(Paris) Même s’il avait auparavant signé cinq longs métrages à titre de scénariste et réalisateur, Roschdy Zem ne s’était encore jamais lancé dans un projet aussi personnel. Inspiré d’un évènement réellement survenu, Les miens est une ode à la famille dans laquelle l’acteur ne s’est pas toujours donné le beau rôle. Rencontre.

Dans Les miens, vous racontez l’histoire d’un homme habituellement doux et altruiste, interprété par Sami Bouajila, qui, après avoir subi un violent choc à la tête en tombant, parle sans aucun filtre et se met à balancer à la figure de ses proches leurs quatre vérités. Est-il vrai que vous vous êtes inspiré de l’histoire de votre propre frère ?

Roschdy Zem : Tout à fait ! J’ai pris cet accident pour prétexte, en fait. Mais je crois que la raison principale m’ayant poussé à réaliser un film aussi personnel est que j’en suis à un stade de la vie où l’on réfléchit à l’existence qu’on a menée jusqu’à maintenant, ainsi qu’à celle qui nous attend dans l’avenir. La pandémie, alors que nous étions tous confinés chez soi, a déclenché ce genre de questionnement chez bien des gens, je crois. J’ai eu envie de parler de la famille.

Bande-annonce du film Les miens

En plus d’y tenir un rôle, Maïwenn cosigne avec vous le scénario de votre long métrage. On peut d’ailleurs trouver une parenté certaine entre ADN, le film qu’elle a réalisé avant Jeanne du Barry, et Les miens. Pourquoi avez-vous fait appel à Maïwenn et quel a été son apport ?

Le producteur Pascal Caucheteux, qui a aussi produit ADN, m’a suggéré d’emprunter un peu la même approche pour mon film, c’est-à-dire de l’écrire et de le tourner rapidement. Je me suis alors dit que Maïwenn pouvait agir comme un filtre. C’est-à-dire que lorsqu’on s’engage dans un projet personnel comme celui-là, il faut le regard de quelqu’un plus à distance, qui peut distinguer ce qui est intéressant de ce qui ne l’est pas. J’ai fait totalement confiance à Maïwenn, surtout pour m’aider à écarter tout un pathos dont je ne voulais pas. En plus, elle a une écriture très directe, très charnelle. Le scénario a été écrit en moins d’un mois !

PHOTO SHANA BESSON, FOURNIE PAR AXIA FILMS

Maïwenn et Roschdy Zem dans Les miens, qu’ils ont écrit ensemble et dont Roschdy Zem signe la réalisation

Vous incarnez dans Les miens ce présentateur télé à succès qui suscite l’admiration de son frère, mais qui attire aussi, en revanche, bien des reproches de la part de tous les autres membres de sa famille. Autrement dit, vous ne vous êtes pas tout à fait donné le beau rôle…

S’il fallait qu’en plus d’écrire et de réaliser, je me sois donné le beau rôle, je crois qu’on aurait dit « ben dis donc »... [Rires] Je trouvais intéressante cette espèce de mise en abyme de tout ce qu’on pouvait me reprocher. Je me suis beaucoup amusé avec cette forme d’autodérision de ma personnalité. J’ai préféré afficher mon dysfonctionnement plutôt que de montrer un personnage incroyablement noble qui vient à la rescousse de sa famille. Ça ne correspondrait pas du tout à la réalité !

Vous en êtes à votre sixième long métrage à titre de réalisateur. Étant l’un des acteurs les plus sollicités et les plus appréciés du cinéma français, qu’est-ce qui vous a motivé à passer derrière la caméra ?

Quand j’ai écrit mon premier film [Mauvaise foi], il n’était pas question que je le réalise. Mais à l’époque, le producteur [Philippe Godeau] m’a tout de suite proposé de le réaliser moi-même. Je me souviens avoir été très surpris, mais aussi très séduit par cette idée qui ne m’avait encore jamais traversé l’esprit. J’ai même donné mon accord très rapidement de peur qu’il change d’avis ! J’ai maintenant le sentiment de m’améliorer chaque fois et je prends plaisir à raconter des choses. C’est ce qui me motive. Quand on se lance dans une histoire personnelle comme celle des Miens, il ne peut y avoir de rivalité avec qui que ce soit parce que, personne, forcément, ne peut la raconter à ma façon. Cela dit, si on me demandait demain d’adapter du Maupassant, je dirais que des cinéastes talentueux seraient beaucoup mieux placés que moi pour le faire.

Vous êtes arrivé à la fin des années 1980, début des années 1990, et des cinéastes de renom – André Téchiné, Xavier Beauvois, Patrice Chéreau – ont rapidement fait appel à votre talent. Comment est né le désir d’être acteur au départ ?

Il n’y avait pas vraiment de désir parce qu’il n’y avait pas de modèles sur lesquels j’aurais pu m’appuyer à l’époque. Tout au plus, oui, j’avais envie de tâter l’expérience et de voir comment se déroule un tournage, mais de là à songer à bâtir une carrière sur le long terme, jamais. Mon profil – fils d’immigrés nord-africains – n’existait pas dans le cinéma français. Or, je suis arrivé au moment où des metteurs en scène ont commencé à avoir envie de faire exister des personnages ayant mon profil. J’ai souvent été là au bon endroit, au bon moment. Des réalisateurs de talent m’ont mis sur les rails et m’ont permis de bâtir une confiance assez grande pour faire en sorte que mes fantasmes se transforment en velléités.

Et 30 ans plus tard, cette confiance s’est solidifiée ?

Au contraire, elle se fragilise. On s’inflige au fil des ans un degré d’exigence supérieur, forcément plus difficile à atteindre. Mais le plaisir est intact !

Les miens prendra l’affiche le 9 juin.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.

Qui est Roschdy Zem ?

  • Né en 1965 à Gennevilliers de parents marocains, Roschdy Zem tient de petits rôles dans J’embrasse pas et Ma saison préférée, avant de se faire véritablement remarquer grâce à N’oublie pas que tu vas mourir et En avoir (ou pas).
  • Il obtient sa première sélection aux Césars en 2000 grâce à sa performance dans Ma petite entreprise. Roschdy Zem sera cité quatre autres fois à titre d’acteur. Sa composition dans Roubaix, une lumière lui vaudra le César du meilleur acteur en 2020.
  • Roschdy Zem écrit et réalise en 2006 Mauvaise foi, un premier long métrage dans lequel il donne la réplique à Cécile de France. Suivent Omar m’a tuer (2011), Bodybuilder (2014), Chocolat (2016) et Persona non grata (2019).