Lorsque Guillaume Chapnick a mis ce qu’il croyait être son point final à son tout premier texte de théâtre, présenté au Théâtre d’Aujourd’hui à compter du 4 mars, les Russes n’avaient pas encore envahi l’Ukraine.

« La guerre a commencé un mois plus tard », lance le jeune homme, né d’un père d’origine polonaise et ukrainienne et d’une mère québécoise.

Rapidement, ce diplômé en jeu de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM a compris qu’il ne pouvait pas laisser son texte tel quel. « Je devais composer avec la nouvelle réalité, même si mon texte ne parle pas directement du conflit en Ukraine. Cela aurait été étrange de ne pas en parler. Mais c’était important pour moi de célébrer la culture ukrainienne, pas de la pleurer. » Il a donc choisi d’ajouter des extraits d’un poème du chantre du pays Taras Chevtchenko, extraits qui seront récités en langue ukrainienne, sans surtitres. « J’ai aussi changé le titre pour lui donner le nom de ce poète, qui est une grande figure humaniste en Ukraine. »

Dans Chevtchenko, donc, le conflit est évoqué par un des personnages, Christophe, un jeune homme québécois qui rêve de partir au pays de ses ancêtres pour combattre aux côtés de ceux qu’il considère comme ses frères.

Le personnage de Christophe représente une partie de qui je suis. La guerre a soulevé chez moi un grand sentiment d’appartenance, mais aussi d’impuissance. Comme si une alarme s’était mise à vibrer.

Guillaume Chapnick

« J’ai toujours été fasciné par la culture slave, par sa poésie, par ses films, poursuit l’acteur de 26 ans. Mais depuis le début de la guerre, je sens que la connexion est plus forte. J’ai envie de me rapprocher de mes racines paternelles… »

Au nom du père

Pour Guillaume Chapnick, son lien avec la culture ukrainienne passe beaucoup par la littérature, les lettres. « Mon père a grandi dans une communauté juive d’Europe de l’Est installée à Winnipeg. Lorsqu’il était enfant, il fréquentait une école ukrainienne où il a appris un poème de Chevtchenko par cœur. Il me l’a enseigné ; il fait partie de mon patrimoine. J’ai voulu l’ajouter au texte. »

L’auteur explique que ce poème est l’un des souvenirs qui lui restent de son père, mort il y a deux ans. De l’âge de 18 à 24 ans, Guillaume Chapnick a été proche aidant pour son père, atteint d’une maladie neurodégénérative.

Avec ce texte, j’ai eu envie de réconcilier deux parties de ma vie : mon côté slave, qui s’exprime lorsque je visite ma famille à Winnipeg, mais aussi ma réalité montréalaise et celle de la proche aidance.

Guillaume Chapnick

Dans Chevtchenko, le jeune dramaturge raconte la réalité de trois frères qui doivent aider leur père en perte d’autonomie. Chacun réagit comme il peut à cette réalité et à l’inéluctable perte d’un être aimé. « Les personnages des trois frères représentent trois aspects de moi-même à différentes étapes de ma vie. Ils représentent les étapes de mon processus de deuil. »

Chevtchenko, salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, du 4 au 23 mars

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