De la tigresse à la nounou en passant par la bitch, 21 voix témoignent des stéréotypes dont sont victimes les femmes noires.

« Tigresse », « panthère », « féline », mais « oh, mais t’es éloquente » ! Le mythe de la femme noire, en salle pile pour le Mois de l’histoire des Noirs, met le doigt sur un phénomène méconnu et visiblement répandu : le sexisme racisé.

Accrochez-vous, ce n’est pas gai.

On connaît les stéréotypes dont sont victimes les femmes en général. Alors, imaginez les femmes noires. Doublement ciblées, doublement stéréotypées. Non, ça ne vole pas haut.

« Je te trouve très jolie pour une femme noire », « vous enseignez les sciences infirmières ? », sans oublier tous les adjectifs accolés à leur peau de soi-disant « chocolat », pourquoi pas « caramel beurre salé », pendant qu’on y est. C’en serait risible si ça n’était pas aussi enrageant.

Ayana O’Shun, la réalisatrice, s’est d’ailleurs fait remarquer l’automne dernier aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal avec son film, qui lui a valu le prix Magnus-Isacsson (remis à un réalisateur émergent pour un film témoignant d’une conscience sociale).

Pour cause. Armée de 21 témoignages (tous si éloquents que ça en devient paradoxalement redondant à la longue), parmi lesquels Diane Gistal (commissaire d’exposition, la « jolie pour une femme noire » plus haut), Agnès Berthelot-Raffard (professeure de philosophie à l’Université York, et non de sciences infirmières, merci) et la rappeuse Sarahmée, venue ici témoigner que oui, on peut faire du rap sans se dénuder, qu’on se le dise.

Remontant aux sources colonialistes du problème, avec des images de films, d’affiches et d’autre matériel historique à l’appui, la réalisatrice développe trois grands stéréotypes : le mythe de Jézabel (ou de la femme hypersexuée) qui occupe la plus grande partie du film, le mythe de la nounou ou de la mamie, ainsi que celui de la femme noire en colère (ou bitch), quoique plus brièvement.

Des crèmes éclaircissantes au sens politique des cheveux en passant par le twerking (non, toutes les femmes noires ne twerkent pas !), sans oublier un sujet qui arrive à la toute fin, la fragile santé mentale et le suicide, elle ratisse ici très large, quoique sans jamais donner la parole aux hommes.

Si la forme est classique et ne réinvente pas le genre, saluons le montage, qui superpose habilement et avec conviction les témoignages, un peu longuets, on l’a dit, mais non moins puissants.

On sort de ce film un peu sonné, mais avec une certaine dose d’espoir que le message fasse son chemin. Qu’on passe à autre chose un jour, enfin.

En salle

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Le mythe de la femme noire

Documentaire

Le mythe de la femme noire

Ayana O’Shun

En salle

1 h 34

7/10