(Paris) Dans la nouvelle mouture d’une comédie de Francis Veber passée à l’histoire, Jamel Debbouze et Daniel Auteuil reprennent les rôles créés par Pierre Richard et Michel Bouquet. Sous la gouverne du réalisateur de Brice de Nice, James Huth, Le nouveau jouet trouve, plus de 45 ans après la sortie du film original, une nouvelle pertinence. Entretien.

Quand le producteur Richard Grandpierre lui a proposé d’écrire et de réaliser une nouvelle version de la comédie Le jouet, James Huth a d’abord eu la même réaction que celle qu’ont habituellement tous ceux à qui l’on demande de revisiter un grand classique. Pourquoi refaire, 45 ans plus tard, un film déjà bien inscrit dans l’imaginaire collectif, lequel a marqué l’enfance de générations de spectateurs, y compris celle du cinéaste ?

« Je lui ai répondu qu’il était complètement fou ! », confie-t-il au cours d’une interview accordée à La Presse lors des Rendez-vous du cinéma français d’Unifrance, tenus récemment à Paris. « Richard m’a cependant demandé de revoir quand même le film original de Francis Veber. En regardant cette comédie-culte avec mes yeux d’adulte, j’ai pu réaliser à quel point le propos était dur.

Le jouet est une satire vitriolique de la société. Il s’agit probablement du film le plus fort de Veber.

James Huth, réalisateur

Totalement actuel

James Huth, qui menait une brillante carrière de chirurgien-dentiste avant de tout laisser tomber pour se lancer dans le cinéma – « On n’a qu’une vie à vivre ! », dit-il –, devait néanmoins trouver un espace dans le récit original pour y insérer une nouvelle dimension. Et faire de ce « nouveau » Jouet une œuvre totalement actuelle. Ainsi, les rapports entre ce garçon (Simon Faliu) de 12 ans et son père (Daniel Auteuil), l’homme le plus riche de France, sont plus finement explorés à partir de ce moment troublant où, le jour de son anniversaire, le fils choisit comme cadeau Sami (Jamel Debbouze), le gardien du grand magasin appartenant à son père. Et fait de lui son jouet...

« Les thèmes abordés dans cette histoire sont encore plus pertinents aujourd’hui qu’ils ne l’étaient à l’époque, soutient celui qui, grâce à Brice de Nice, s’est vite imposé dans le domaine de la comédie au cinéma. Est-ce que l’argent peut tout acheter dans une société où la fracture sociale entre les riches et les pauvres s’accentue constamment ? Au moment où Francis Veber a écrit son film, on ne parlait pas encore non plus de la notion d’enfant-roi. En abordant la même histoire sous un autre angle, plus contemporain, j’y ai trouvé une raison d’être. »

PHOTO CHRISTINE TAMALET, FOURNIE PAR LES FILMS OPALE

Jamel Debbouze, Simon Faliu et Daniel Auteuil dans Le nouveau jouet

Daniel Auteuil fut d’abord pressenti pour jouer le rôle d’un veuf immensément riche et puissant, qui ne sait trop comment gérer les rapports avec son jeune fils. L’acteur a proposé Jamel Debbouze, avec qui il souhaitait travailler depuis longtemps, pour camper le rôle du « jouet », créé à l’époque par Pierre Richard.

« Jamel ayant grandi dans une cité, il pouvait se baser sur ses souvenirs d’enfance pour donner profondeur et vérité à la vie de famille que mène son personnage, explique James Huth. Nous tenions à montrer la banlieue avec ce qu’elle a aussi de beau, avec ses valeurs d’entraide, de solidarité, d’humanité. Les mots de Sami sont ceux de Jamel. C’est la première fois qu’il assume ce genre de rôle. On voit dans ce film à quel point Jamel est incroyable et comment il peut vraiment tout jouer. Son potentiel d’émotion est dingue. »

Les coudées franches

Pour développer cette nouvelle mouture du Jouet, qui a notamment fait l’objet d’une version américaine en 1982 (avec Richard Pryor et Jackie Gleason), James Huth et Sonia Shillito, sa fidèle collaboratrice, ont eu les coudées franches, dans la mesure où Francis Veber n’a été impliqué d’aucune façon dans le projet. L’auteur de La chèvre et du Dîner de cons a cependant eu l’occasion de voir Le nouveau jouet une fois le long métrage terminé.

Nous étions dans nos petits souliers parce que Francis [Veber] peut parfois avoir la dent très dure. Mais notre film lui a vraiment plu. Il a dit : “J’ai fait un arbre, ils en ont fait un arbre de Noël.”

James Huth, réalisateur

« C’était quand même sympa, car le dernier compliment qu’il a fait à quelqu’un remonte à 1989, je crois, rappelle le cinéaste en riant. Sérieusement, avec Michel Audiard, Francis est le plus grand scénariste français. Ces deux-là trônent vraiment au sommet. »

PHOTO CHRISTINE TAMALET, FOURNIE PAR LES FILMS OPALE

James Huth et Jamel Debbouze sur le plateau du film Le nouveau jouet, inspiré du long métrage écrit et réalisé par Francis Veber en 1976

Révélé en 1998 grâce à Serial Lover, son premier long métrage, James Huth est par ailleurs l’un des rares réalisateurs dont la filmographie est essentiellement composée de comédies.

« J’ai voulu faire un polar après Brice de Nice, mais on m’a fait comprendre que le film avait trop bien marché, que je devais poursuivre dans la veine comique. Cela dit, si je dois être cantonné dans un seul registre, la comédie me convient très bien. Ayant moi-même un passé en médecine et ayant beaucoup fréquenté les services d’urgence, je sais qu’une journée où l’on rit en est une de sauvée. Comme je n’ai pas d’égo, je n’ai aucun problème non plus à évoluer dans la partie du cinéma la moins reconnue, même si la comédie est le genre le plus difficile à faire. »

Le nouveau jouet prendra l’affiche le 24 février.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.