Au cours de la dernière année, Nadia Tereszkiewicz a été la tête d’affiche de pas moins de cinq longs métrages. Récente lauréate du César du meilleur espoir féminin, la jeune actrice française, qu’on a notamment pu voir dans Babysitter, de Monia Chokri, tient aujourd’hui la vedette dans la comédie d’époque Mon crime, de François Ozon. Entretien.

Monia Chokri l’avait repérée dans Seules les bêtes, un film de Dominik Moll qu’elle a tourné un an après Sauvages, le film de Dennis Berry dans lequel elle a tenu son premier « vrai » rôle au cinéma. Nadia Tereszkiewicz s’est ainsi retrouvée sur le plateau de Babysitter à jouer le rôle-titre de cette adaptation cinématographique de la pièce de Catherine Léger, qu’a signée la réalisatrice de La femme de mon frère. Pour l’actrice française, le souvenir de ce tournage à Montréal reste encore très vif.

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Nadia Tereszkiewicz garde encore un souvenir très vif du tournage de Babysitter, de Monia Chokri, auprès de sa « famille » montréalaise.

« Quand nous nous sommes rencontrées une première fois, Monia et moi, ce fut tellement passionnant que j’en ai oublié que c’était une audition ! raconte Nadia Tereszkiewicz en visioconférence. Monia est immensément drôle et j’ai adoré sa manière bienveillante de diriger, la façon qu’elle a de nous faire entrer dans sa fantaisie. »

Et puis, j’ai eu une chance folle de jouer avec elle [Monia Chokri], mais aussi avec Patrick Hivon, Steve Laplante et Hubert Proulx. Jamais je n’oublierai la leçon de comédie et d’humilité qu’ils m’ont donnée.

Nadia Tereszkiewicz, actrice

Un déclic intérieur

Dans Les Amandiers, un film dans lequel Valeria Bruni Tedeschi nous ramène à l’époque de ses années de formation avec Patrice Chéreau à l’école du théâtre des Amandiers à Nanterre, Nadia Tereszkiewicz s’est glissée dans la peau de l’alter ego de la cinéaste. Au-delà du César du meilleur espoir féminin qu’elle a obtenu grâce à sa performance, ce long métrage, entaché par des allégations d’inconduite sexuelle visant l’acteur Sofiane Bennacer (révélées après la sortie du film en France), fut important au point où l’actrice estime qu’il y a pour elle un « avant » et un « après » Les Amandiers.

« Valeria m’a guidée vers un endroit où j’ai pu me laisser déstabiliser dans le jeu. Elle m’a poussée à me questionner sur la nécessité de jouer, ce qui est l’enjeu au cœur du film, en fait. Je me suis laissé envahir par des émotions que je ne connaissais pas, comme si un déclic intérieur s’était fait. J’ai l’impression que toute la réflexion découlant de cette mise en abyme m’a permis d’affirmer que jouer pouvait vraiment être mon métier. »

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Nadia Tereszkiewicz a obtenu récemment le César du meilleur espoir féminin grâce à sa performance dans Les Amandiers, film de Valeria Bruni Tedeschi.

À 26 ans, Nadia Tereszkiewicz est aujourd’hui l’une des actrices les plus sollicitées du cinéma français, mais rien ne l’y prédestinait. Née en France d’une mère finlandaise et d’un père français d’origine polonaise, la jeune femme fut d’abord danseuse. Pendant 15 ans de sa vie, elle a pratiqué son art, y consacrant tous les jours plusieurs heures d’entraînement.

« Je suis même allée à l’École nationale de ballet du Canada à Toronto pendant un été, rappelle-t-elle. C’est d’ailleurs là que je me suis rendu compte que c’était trop dur, que je n’y arriverais pas. Je pense que j’étais artistiquement un peu brisée parce que je ne suis pas allée au bout de la danse. J’avais le sentiment d’être bloquée et je suis allée étudier en littérature, mon autre passion. J’ai fait trois ans de lettres à Paris pendant lesquels je suis beaucoup allée au théâtre et j’ai commencé à passer des concours en cachette. Le théâtre m’a révélé qu’avec le corps, les mots et la scène, ma créativité était à son maximum. »

François Ozon, favori depuis… toujours !

Même si elle a vu beaucoup de films en compagnie de son père cinéphile pendant son enfance, Nadia Tereszkiewicz n’avait jusqu’alors jamais entretenu le désir de devenir comédienne un jour.

« J’étais plutôt attirée par la lecture, précise-t-elle. Quand nous allions à la médiathèque, mon père prenait les films et moi je prenais les livres. Ma cinéphilie est venue plus tard, quand j’ai commencé à faire du cinéma. »

Dennis Berry [Sauvages], qui était marié à Anna Karina, m’a donné à voir tous les films de John Cassavetes et tous ceux de la Nouvelle Vague. Aujourd’hui, j’essaie de rattraper tout ce que je peux.

Nadia Tereszkiewicz, actrice

« En fait, ma cinéphilie découle de chaque film que je prépare, ajoute-t-elle. Pour Babysitter, Monia [Chokri] m’avait d’ailleurs donné une liste de films à voir. Même chose avec Mon crime, où j’ai regardé beaucoup de comédies des années 1930. »

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François Ozon, entouré de Rebecca Marder et de Nadia Tereszkiewicz, les deux vedettes de son film Mon crime

Juste retour des choses, François Ozon a toujours fait partie des cinéastes favoris de l’actrice et de son père. Dans cette comédie féministe que le réalisateur de Peter von Kant a tirée d’une pièce de théâtre oubliée de Georges Berr et de Louis Verneuil, Nadia Tereszkiewicz incarne une apprentie actrice fauchée, accusée du meurtre d’un célèbre producteur.

« François est mon cinéaste préféré depuis que je suis toute petite ! s’exclame l’actrice. Ma sœur et moi avons beaucoup dansé en regardant 8 femmes. À 15 ans, à une époque où j’habitais dans le sud de la France, j’avais pris un bus pour aller voir Dans la maison. Dès qu’un nouveau Ozon sortait, nous allions le voir en famille au cinéma. Il y a quelque chose de très beau et de symbolique dans le fait que François m’ait confié ce rôle dans Mon crime. J’en suis très honorée. »

En plus de Rebecca Marder, qui campe sa fidèle complice, Mon crime met en vedette une constellation d’étoiles du cinéma français, notamment Isabelle Huppert, Fabrice Luchini, André Dussollier et Dany Boon.

« Tous ces grands acteurs sont venus en toute humilité servir le film et leur complicité avec François était belle à voir. François crée un esprit de troupe dans lequel on peut s’intégrer facilement. Au début, il peut être intimidant d’être entourés d’aussi grandes vedettes, mais très vite, on est dans le travail. »

Celle qui sera bientôt de L’île rouge, le prochain film de Robin Campillo (que la rumeur enverrait peut-être au Festival de Cannes), est maintenant en appétit pour tourner à l’étranger. Maîtrisant le finnois et l’italien, Nadia Tereszkiewicz rêve surtout d’un cinéma nordique. Juho Kuosmanen (Compartiment no 6) figurerait en tête de sa liste rêvée, tout comme Thomas Vinterberg, Joachim Trier ou Lars von Trier.

« Et puis, j’aimerais bien venir tourner de nouveau au Québec et retrouver ma famille montréalaise, dit-elle. Il est temps que je revienne ! »

Mon crime prendra l’affiche le 7 avril.