(Berlin) Isabelle Huppert est apparue lundi après-midi en conférence de presse à l’hôtel Hyatt de Berlin en tailleur noir, lundi soir sur la scène du Zoo Palast en robe de dentelle noire, puis quelques heures plus tard à l’autre bout de la ville, au Berlinale Palast, dans une robe lamée verte. J’ai porté le même t-shirt de la Maison de l’aspirateur du matin au soir. Quand on n’est pas une star…

L’actrice française était de passage dans la capitale allemande pour présenter deux films : Les gens d’à côté, d’André Téchiné, dans la section Panorama et A Traveler’s Needs, de Hong Sang-soo, en compétition. Deux films de cinéastes réputés diamétralement opposés et deux rôles aux antipodes l’un de l’autre.

« André Téchiné ne prend pas l’avion, mais c’est un grand réalisateur ! Je suis heureuse de le retrouver après toutes ces années », a dit au public du Zoo Palast Isabelle Huppert afin d’expliquer l’absence à Berlin de Téchiné, avec qui elle a tourné en 1979 Les sœurs Brontë. Elle a ajouté être ravie de se retrouver à la Berlinale, deux ans après un Ours d’or honorifique qu’elle a reçu in absentia.

PHOTO ROGER ARPAJOU, FOURNIE PAR LE FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE BERLIN

Isabelle Huppert dans Les gens d’à côté

Dans Les gens d’à côté, Isabelle Huppert incarne une policière de retour d’un congé de maladie de près d’un an. Elle se remet de la mort par suicide de son amoureux Slimane, lui aussi policier, et fraternise avec de nouveaux voisins, un couple et sa fillette. Très vite, elle constate que le père est un militant d’extrême gauche qui méprise la police et a déjà fait de la prison. Ce qui la confronte à certains dilemmes.

On ne peut pas dire que le plus récent film du cinéaste de Rendez-vous et des Roseaux sauvages – qui continue de tourner à un rythme soutenu, malgré ses 80 ans – compte parmi ses plus réussis. Le jeu inspiré d’Hafsia Herzi, toujours étonnante, n’arrive pas à sauver de la banalité ce scénario bancal et prévisible, aux dialogues à thèse trop peu crédibles (comme du reste Isabelle Huppert en agente de la police judiciaire).

J’ai préféré Isabelle Huppert dans le rôle d’une touriste française énigmatique et séductrice évanescente en Corée du Sud dans A Traveler’s Needs, de Hong Sang-soo. On ne sait rien du passé de son personnage d’Iris et on ne saura pas grand-chose de son présent. Elle est à Séoul sans le sou, boit de l’alcool de riz comme de l’eau pétillante et donne des cours de français selon une méthode atypique de son cru qu’elle a développée depuis peu.

PHOTO JEONWONSA FILM CO., FOURNIE PAR LE FESTIVAL DU FILM DE BERLIN

Isabelle Huppert et Kim Seungyun dans A Traveler’s Needs

« C’est une sorte de déclaration très philosophique sur ce que cela signifie d’être en vie, ce que cela signifie d’être un être humain, ce que cela signifie d’être seul et ce que cela signifie d’être ensemble », a résumé en conférence de presse, lundi après-midi, Isabelle Huppert.

On retrouve dans cet essai cinématographique tourné en anglais avec les moyens du bord, la signature minimaliste singulière du prolifique Hong Sang-soo. Le cinéaste coréen, un habitué de la Berlinale, offre une nouvelle fois à Isabelle Huppert (qu’il retrouve dans un troisième film) une partition décalée, faite cette fois de répétitions de dialogues et de clins d’œil insistants. C’est étrange et original, comique et aride tout à la fois. Une pierre extravagante dans la filmographie riche et toujours étonnante de l’une des plus grandes actrices du cinéma.

L’éducation sentimentale franco-allemande

Dans Langue étrangère, présenté en compétition, Fanny (Lilith Grasmug), 17 ans, une élève timide de Strasbourg, fait un échange linguistique à Leipzig, chez sa correspondante Lena (Josefa Heinsius), une militante de gauche aux airs de jeune Catherine Dorion. Fanny s’émancipe lors de ce court séjour en Allemagne, mais le retour est brutal en France, où elle est victime d’intimidation et a des rapports tendus avec ses parents. C’est dans ce contexte que Lena débarque chez elle. On comprend vite que Fanny a une propension à s’inventer une vie et qu’elle sera rattrapée par ses mensonges.

PHOTO LES FILMS DE PIERRE, FOURNIE PAR LE FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE BERLIN

Lilith Grasmug et Josefa Heinsius dans Langue étrangère

La cinéaste française Claire Burger, Caméra d’or à Cannes en 2014 pour Party Girl, filme avec pudeur et inspiration l’éducation sentimentale de deux jeunes filles en fleurs. Langue étrangère est un récit d’apprentissage en deux temps et deux endroits, qui alterne entre les frustrations familiales adolescentes et l’euphorie de la découverte amoureuse, sur fond de musique électroclash et de mush enrobé de chocolat. Claire Burger installe une ambiance captivante, mais son scénario manque de subtilité. Ce film que l’on a l’impression d’avoir vu plusieurs fois, sous différentes déclinaisons, finit malheureusement par tourner à vide.

Les frais d’hébergement ont été payés par la Berlinale et Téléfilm Canada.