. Parfois, il faut avoir le recul ; parfois, on est en pleine synchronisation, comme avec Intouchables. L’écologie, c’est un sujet qui est tendu, qui oscille entre culpabilité et culpabilisation. La critique, ça fait partie du jeu, et dans une carrière où on ne va pas nécessairement chercher la sécurité, on va se mettre un peu en danger. Ça nous est arrivé avec Tellement proches en 2009 ; je trouve que le film a bien vieilli. Les films, c’est un peu comme le vin, il faut attendre de le boire. Donc, pour Une année difficile, j’attends. »

En salle le 12 avril.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.