Choisi pour incarner le héros du roman autobiographique à succès de Stéphane Larue, Henri Picard tient pour la première fois un rôle principal au cinéma dans Le plongeur. À la veille de la sortie du long métrage de Francis Leclerc, vertige et excitation s’entremêlent dans le cœur d’un jeune homme dont la carrière est en pleine ascension. Rencontre.

Quand on exerce le métier de journaliste en cinéma depuis un petit moment, et qu’on rencontre Henri Picard pour la première fois, il est difficile de ne pas se projeter malgré soi 30 ans en arrière, à l’époque où son père, Luc, accordait ses premières entrevues. Même sourire timide, même façon de vibrer de l’intérieur, même façon d’aller directement à l’essentiel. Avec, en prime, le charisme naturel de ceux qui ne semblent pas chercher à jouer du tout de ce charisme, justement.

L’acteur, dont la mère, Isabel Richer, est également une grande comédienne, mène aujourd’hui, à 21 ans, sa carrière de façon parfaitement autonome. Finie l’époque où son agente envoyait par courriel à cet enfant de la balle des invitations pour des auditions en mettant en copie les adresses de ses parents.

« Ils me soutiennent, bien sûr, assure le jeune homme au cours d’un entretien accordé à La Presse. Je les ai d’ailleurs accompagnés sur des plateaux de tournage dès mon plus jeune âge. J’ai commencé à vouloir passer des auditions vers l’âge de 10 ou 11 ans, mais eux tenaient plutôt à ce que je vive une enfance normale et que j’aille à l’école. La première audition que j’ai pu faire est celle pour Les rois mongols à 15 ans. Et ça a marché ! »

Au-delà des attentes

S’il ne se souvient guère de sa présence – à l’âge de 3 ans – dans L’audition, le premier film qu’a signé son père à titre de réalisateur, Henri confie que son rôle dans Les rois mongols, aussi réalisé par Luc Picard, a marqué une étape importante dans son esprit. Il lie par ailleurs sa volonté d’exercer ce métier, née très jeune, à son amour des acteurs.

Vers l’âge de 11 ans, j’ai commencé à regarder des making of et à m’intéresser plus particulièrement aux performances des acteurs. Si je tombais sur un comédien que j’aimais – Leonardo DiCaprio par exemple –, je me mettais à regarder tous ses films. Mes goûts ont changé depuis, mais il est vrai que mon rôle dans Les rois mongols a confirmé quelque chose. C’est là que j’ai su ce que je voulais faire dans la vie.

Henri Picard

« Aujourd’hui, je me dis toujours que tout peut s’arrêter demain et je profite bien de chaque instant. En même temps, je ne me presse pas et j’essaie de faire de bons choix. Mais ce qui se passe actuellement pour moi va au-delà de mes attentes. »

PHOTO FOURNIE PAR IMMINA FILMS

Henri Picard dans une scène du film Le plongeur

Vu dans de nombreuses séries dramatiques depuis trois ans (Jenny, Toute la vie, Chaos, Cerebrum et STAT, pour ne nommer que celles-là), Henri Picard est aujourd’hui, pour la première fois, la tête d’affiche d’un long métrage, et pas le moindre. Le plongeur est en effet l’adaptation cinématographique du célèbre roman autobiographique de Stéphane Larue. Réalisé par Francis Leclerc (Pieds nus dans l’aube, L’arracheuse de temps), qui a coécrit le scénario de son film avec Éric K. Boulianne (Menteur, Viking), ce long métrage – très attendu – relate le parcours d’un jeune homme de 19 ans, grand admirateur de heavy metal, qui, au début des années 2000, tente de mettre un peu d’ordre dans sa vie marquée par une dépendance maladive au jeu en acceptant un emploi de plongeur dans un restaurant branché.

