Lorsqu’un film reçoit un traitement promotionnel comme celui dont a profité le Barbie de Greta Gerwig, ces derniers mois, on prend le risque de susciter des attentes impossibles à satisfaire. Avant même sa sortie, Barbie était déjà qualifié de grand film féministe.

Pourtant, il était quasiment impossible, malgré un battage publicitaire des plus excessifs, de savoir vraiment de quoi serait fait ce long métrage, mettant en vedette Margot Robbie et Ryan Gosling, dans les rôles de Barbie et de Ken. Le sceau féministe lui a été accolé en grande partie en raison de la cinéaste, qui nous a notamment donné Lady Bird et Little Women.

À l’importante question « Barbie peut-elle être une figure féministe ? », nous répondons oui, après avoir visionné le long métrage de Gerwig. À l’autre importante question « Est-ce qu’il s’agit d’un bon film ? », la réponse est bien heureusement toujours la même.

Très tôt, la réalisatrice met en lumière la contradiction que représente Barbie. Car son film ne cherche pas à fuir les reproches bien fondés que l’on peut adresser à la poupée créée dans les années 1950 (ou du moins à ses créateurs). Tout en acceptant le fait que Barbie a plusieurs faiblesses, notamment ses proportions corporelles irréalistes, on en fait bel et bien une icône féministe dans ce film.

Et tout ce que représente Barbie dans ce long métrage est impeccablement rendu grâce au jeu de Margot Robbie. L’Australienne crève l’écran. Surtout, elle rend très attachante cette Barbie, aussi complexe qu’elle est en apparence superficielle, et confère finalement une grande sensibilité à son personnage de plastique.

In a Barbie World

Après une prodigieuse scène inspirée de 2001 : l’odyssée de l’espace, où des jeunes filles renoncent à leurs poupées-bébés (qui les forcent à prendre le rôle de « mamans ») en découvrant la Barbie (une poupée-femme qui exerce une panoplie de métiers), le film se développe dans le fantastique Barbie Land.

« Grâce à Barbie, tous les problèmes concernant le féminisme et l’égalité des genres ont été réglés », affirme la narratrice (Helen Mirren, que l’on entendra à quelques moments clés du film) dans la scène d’ouverture, non sans sarcasme. « Du moins, c’est ce qu’ils pensent à Barbie Land. »

PHOTO FOURNIE PAR WARNER BROS. PICTURES

Margot Robbie et Ryan Gosling dans une scène de Barbie

Là-bas, tout est parfait. La Barbie de Margot Robbie, Barbie stéréotypée (!), vit dans sa maison sans mur de façade, se brosse les cheveux sans y toucher, se douche sans eau, porte toujours des talons hauts et, même sans chaussures, marche sur la pointe des pieds.

À Barbie Land, on trouve la Barbie présidente (Issa Rae), la Barbie médecin (Hari Nef), la Barbie physicienne (Emma Mackey)... Il y a aussi les Ken, dont celui qui vient avec la Barbie stéréotypique, joué par Ryan Gosling. Les Ken (dont Kingsley Ben-Adir, Simu Liu, Scott Evans) sont plutôt inutiles. Ils n’ont aucune réelle fonction, aucun talent et aucun pouvoir dans cette société.

L’univers des Barbie imaginé par Gerwig est tout simplement fantastique. L’esthétique est splendide, tout est beau, lisse... et rose ! L’ingénieuse attention aux détails en fait la grande force.

On éclate souvent de rire en découvrant comment la réalisatrice (aidée pour le scénario par son compagnon Noah Baumbach) a rendu à l’écran ce monde qui n’existe que dans l’imagination de millions d’enfants.

Les désillusions de Barbie

Alors, de quoi parle Barbie ? Un soir de fête (tous les soirs sont des soirs de fête, puis des soirées pyjama, à Barbie Land), Barbie stéréotypée demande aux autres Barbie et Ken s’il leur arrive de penser à la mort. Le lendemain, les choses s’aggravent : son lait inexistant est expiré, sa douche sans eau est froide, sa peau n’est plus parfaite, mais surtout, ô malheur ! ses pieds sont devenus plats !

Avec l’aide du savoureux personnage de la Barbie bizarre (géniale Kate McKinnon), elle décide de se rendre dans le vrai monde pour comprendre ce qui cause tous ces problèmes. C’est l’enfant qui joue avec elle qui est à la base des dysfonctionnements, lui explique-t-on. Et parce qu’il est profondément codépendant, Ken s’incruste dans le périple.

C’est une fois à Los Angeles, dans la vraie vie, que la critique féministe de Greta Gerwig se fait le mieux entendre, même si elle n’a vraiment rien de révolutionnaire. Là, Barbie découvre qu’elle est considérée comme un objet par les hommes et que ces derniers mènent le monde. Avec beaucoup de clichés, qui n’ont toutefois rien d’irréaliste, on nous dépeint la désillusion de Barbie face à une société où être femme rend la vie plus difficile.

Ken, de son côté, découvre le patriarcat. Ce qui aura (bien évidemment) de désastreuses conséquences.

Barbie traverse sa crise existentielle avec une adolescente Sasha (Ariana Greenblatt), qui, avant, adorait les Barbie et maintenant les répudie, ainsi que sa mère, Gloria (America Ferrera).

On ouvre tout un tableau très intéressant dans le second tiers du film, où l’humanité de Gloria et la perfection illusoire de Barbie se confrontent, tandis que leurs ambitions profondes sont les mêmes.

Elle est Barbie. Il est juste Ken… et beaucoup trop présent.

Ken, dans le film, se sent opprimé dans un monde où il n’a pas son mot à dire. Ken, ensuite, se sert de ses apprentissages sur la masculinité toxique dans le monde des humains pour renverser l’ordre des choses à Barbie Land. Ken, finalement, se fait prendre en pitié et pardonner, n’ayant été cruel que parce qu’il était blessé (permettez-nous ici de lever les yeux au ciel).

Ken, tout compte fait, prend beaucoup (trop) de place dans ce film intitulé Barbie. C’est là le plus grand reproche que nous faisons à ce film autrement hautement divertissant, plein d’esprit et très drôle.

La dernière phrase du film, prononcée par Barbie, que nous ne répéterons pas ici (il faudra voir le film !), encapsule bien l’esprit de Greta Gerwig, ainsi que l’intention de son long métrage. Cette phrase nous a même réconciliée avec les derniers instants du film, que nous avons moins aimés. Disons seulement que cette finale est du pur bonbon (rose).

En salle

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Barbie

Comédie

Barbie

Greta Gerwig

Avec Margot Robbie, Ryan Gosling, America Ferrera

1 h 54

8/10