À l’occasion de la sortie de L’origine du mal, thriller français coproduit avec le Québec dans lequel Suzanne Clément tient un rôle étonnant, nous faisons le point avec une actrice qui, après plusieurs années d’une carrière européenne florissante, a décidé de rentrer à la maison. Et de jouer dans une série quotidienne qui la ravit.

Le rôle que tient Suzanne Clément dans L’origine du mal est très important. Ne cherchez pourtant pas le visage de l’actrice québécoise sur l’affiche, ni même dans les photos fournies aux médias par la production. À part le fait que la comédienne joue dans ce thriller de Sébastien Marnier l’amoureuse de la protagoniste, on ne peut à peu près rien dévoiler d’autre à propos de son personnage.

« C’est très étrange, car j’ai l’impression de vivre un peu avec la sortie du film ce que le personnage vit dans l’histoire, comme quelqu’un qu’on dépossède et qu’on veut oublier ! », lance Suzanne Clément en riant au cours d’un entretien accordé à La Presse. « On m’a bien dit que je serais probablement absente de l’affiche et de la bande-annonce, et je le comprends tout à fait. Et puis, il faut parfois apprendre à lâcher prise dans ce métier. »

Avec ses deux premiers longs métrages, Irréprochable et L’heure de la sortie, Sébastien Marnier affichait déjà son goût pour les histoires inquiétantes, puisées à même les aspects les plus sombres de l’âme humaine. Il poursuit dans cette veine, cette fois sur un ton en apparence plus solaire, qui n’en cache pas moins de sombres aspects dans la vie d’une famille bourgeoise.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Suzanne Clément

De Jodie Foster à Viggo Mortensen

Laure Calamy y joue le rôle d’une modeste ouvrière dans une poissonnerie, qui reprend contact avec son père biologique (Jacques Weber), ce dernier étant à la tête d’une famille aussi riche que bizarre. Suzanne Clément, à qui le cinéaste a sciemment voulu donner le look qu’avait Jodie Foster dans The Silence of the Lambs, incarne une femme qui peut être saisie de bouffées de colère effroyables. Lors de l’une des scènes les plus marquantes du long métrage, elle s’engage en outre dans un combat extrêmement violent dans une douche, complètement nue, un peu de la même manière que l’a fait Viggo Mortensen dans Eastern Promises (Les promesses de l’ombre).

PHOTO FOURNIE PAR MAISON 4:3

Céleste Brunnquell, Laure Calamy, Véronique Ruggia Saura, Dominique Blanc, Doria Tillier et Jacques Weber dans L’origine du mal, film de Sébastien Marnier

« Dès que Sébastien me l’a proposé, j’ai dit oui, je veux faire ça, indique celle dont la pratique du sport a toujours fait partie de l’hygiène de vie. Après viennent les doutes et les peurs, mais le défi est tellement grand et inusité qu’il en devient irrésistible. Et puis, il y a quelque chose de très européen, mais aussi d’américain, dans son cinéma. J’aime ce mélange. »

Au cours de son passage au festival Cinemania, le cinéaste a confirmé à La Presse le caractère parfaitement assumé de cette fameuse scène de combat dans la douche, directement inspirée du film de David Cronenberg.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Pour son film L’origine du mal, Sébastien Marnier a offert à Suzanne Clément un rôle excitant, mais qui fait aussi peur.

« Cette séquence a été très difficile à réaliser, car les actrices n’avaient aucune protection, a-t-il expliqué. Il a fallu que tout soit très réglé, très chorégraphié, très répété. Au premier montage, la scène était beaucoup plus longue que celle qu’on voit maintenant, mais je l’ai réduite parce que ça créait un certain déséquilibre dans l’histoire. »

Suzanne est une actrice que j’aime profondément. Je pressentais chez elle quelque chose de peut-être plus violent, en tout cas de plus raide que ce qu’on a pu voir d’elle auparavant. Toute la distribution a été construite autour de Laure Calamy, et j’ai essayé d’imaginer qui pouvait former un beau couple avec elle.

Sébastien Marnier, à propos de Suzanne Clément dans le film L’origine du mal

Le retour

À l’époque où L’origine du mal a été conçu, Suzanne Clément vivait toujours à Paris. Depuis, bien des choses ont changé. Après une dizaine d’années d’une carrière européenne fructueuse, celle dont la performance dans Laurence Anyways, de Xavier Dolan, lui a valu le prix d’interprétation de la section Un certain regard au Festival de Cannes a choisi de replier bagage et de rentrer au Québec. Pour toutes sortes de raisons, y compris familiales.

« Mes années en France ont été une grande épopée, confie-t-elle. Partir vivre à l’étranger pour y travailler est à la fois déstabilisant et euphorisant. Ce déséquilibre est formidable sur le plan de la formation, mais le fait est que dans le quotidien, tout est à réapprendre. Et puis, j’étais loin de ma famille, mon père est décédé la veille de ma première répétition avec Laure Calamy. C’est comme si tout mon être avait soudainement eu besoin de stabilité, de retrouver ses marques. Quand on m’a offert STAT, j’ai eu peur, mais je me suis dit qu’il était temps de faire ce genre de grand plongeon. »

PHOTO ÉRIC MYRE, ARCHIVES RADIO-CANADA

Suzanne Clément dans STAT

Tourner dans une émission quotidienne comme STAT, où elle tient le rôle de l’urgentologue Emmanuelle St-Cyr, comporte bien entendu ses exigences, mais Suzanne Clément ne renonce pas à des projets de cinéma pour autant. Au cours de l’automne, elle s’est d’ailleurs rendue à Toronto pendant les fins de semaine pour donner la réplique à Richard Gere dans Longing, un remake du long métrage israélien du même titre que réalise Savi Gabizon, à qui l’on doit le long métrage original.

« En plus, ce sont de belles grosses scènes d’émotion, très longues, que j’ai eu à jouer avec Richard Gere, et nous les avons répétées un peu comme au théâtre. C’était formidable. Il y joue un homme qui découvre que son amoureuse d’il y a 20 ans, que j’interprète, a donné naissance à un fils dont il ignore l’existence. »

Si les astres s’alignent bien, l’actrice pourrait également gagner en avril prochain, après les tournages de STAT, le plateau d’un film qu’Anne Fontaine (Les innocentes, Marvin ou la belle éducation) compte réaliser sur la vie de Maurice Ravel. Elle y jouerait le rôle de la mère du compositeur. Au fait, quel bilan tire Suzanne Clément de son expérience au moment où les deux tiers des épisodes de la première saison de STAT sont en boîte ?

« Je ne veux pas me faire peur, mais honnêtement, ce rythme particulier plaît beaucoup à ma nature sportive, dit-elle. Peut-être suis-je encore dans ma lune de miel, mais sur le plan créatif, il y a beaucoup à faire et à donner, beaucoup de choses avec lesquelles on peut s’amuser, c’est très riche. Les partenaires de jeu sont formidables, mais nous sommes aussi nourris par tous ces acteurs qui ont des rôles épisodiques. Parfois, c’est étonnant de constater l’espèce de musique qui sort de tout cet orchestre. C’est quelque chose d’assez exceptionnel, et j’y prends vraiment beaucoup de plaisir. »

L’origine du mal prend l’affiche le 13 janvier. STAT est diffusée du lundi au jeudi à 19 h sur Ici Radio-Canada Télé.