La clé du personnage

Francis Leclerc, particulièrement impressionné par le jeu de Henri Picard dans Mafia inc. (Daniel Grou-Podz), où il incarnait le personnage de Marc-André Grondin plus jeune, avait déjà rencontré l’acteur une première fois en audition il y a quelques années, mais ce dernier était alors trop jeune pour le rôle. Le projet ayant été retardé, Henri a pu tenter sa chance de nouveau en 2021.

« Quand Henri est revenu, il avait le bon âge et il a été complètement convaincant, explique Francis Leclerc. Il s’était préparé avec toutes les répliques d’une scène où, tout en apprenant à plonger, le personnage ment constamment avec un grand sourire, un charisme fou et une confiance inébranlable. Henri avait compris qu’en arrivant avec cette attitude-là, le spectateur pourrait identifier ses mensonges parce qu’en voix hors champ, le personnage affirme tout le contraire de ce qu’il dit. C’est la clé de ce personnage et Henri l’a trouvée tout de suite, de lui-même. »

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Pour s’assurer que son personnage ait le geste juste, Henri Picard s’est entraîné dans une cuisine de restaurant.

Pour l’acteur, la lecture du roman a constitué l’étape principale d’une préparation pour laquelle un apprentissage pratique dans une cuisine de restaurant fut également nécessaire. Il s’est aussi mis dans l’ambiance en écoutant du metal. Beaucoup de metal. À cet égard, la trame musicale du film, très riche et constituée de pièces signées des plus grands noms du domaine, occupe une place très importante dans le récit.

Le roman étant écrit au je, j’ai vraiment pu entrer dans la tête du personnage. J’ai pu avoir accès à son intériorité, son univers. Dans un scénario, on décrit habituellement ce qui se passe à l’écran, mais pas vraiment les émotions.

Henri Picard

« J’ai aussi écouté du metal – presque ça uniquement – en marchant dehors dans le froid, comme le fait le personnage. J’avais déjà fait de la plonge pendant un été, mais je me suis remis dedans pour retrouver les gestes. C’est très particulier comme environnement. Les gens se crient après en cuisine, mais les clients n’en savent rien, même si ça se passe juste à côté ! »

Des références

Francis Leclerc a notamment suggéré à l’acteur de voir ou revoir quelques longs métrages phares des années 1970 et 1980, américains pour la plupart, mais aussi C. R. A. Z. Y., de Jean-Marc Vallée.

« Il a vraiment pris le temps de m’expliquer ce qu’il voulait faire, avec beaucoup de références cinématographiques », ajoute celui qui, en 2019, fut cité au Gala Québec Cinéma dans la catégorie du meilleur acteur de soutien grâce à sa performance dans À tous ceux qui ne me lisent pas (Yan Giroux). « Francis m’a conseillé une vingtaine de films où l’éclairage et l’environnement sont un peu trash. J’ai vu Serpico [Sidney Lumet], Meanstreets et Goodfellas de Scorsese. Et aussi Donnie Darko [Richard Kelly]. Ce film-là m’a vraiment aidé parce que l’histoire tourne autour d’un gars de 20 ans, un peu perdu, un peu la tête dans les nuages. C. R. A. Z. Y., c’est aussi l’histoire d’un gars du même âge. »

PHOTIO FOURNIE PAR IMMINA FILMS

Madani Tall et Henri Picard dans Le plongeur

Bien que sa carrière soit encore très jeune, Henri Picard estime que son rôle dans Le plongeur lui restera probablement chevillé au cœur longtemps.

« Je trouvais des correspondances entre Stéphane et moi. Il est timide et je le suis aussi. Il a une intériorité instinctive qui ressemble à la mienne. Même s’il a recours au mensonge, on sent que ce personnage – malade – est quand même animé de bonnes intentions et qu’il a du courage. C’est d’abord ce qui me touche chez lui. »

Le plongeur ouvrira les 41es Rendez-vous Québec Cinéma le 22 février. Il prendra l’affiche partout au Québec le 24 février.