Dans As bestas, le plus récent film de Rodrigo Sorogoyen, Marina Foïs incarne une femme qui, en compagnie de son mari, s’est installée dans un village de Galice, en Espagne, au grand dam de voisins xénophobes. Dans ce thriller inspiré d’une histoire véridique, l’actrice a trouvé un grand rôle. Entretien.

Il est parfois de ces coïncidences très heureuses. Rodrigo Sorogoyen a d’abord été subjugué par la performance de Marina Foïs dans Polisse, le film que Maïwenn a réalisé en 2011. Six ans plus tard, celle qui a joué professionnellement pour une toute première fois en 1993 au Québec (dans la série Shehaweh, aux côtés de Marina Orsini !) découvrait dans une salle parisienne le talent du cinéaste espagnol grâce à Que Dios no perdone et en fut « complètement dingue ». Les deux artistes ne se sont jamais parlé, jamais rencontrés.

« Un jour, mon agent m’appelle pour me dire que Rodrigo Sorogoyen souhaitait que je lise son scénario », a raconté plus tôt cette semaine, encore un peu incrédule, Marina Foïs au cours d’un entretien téléphonique. « J’ai réagi comme une folle. J’ai tout de suite demandé qui étaient les autres actrices sur les rangs, car les cinéastes étrangers qui viennent faire des castings à Paris rencontrent habituellement plusieurs comédiens. Or, Sorogoyen me proposait carrément le rôle. Même pour un rôle minuscule, j’aurais dit oui tout de suite ! »

Une histoire véridique

As bestas est inspiré d’une histoire véridique survenue en Espagne en 2010, dont le déroulement dans le film – ne donnons pas ici de détails – surprend encore plus quand on n’en connaît rien. Marina Foïs, tellement enthousiasmée à l’idée de tourner avec Sorogoyen, n’avait d’ailleurs pas mesuré tout à fait la charge dramatique de cette histoire en lisant le scénario une première fois.

« En premier lieu, je me suis attardée davantage à la forme du récit, qui change de point de vue en cours de route, avec cette espèce de passage de flambeau qui passe des hommes aux femmes. Rodrigo m’a demandé de regarder le documentaire Santoalla [Andrew Becker et Daniel Mehrer], consacré à Margo Pool, celle qui a inspiré le personnage que je joue. Dans ce film réalisé six ans après les évènements, il est beau de la voir donner corps au projet qu’elle partage avec son mari. »

PHOTO EMMANUEL DUNAND, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

À la Soirée des Césars tenue récemment, Marina Foïs a vu As bestas obtenir le César du meilleur film étranger.

Marina Foïs s’est ainsi retrouvée, en compagnie de Denis Ménochet, dans un village de Galice, à jouer en espagnol cette femme française, prénommée Olga, qui, en compagnie de son mari Antoine, souhaite vivre paisiblement en cultivant des légumes bios. Or, la présence du couple soulève l’ire des voisins immédiats, deux frères prêts à tout pour lui empoisonner l’existence.

Dans cette histoire, personne ne veut déposer les armes et l’escalade est sans fin. Mais qui a raison dans cette histoire ? Les frères ou Antoine et Olga ? Je ne sais pas. Ceux qui passent du côté de la violence ont toujours tort, car toute discussion devient alors impossible.

Marina Foïs, actrice

En espagnol seulement

Née d’un père italien, Marina Foïs maîtrise la langue de Dante, mais ne connaissait pas beaucoup l’espagnol au départ. La comédienne a tenu à apprendre la langue de Cervantes en amont.

« J’ai travaillé avec une coach sur le plateau. J’ai aussi demandé à l’équipe de me parler uniquement en espagnol, ce qui m’a fait progresser très vite. J’ai vraiment beaucoup aimé cette expérience. Maintenant, je sais qu’en y mettant les efforts, je pourrais jouer dans plein d’autres langues. De cette contrainte est née une liberté nouvelle ! »

PHOTO LUCIA FARAIG, FOURNIE PAR AXIA FILMS

Dans As bestas, Denis Ménochet et Marina Foïs incarnent un couple de Français installés dans un petit village de Galice, en Espagne, tout près de la frontière portugaise.

En regardant As bestas une première fois, l’actrice, moins présente dans la première partie du film, consacrée surtout aux hommes impliqués dans l’histoire, a pu tout de suite apprécier la grâce de la mise en scène et se laisser « éblouir » par le jeu du trio que forment Denis Ménochet, Luis Zahera et Diego Anedo.

« Et puis, il y a la force du cinéma, qui vient du regard d’un metteur en scène, ajoute-t-elle. Cela ne s’explique pas. »

J’ai observé Rodrigo sur le plateau, mais je serais incapable d’expliquer comment il fabrique les choses. Il y a une part de magie dans ce qu’il fait. L’importance qu’il donne au détail, à la vérité du geste.

Marina Foïs, actrice, à propos du réalisateur

Un succès fulgurant

Lancé l’an dernier dans la section Cannes Première du Festival de Cannes, As bestas connaît depuis un succès fulgurant. Récemment, ce thriller psychologique a remporté pas moins de neuf trophées Goya en Espagne (dont celui décerné au meilleur film, à la meilleure réalisation et au meilleur scénario), et le César du meilleur film étranger lui fut attribué à Paris. Comment Marina Foïs explique-t-elle cet engouement ?

« À une époque où l’on parle beaucoup de la montée des extrémismes et des haines qu’elle engendre, je crois qu’il y a dans l’être humain, fondamentalement, un besoin de consolation et de réparation. C’est ce dont parle le film et ça résonne auprès des gens, je crois. »

As bestas est actuellement à l’affiche.